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# 05 Glottophobies et imaginaires des langues

Langues minorées et audiovisuel : un vecteur interculturel en cours d’espagnol en France

Abstract

Si el objetivo comunicativo de la autonomía lingüística en español debe alcanzarse al final del último ciclo de instituto, el estudio de las lenguas originarias del territorio americano puede ser considerado como un trabajo demasiado lento o poco "rentable" a nivel lingüístico/profesional. Al analizar las instrucciones oficiales para la enseñanza del español, así como los resultados de una encuesta en la que se interroga a los profesores acerca de la presencia/ausencia de estas lenguas/culturas en su enseñanza, queda claro que las lenguas de los pueblos originarios son minoradas, lo que revela una forma de glotofobia.

De este modo, si consideramos que la lengua-cultura española se nutre de las lenguas-culturas que no son no minoritarias sino minoradas, ¿cómo aceptar la omisión de las otras lenguas que comparten una historia y un territorio? La sensibilización sobre la pluralidad de lenguas y culturas en el mundo hispánico permitiría descubrir una realidad plurilingüe y multicultural. Para que esto sea posible, las producciones audiovisuales, sobre todo el cine, pueden ponerse al servicio de la competencia intercultural en un afán de no avalar y no perpetuar una postura colonial. Por el contrario, el objetivo es promover una educación para la tolerancia y lucha contra los prejuicios y otras prácticas discriminatorias.

Résumé

Si l’objectif communicationnel d’autonomie langagière en espagnol est à atteindre à la fin du cycle terminal, l’étude des langues originaires du territoire américain peut être considérée comme chronophage ou peu « rentable » au niveau linguistique/professionnel. En procédant à l’analyse des instructions officielles pour l’enseignement de l’espagnol ainsi qu’au sondage auprès d’enseignants où il est question de la présence/absence de ces langues-cultures dans leur enseignement, force est de constater que les langues originaires sont minorées révélant, ainsi, une forme de glottophobie.

Ainsi, si l’on considère que la langue-culture espagnole se nourrit des langues-cultures minorées (et non minoritaires), comment accepter une omission des autres langues qui partagent une histoire et un territoire ? Sensibiliser à la pluralité des langues et des cultures du monde hispanique permettrait la découverte d’une réalité plurilinguistique et multiculturelle. Afin de rendre possible cette sensibilisation, les productions audiovisuelles, et en particulier le cinéma, peuvent être mises au service de la compétence interculturelle pour ne pas entériner et perpétuer une posture coloniale. Au contraire, l’objectif est de promouvoir l’éducation à la tolérance et la lutte contre les préjugés et autres pratiques discriminatoires.

Texte intégral

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Dans le système éducatif français, 72% des élèves du second degré étudie l’espagnol comme LV2, contre 16.5% pour l’allemand 1 , allant jusqu’à représenter un total de 3.220.856 apprenants, toutes filières confondues entre la LV1 et la LV2 2 . A ces quelques trois millions d’élèves, s’ajoutent 17.177 élèves ayant choisi l’espagnol en LV3 dans les formations générales et technologiques ainsi que les élèves des 82 sections binationales Bachibac 3 . La lecture de ces chiffres nous permet non seulement de constater la place prépondérante qu’occupe, après l’anglais, l’étude de l’espagnol mais également d’affirmer l’importance des enjeux contemporains de la transmission de cette langue-culture présente sur plusieurs continents et qui est le reflet de cultures diverses.

Si, au niveau scolaire, l’objectif communicationnel d’autonomie langagière est à atteindre à la fin du cycle terminal afin de mieux s’intégrer au monde du travail dans une société plurilingue 4 , l’étude des langues amérindiennes 5 peut être considérée comme peu utile ou peu « rentable » au niveau linguistique et professionnel si l’on s’en tient à une vision utilitariste de l’apprentissage de la langue 6 . La place du castillan au niveau mondial, qui représente quelques 577 millions de locuteurs et un peu plus de 21 millions d’apprenants 7 est, ne l’oublions pas, le résultat d’un processus de glottophagie mis en œuvre dès l’arrivée des conquérants et des colons sur le territoire américain 8 . Bien que le concept de « glottophagie » n’ait pas été mis directement en lien avec la langue castillane, la définition qu’en donne Calvet est tout à fait pertinente pour notre propos. En effet, selon lui, la glottophagie relève d’une sorte de relation « cannibale » où le colon venu d’Europe, non seulement « a dévoré le[s] colonisé[s] » mais a également « dévoré [leurs] langues » 9 afin de les « délivrer de leur sauvagerie » 10 , les langues ancestrales étant incapables d’introduire ceux qui les parlent à la civilisation, « incapables de véhiculer des notions modernes, des concepts scientifiques, incapables d’être des langues d’enseignement, de culture ou de recherche » 11 . La colonisation a donc bien mis en conflit le castillan, langue de l’empire, langue officielle, de l’administration, de la religion, et les langues des communautés amérindiennes.

Cependant, force est de constater que malgré l’hécatombe provoquée par l’arrivée des Espagnols, la disparition de très nombreuses langues amérindiennes ainsi que les politiques linguistiques depuis lors, certaines d’entre elles ont survécu. Les cultures ancestrales dont ces langues ne peuvent guère être séparées font bel et bien partie d’un savoir intimement lié à l’extension de la langue-culture espagnole en Amérique latine. Ne pas les reconnaître revient à les discriminer et à perpétuer les stéréotypes présents dans les normes subjectives d’un imaginaire culturel et linguistique, décrit par Anne-Marie Houdebine 12 ; tout ceci nous renvoyant au concept de « glottophobie » définie par Philippe Blanchet 13 .

Ainsi, si l’on considère que la langue-culture espagnole s’est nourrie et continue de se nourrir des langues-cultures minorées (et non pas minoritaires 14 ), quelle place est réservée aux autres langues qui partagent, avec le castillan, une histoire et un territoire 15 ? Ne revient-il pas à l’Ecole de transmettre cette richesse linguistique et culturelle afin de participer à la construction de futurs citoyens ouverts à l’autre en combattant toute forme de glottophobie en vue d’un « autre monde : humaniste, juste, équitable et hospitalier 16 » ?

Nous analyserons, tout d’abord, les instructions officielles de l’enseignement de l’espagnol en France en vigueur à la rentrée 2019 de l’école primaire au cycle terminal 17 . Nous présenterons, ensuite, notre analyse d’un sondage proposé aux professeurs sur la question de la place des langues-cultures ancestrales dans leur enseignement. Enfin, nous tenterons de montrer que les productions audiovisuelles, et en particulier le cinéma, peuvent être mises au service de la compétence interculturelle en n’entérinant ni ne perpétuant une posture coloniale afin de (re)connaître ces « nadies » chantés par Eduardo Galeano 18 et, ainsi, sortir du « cercle vicieux de la minoration et de la majoration sociolinguistiques 19 ».

Analyse des instructions officielles et des documents ressources

Nous pouvons constater, à partir de l’analyse des instructions officielles pour l’enseignement de l’espagnol (du cycle 2 au cycle terminal) ainsi que des pistes de sujets d’étude proposées sur le site officiel du Ministère de l’Education Nationale, Eduscol, que les langues-cultures des peuples premiers sont presque totalement absentes de l’enseignement de l’espagnol en France. Cette situation semble assez logique si l’on considère qu’apprendre une langue vivante dans l’enseignement secondaire sert d’abord à s’intégrer dans un contexte de citoyenneté européenne et de mobilité professionnelle 20 . Ainsi, selon l’idéologie linguistique dominante, l’éveil 21 aux langues-cultures ancestrales semble-t-elle peu « rentable » 22 .

Le programme du cycle 2 de l’école primaire qui donne la priorité à l’oral s’attache à initier les élèves à l’enseignement en langue vivante. La littérature de jeunesse est au centre des déclinaisons culturelles de l’espagnol et doivent permettre aux élèves de « prendre conscience de son propre univers » 23 afin de parler de soi, de la classe et l’univers enfantin pour conduire l’élève à découvrir « les façons d’être et d’agir des enfants espagnols et hispano-américains » 24 ou « la similitude et la ressemblance, la spécificité et la différence » 25 . Aucune production en langue ancestrale 26 n’est cependant proposée. Nous pouvons aisément expliquer ces constats par l’objectif même de l’enseignement qui doit sensibiliser les élèves à la langue espagnole en leur apportant quelques bases linguistiques et culturelles pour leur permettre de communiquer simplement. Notre lecture des textes officiels s’inscrit dans celle de Gilles Forlot « qui tente de sortir des tendances ‘mono’, le plurilinguisme ne renvoie pas forcément à la maîtrise de plusieurs langues, mais plutôt en termes de reconnaissance et d’acceptation des diverses langues dans l’environnement social et de l’intérêt qu’il y aurait éventuellement à y recourir et/ou en faire l’enseignement/apprentissage » 27 .

Au cycle 3, « on rentre […] dans une phase d’élargissement des repères qui vient favoriser la prise de conscience de certaines similitudes mais aussi de certaines différences » 28 . Ainsi, parmi les trois axes retenus (la personne et la vie quotidienne, les repères géographiques, historiques et culturels et l’imaginaire), les vêtements, les légendes, les superhéros pourraient permettre l’introduction des cultures (et donc des langues) amérindiennes mais si le Cid et Superlópez trouvent leur place 29 , Súper Cholita, héroïne aymara très populaire à El Alto, en Bolivie, et qui combat l’impérialisme 30 , brille par son absence alors que cet exemple permettrait de « développer la curiosité et aiguiser l’envie de communiquer dans la perspective toujours affirmée de faire découvrir l’altérité » 31 . Nous pourrions penser que « no solo en la imposición jurídica de la lengua y en las gramáticas prescriptivas se halla la clave del juego de poderes inscrito en un determinado régimen de normatividad 32  » mais aussi dans les représentations culturelles qui impliquent des choix qui secondent cette normativité.

Pour le cycle 4, les deux domaines qui ont attiré notre attention sont « Voyage et migrations » ainsi que « Rencontre avec d’autres cultures » car ils semblent réaffirmer l’objectif d’acceptation de l’autre déjà présent dans les programmes des deux cycles précédents. Ainsi, « La leyenda de Popocatépelt e Iztaccíhualt » 33 côtoie-t-elle Don Quijote de la Mancha et les productions cinématographiques de Guillermo del Toro car « le voyage qu’il soit réel ou imaginaire, qu’il se déroule dans l’espace et/ou dans le temps, ouvre les portes d’un monde à découvrir » 34 . Si le domaine du « voyage » introduit pour la première une référence aux cultures précolombiennes, le domaine de « rencontres avec d’autres cultures » affirme la volonté de découverte de la diversité au sein de l’aire linguistique hispanique afin d’ouvrir la porte à la découverte des « multiples réalités phonologiques et lexicales qui font la diversité et l’originalité de la langue » 35 . Et bien qu’il soit même précisé que « l’observation attentive d’une carte géographique permettra de repérer des présences linguistiques et culturelles particulières et originales : […] les langues vernaculaires pour ce qui est de l’aire hispano-américain » 36 , aucun texte, film ou chanson en langue amérindienne ou régionale n’est proposé dans les pistes de documents.

Ce constat se poursuit pour la classe de seconde dont l’entrée culturelle est pourtant « L’art de vivre ensemble ». Le préambule commun à toutes les langues vivantes note que cet enseignement doit assurer non seulement la communication entre des locuteurs de différentes cultures mais vise également « une dimension plus profonde : la connaissance de la culture et de l’histoire que véhiculent les langues étudiées » 37 . Les enseignants sont ainsi invités à faire s’interroger les élèves sur les relations sociales afin de réfléchir aux « questions de cohésion sociale et culturelle » 38 . La sensibilisation aux langues-cultures ancestrales semblerait aller de soi à la lecture de ce texte. La seule référence aux cultures amérindiennes dans les documents d’accompagnement 39 se trouve dans l’axe 8 « Le passé dans le présent » : « En quoi les pratiques ancestrales et les représentations historiques participent-elles à la création d’une identité collective ? ». Cependant, aucun document en langue ancestrale n’est proposé mais deux productions cinématographiques étrangères : Coco des studios Pixar et Pachamama de Juan Antin.

Si l’on poursuit notre analyse des documents officiels publiés pour le programme de la classe de terminale en vigueur jusqu’à la rentrée 2019 40 , force est de constater que malgré la flexibilité d’une notion intitulée « Mythes et héros » qui fait se côtoyer des mythes fondateurs historiques ou imaginaires (le Cid, Don Quichotte), des héros anonymes (les pompiers, les bénévoles d’associations humanitaires) et des héros de fiction (Mafalda) ou des stars (Ricky Martin), aucun mythe ni aucun héros des peuples amérindiens, légendaire ou non, ne trouve sa place 41 . Deux exceptions, cependant : pour la notion « Espaces et échanges », on cite l’œuvre de Ricardo Espinosa, Qhapaq Ñan, 2002, afin de proposer aux élèves une réflexion sur les espaces et les routes qui les traversent propices aux échanges ; pour l’enseignement de spécialité, Langue Vivante approfondie de la série littéraire, on propose « La langue espagnole dans sa diversité / Les langues hispaniques : aide ou frein aux échanges ? » afin de sensibiliser les élèves au rôle unificateur de la langue espagnole mais aussi à la réalité des « langues régionales » comme « affirmation d’une identité culturelle » 42 . Proposer ce sujet d’étude aux élèves ayant choisi de devenir spécialiste en espagnol est sans doute à relier au fait que, pour comprendre la portée de la coexistence de ces langues, les élèves ont besoin de plus de maturité réflexive. On notera, cependant, qu’aucun document en langue amérindienne n’est cité, pas plus que dans les ressources du programme de Littérature étrangère en langue étrangère, également proposé aux élèves de série littéraire 43 .

Ainsi, les instructions officielles reproduisent-elles des idéologies culturelles et linguistiques qui font de la langue espagnole, idéologème institutionnel d’une « patria común » 44 , le seul moyen de communication possible alors que la variété linguistique et culturelle des territoires imposerait un regard pluriel 45 .

Face à ce constat de ce que l’on pourrait rapprocher d’une forme de glottophobie, pour inconsciente qu’elle soit, le nouveau programme en vigueur pour la classe de première à partir de la rentrée 2019 46 introduit explicitement la prise en compte de la variété linguistique dans l’enseignement des langues vivantes. L’axe 7 « Diversité et inclusion » propose de réfléchir sur « le rapport à l’Autre et permet la mise en place de projets interculturels et plurilingues » 47 . La problématique soulevée ensuite ne manque pas d’attirer notre attention : « Quels éléments culturels conditionnent les relations entre les catégories sociales ? Les questions de la diversité et de l’inclusion gagnent à être abordées ensemble » 48 . De même, les mots-clés qui accompagnent cet axe 49 semblent inciter explicitement les enseignants à introduire l’étude des langues-cultures ancestrales en cours d’espagnol : « discriminations », « minorités », « langues officielles et langues non reconnues », « idiolectes ».

L’objectif de cette réflexion semble tout à fait en accord avec les enjeux éducatifs contemporains d’affirmation des valeurs de la République afin de combattre toute forme d’altérophobie 50 . Ainsi donc les langues dominantes, en général héritières d’un passé colonial, devraient pouvoir intégrer une sensibilisation aux langues minorées 51 pour participer, un peu plus, à la formation citoyenne afin de « faire comprendre aux élèves que les sociétés humaines autour d’homogénéité et d’altérité qu’il faut comprendre et prendre en considération » 52 .

La seconde partie de notre étude tentera, dans une visée heuristique, de faire un état des lieux de cette sensibilisation à travers la description, l’explication et la compréhension des pratiques des enseignants ayant participé à l’enquête proposée 53 .

Présentation et analyse d’un sondage auprès d’enseignants

L’axe fort de cette étude est la gestion de la situation didactique de la part de l’enseignant. Cette dimension praxéologique nous permet d’observer comment l’enseignant organise des situations d’enseignement-apprentissage en prenant en compte ou non les langues ancestrales ainsi que la mise en œuvre de stratégies adaptées à la classe.

198 enseignants d’académies métropolitaines et des Outre-mer ont répondu à ce questionnaire auxquels ils ont eu accès grâce à l’aimable collaboration de certains IA-IPR d’espagnol et Webmasters qui ont accepté de le publier sur les sites académiques ou bien de le transmettre directement aux enseignants grâce aux listes de diffusion.

Le nombre d’enseignants, qui ont répondu sur le site Survey Monkey de mars à septembre 2019, est réparti selon différents niveaux d’enseignement : 122 pour le collège, 87 pour le lycée et 12 « Autre » où l’on trouve ces précisions : Enseignement en BTS, Lycée professionnel, Section Pro, Université, IUT et CPGE.

Notre deuxième question concerne « la variante de l’espagnol » parlée par l’enseignant et nous avons laissé la possibilité de préciser une région ou un pays ; ce qui montre la richesse des variétés linguistiques. Cette question qui concerne l’étude du diasystème, montre que 79,8% des participants (158) considère parler un espagnol dit « péninsulaire ». Dans ce cas, les régions évoquées sont celles de : [Espagne (2)], Madrid (4), Andalousie (4), Murcie (3), Castille et Léon (9, dont deux précisent la ville de Salamanque), Valence (1), Galice (2), Catalogne (1). Il est intéressant de constater que deux enseignants ont voulu donner plus de détails quant à leur diasystème : « con seseo » et « Nord de Madrid ». Par ailleurs, d’autres enseignants parlent de « castellano » comme une sorte de norme qui s’exclut du diasystème sud-péninsulaire. D’autre part, 20,2% des participants (40) affirment parler une variante latino-américaine et certains précisent le pays : Mexique (6), Mexique-Pérou (1), Pérou (2), Argentine (3), Uruguay (1), République Dominicaine (1), Colombie (6, dont une précision du type : Bogota), Costa Rica (1), Cuba (2), Chili (1). On observe que les vastes régions du continent latino-américain ne sont pas toutes représentées, de même que les variantes de la langue. Par ailleurs, les territoires où les langues ancestrales sont les plus nombreuses ne sont pas forcément les plus représentés, à l’exception du Mexique. Parmi les 198 participants seul 51 ont tenu à identifier la variante de la langue utilisée ; ce qui peut montrer soit un manque d’identification avec une variété de l’espagnol parlée soit une affirmation de l’absence de nécessité d’apporter une précision quant à l’espagnol enseigné.

Afin d’approfondir cette question, dans une perspective d’application pédagogique, nous avons formulé la question 3 sur la variante de l’espagnol qu’il est préférable d’enseigner aux élèves. Cette question est volontairement polémique puisqu’en réalité il ne fait aucun doute que toutes les variantes sont acceptables 54 et qu’il ne s’agit pas d’une question de préférence. 54,04% des enseignants (107) n’ont pas voulu s’exprimer ; ce qui pourrait aller dans le sens de notre réflexion. Cependant, 40,4% (80) considère que c’est la variante péninsulaire qu’il serait préférable d’enseigner aux élèves français. Or, cette variante péninsulaire porte des diasystèmes différents qui, pour le cas de l’espagnol sud-péninsulaire, le rapproche de l’espagnol des Amériques. Persiste-t-il donc l’idée que l’espagnol d’Espagne, sous-entendu du centre, serait le plus adapté pour l’apprentissage de la langue ? Comment sensibiliser donc à d’autres réalités linguistiques si certains enseignants pensent qu’il existe un modèle à privilégier ? Ce modèle a-t-il été imposé et normalisé par des instructions eurocentristes qui entraînent l’exclusion de langues minorées ou des variantes diasystémiques ?

Nonobstant, les réponses à la question 4 nous montrent qu’il existe en cours d’espagnol une sensibilisation aux réalités linguistiques et culturelles amérindiennes qui font partie de l’Amérique Latine sur des territoires où l’espagnol comporte aussi des variantes. Dans ce sens, 43,3% des enseignants (86) affirment que la sensibilisation aux réalités linguistiques et culturelles amérindiennes est plutôt présente dans leurs cours (10,61%, 21, pour Très présente). Dans le bas de l’échelle, de manière assez équilibrée en nombre par rapport à l’exercice de la sensibilisation, on trouve des enseignants qui affirment que cette sensibilisation est assez rare dans leurs cours (36,36%, 72), rare (7,07%, 14) et complétement absente (2,53%, 5).

Dans tous les cas, on peut donc constater que cette sensibilisation existe bel et bien et que ces langues-cultures amérindiennes trouvent une place non négligeable dans les cours des enseignants interrogés. En effet, cette sensibilisation semble nécessaire, selon les enseignants, dans les deux niveaux d’enseignement secondaire (collège et lycée) puisque c’est la réponse choisie par 60,91% d’entre eux, soit 120 (§ 5). Elle semble uniquement nécessaire en collège pour 7,11% (14). Cela revient à renforcer la dimension spiralaire de l’enseignement car il ne semble ne pas pouvoir y avoir de rupture dans cette sensibilisation pendant tout un parcours d’apprentissage, selon une grande majorité des enseignants interrogés.

Il nous semblait donc important d’interroger les enseignants sur la relation entre les pratiques pédagogiques (où la sensibilisation aux langues-cultures amérindiennes semble être présente) et les programmes officiels qui servent de référence à tout enseignant. Ainsi, dans la question 6, formulons-nous explicitement cette question (« Dans les programmes officiels, y a-t-il des références aux langues-cultures indigènes ? ») et le résultat nous montre tout d’abord que 34,52% des enseignants (68) ne savent pas si les programmes y font référence. Cela ne veut pas dire que les enseignants ne connaissent pas les programmes mais que cet aspect étudié ne semble pas avoir été relevé et/ou considéré comme un élément essentiel pour l’exercice de leur enseignement. Par ailleurs, 47,72% des enseignants (94) confirment que les langues-cultures ancestrales sont présentes dans les programmes, bien que, comme nous l’avons montré, les références faites dans les programmes actuels soient bien rares. Certes, reste à savoir si tous les enseignants envisagent les langues-cultures amérindiennes de la même façon et ne confondent pas culture latino-américaine et culture amérindienne.

Finalement, afin de savoir comment rendre accessibles ces langues-cultures régionales (terme volontairement ajouté où s’inscrivent, par exemple, d’autres langues officielles dans la Péninsule) et amérindiennes, dans la question 9 nous posons la question de la nature des documents à privilégier dans l’hypothèse d’un travail en cours. La question n’est pas à réponse unique et les enseignants ont eu la possibilité d’ajouter une brève explication. Les documents audiovisuels sont largement plébiscités par les enseignants (90,9%, 180) 55 . Les documents audios constituent le deuxième choix (64,65%, 128) car il est clair que la langue est une réalité parlée 56 et que l’oral est également un véhicule de culture. Le choix des documents iconographiques comme véhicule de la culture occupe la troisième place avec 55,56% des enseignants (110). Selon eux, l’art, en particulier, est une source d’informations très importantes sur la culture de l’Autre et a été un moyen privilégié d’expression sur le continent latino-américain depuis la conquête et jusqu’à nos jours. Finalement, le choix des textes écrits montre que 39,9% des enseignants (79) pense que par l’écrit il est aussi possible de sensibiliser à ces langues-cultures par des articles de presse qui traitent le sujet de la place de l’indien dans la société mais aussi par la littérature à travers des écrivains sensibles à la réalité amérindienne et qui nous ont laissé des personnages, des lieux et même des mots qui la représentent.

Les explications apportées par 66 enseignants apportent, pour certains, d’autres informations nouvelles. Tout d’abord, les enseignants insistent sur le fait que « Tout support est une porte d’entrée vers une autre culture » et à un autre enseignant d’ajouter que « C’est l’exploitation qui en sera faite qui sensibilisera efficacement à la question ». Cette constatation reste l’impression générale à la lecture des commentaires des enseignants. On observe qu’une attention spéciale est portée à la sonorité de la langue amérindienne car la langue parlée apporte une illustration d’une réalité linguistique à laquelle les apprenants n’ont pas été habitués et de la grande diversité de cette réalité étant donné le nombre très important de langues ancestrales sur le territoire latino-américain. Selon ces enseignants, cette sonorité est associée de préférence à l’image en tant que véhicule tout aussi concret de la réalité de l’Autre 57 . De cette manière, solliciter non seulement l’ouïe mais aussi le regard de l’élève permettrait de déclencher une sensibilité envers un sujet très éloigné de sa réalité (« L’audiovisuel permettra aux élèves d’être conscients de l’existence actuelle de ces groupes ethniques ce qui le rendra plus sensible à leur langue… ») bien que la réalité du plurilinguisme des élèves soit un atout majeur au moment d’agir sur la sensibilisation de l’autre langue-culture (« […] aussi de les comparer aux contextes linguistiques des pays d’origine de certains de nos élèves (Afrique, Inde….) ») 58 .

Le cinéma, les reportages ou les documentaires serviraient de « point d’ancrage » pour des élèves « très sensibles à l’image et au son ». Ainsi, le document audiovisuel est-il considéré comme une porte d’entrée efficace sur la notion de découverte de l’autre langue-culture qui facilitera, dans un second temps, une approche différente de l’image fixe (image d’art mais aussi des cartes géographiques et des graphiques) et du texte (celui-ci est privilégié lorsque le contact avec la langue-culture minorée a déjà été établie en amont : « un texte seul me semble pauvre, il est préférable d’avoir les deux supports, en privilégiant bien sûr le son »).

Toutefois, certains enseignants évoquent la difficulté à trouver des documents audiovisuels et à trouver des documents en lien notamment avec les programmes de l’espagnol en collège. Parmi les commentaires il est également question du manque de contextualisation de certaines images « qui rappellent la réalité des cultures indigènes mais elles ne donnent aucun détail » de sorte que la sensibilisation reste lacunaire. Par ailleurs, nous constatons une importance accordée au mot « étranger ». Non seulement à sa sonorité mais aussi à sa présence sur des affiches et des textes comme s’il s’agissait d’un gage de réalité et, tel un pas en avant, le fait de l’identifier (« il est bon […] qu’ils voient aussi la graphie –quand il y a un système d’écriture– de certains glyphes mayas par exemple ») et de l’utiliser, même de manière anecdotique, rendrait la sensibilisation plus efficace. Finalement, deux enseignants précisent que cette sensibilisation devrait se faire également à travers la rencontre avec l’Autre de façon à éliminer les filtres et à favoriser l’échange (« Ou bien inviter des personnes à faire des conférences sur la question notamment des gens appartenant à la communauté indigène ou des gens parlant une langue régionale » et « […] la rencontre (association, personne extérieur) ou la correspondance permettent de toucher davantage nos élèves et de les sensibiliser au contexte complexe de l’espagnol »).

Ce dépouillage de l’enquête nous a permis de mettre en lumière le positionnement des enseignants par rapport à leur propre pratique. Dès lors, nous pouvons établir deux réflexions : d’une part, la minorisation des langues-cultures amérindiennes dans les instructions officielles dont sont conscients les enseignants et, d’autre part, une forme de réaction dans la pratique qui montrerait que la diversité linguistico-culturelle serait une manière de réduire la glottophobie.

Ce constat nous permet ainsi de nuancer le caractère glottophobe de l’enseignement de l’espagnol en France mais reste tout de même la difficulté de l’accès aux langues amérindiennes. Le recours à l’audiovisuel, plébiscité par les enseignants, serait un outil majeur au service d’un apprentissage ouvert à la diversité afin de « réaffirmer le caractère profondément humain, social et culturel des langues » 59 .

L’audiovisuel pour sortir de la colonisation linguistique

Suivant le choix des enseignants dans le questionnaire précédent, nous nous sommes intéressés au document audiovisuel en tant que support privilégié dans l’accès aux langues-cultures amérindiennes. Notre objectif, dans un premier temps, est d’essayer de comprendre en quoi le document audiovisuel est un véhicule intéressant au-delà du constat de l’accès direct à des sonorités étrangères et à des images d’une culture autre. Ensuite, nous donnerons quelques exemples concrets de sorte à rendre concrète cette interprétation. Il ne s’agira pas de créer une banque de ressources pour la classe mais de montrer une approche parmi d’autres aux langues-cultures amérindiennes en cours d’espagnol.

On a pu constater que les réponses des enseignants au questionnaire confirment notre choix personnel de faire des documents audiovisuels un moyen privilégié dans l’exposition à ces langues-cultures autres que l’espagnol car l’image audiovisuelle va véhiculer non seulement les sons de ces langues en tant que sa réalisation concrète mais aussi les images de cultures ancestrales toujours vivantes (objets et objets d’art, traditions, lieux, symboles…) qui rendent visible l’Autre qui partage avec nous l’espagnol comme langue « seconde ». Il en va de même, évidemment, avec les documents audiovisuels qui traitent la question de l’indien et de sa langue-culture sans forcément reproduire uniquement la langue amérindienne.

Ceci s’explique par le fait que, lorsque nous utilisons des documents audiovisuels en tant que moyen privilégié, nous favorisons le développement d’une macro-activité langagière (la compréhension audiovisuelle) qui implique une forte contextualisation visuelle du message audio 60 . L’apprenant a, en effet, accès à la réalité médiate (ce que l’on voit, ce que l’on entend et leurs interrelations) mais aussi aux potentialités informationnelles de cette réalité puisque l’image est tout aussi porteuse de sens, comme le défend la sémiologie de l’image ou visuelle 61 . Afin que les apprenants ne projettent pas, sur ces documents, leur imaginaire, fait de stéréotypes à propos des réalités des populations amérindiennes, il reviendra à l’enseignant de proposer des stratégies d’apprentissage propice à la rencontre avec l’Autre.

Dans le cas concret des langues amérindiennes, ceci se voit renforcé par le fait que l’enseignant ne va pas faire un cours de prononciation ni un exercice de compréhension orale sur une langue non étudiée. Alors, l’accès à ce savoir devrait se faire par une contextualisation visuelle en accompagnement d’un exemple concret d’oralité comme exemple d’une réalité différente à celle du castillan 62 . Par ailleurs, certaines langues ancestrales en voie de disparition n’existent que par cette culture orale qui passe de génération en génération sans que la langue en soi devienne un outil de communication dans la vie quotidienne. Ou encore, certains individus, sans maîtriser totalement la langue amérindienne, vont introduire certains mots et expressions en espagnol (ou à l’inverse) ; ce qui reflète l’évolution des sociétés latino-américaines et notamment le mode de vie des jeunes générations.

Nous pouvons trouver, grâce aux documents audiovisuels, un juste équilibre entre la pratique de la langue espagnole et les contraintes imposées par le choix d’un document qui nous questionne sur le plurilinguisme. Dans le cadre de la sensibilisation aux langues-cultures ancestrales, la diversité des communautés montrées à l’écran, par le cinéma, la richesse des thématiques abordées, la variété des supports disponibles (bande-annonce, film, court-métrage, fiction-documentaire…) et la portée socioculturelle des histoires racontées ne sont que des atouts dans la construction d’un projet pédagogique visant à lutter contre la glottophobie.

Le cinéma contemporain latino-américain s’intéresse aujourd’hui tout particulièrement à la question de l’identité et à la représentabilité d’un Autre qui a été largement exclu des écrans. Pour cette année 2019, Année internationale des langues ancestrales, par exemple, a été créé le Festival de Cine Indígena En Línea De América Latina Y El Caribe (OIFF) avec le soutien de l’UNESCO. C’est ainsi que lors de la « Semana de América Latina y el Caribe » (3-14 juin 2019) plus de 80 films ont été diffusés 63 . L’objectif affiché par l’OIFF et de l’UNESCO est la sensibilisation à l’importance des langues-cultures ancestrales pour le développement durable, la consolidation de la paix et la réconciliation des peuples.

C’est dans ce sens que les exemples de films à l’affiche pendant les dix dernières années nous montrent la nécessité de donner de la visibilité à la question amérindienne, question consubstantielle à la réalité latino-américaine et donc partie intégrante des savoirs socioculturels que nos élèves devraient acquérir afin de ne pas tomber dans la reproduction des dispositifs de la glottophobie et développer une « éthique de l’altérité et du divers », ce que Martine A. Pretceille appelle un « humanisme du divers » 64 . Pour cela, nous avons sélectionné cinq productions audiovisuelles.

La Jaula de Oro (Diego Quemada-Díez, Mexique, 2013). Ce film montre la vie de trois adolescents qui décident de traverser le Mexique en quête du rêve américain. La rencontre de l’Autre prend une place importante dans le film notamment à travers la figure de Chauk, un jeune amérindien guatémaltèque qui ne parle pas castillan et doit survivre dans un milieu qui lui est complétement hostile. Sara, une autre jeune migrante, en essayant d’apprendre sa langue, va montrer qu’au-delà des différences il est possible de s’entendre. Ainsi assiste-t-on à un moment de poésie cinématographique lorsque, au cours d’un premier échange intime, Sara et Chauk communiquent sans utiliser la même langue par les gestes et la répétition de mots dans les deux langues (castillan et tzotil, langue amérindienne variante du maya) 65 . De son côté, Juan, le troisième migrant, va rejeter ce jeune amérindien car il le considère comme un fardeau et un rival potentiel dans sa conquête amoureuse de Sara. Notre choix du sujet d’étude à aborder en classe s’est porté sur l’articulation de la langue comme moyen d’acceptation de l’Autre et la discrimination raciale.

Café (Cantos de humo) (Hatuey Viveros, Mexique, 2014) est un récit intimiste de la vie d’une famille dont le père, producteur de café, vient de décéder. Ce film-documentaire pose la question de la cohésion familiale et sociale dans une communauté nahuatl de la région de la Sierra de Puebla. Autour du café, les langues se délient en langue nahuatl et le spectateur est plongé dans l’intimité de cette famille qui doit faire face à son propre destin. On suit Jorge, le fils, sa sœur, Rosario, et Teresa, la mère, face à leurs destins. Somme toute, ce film nous montre la nécessité de dialogue dans la construction d’une vie et comment les sentiments les plus intimes peuvent être montrés à l’écran en prenant l’exemple d’une famille, d’une langue et d’une culture minorée. Les moments forts de ce film qui rendent compte de la variété linguistique accompagnée d’une transmission culturelle correspondent d’abord aux conversations entre Jorge et ses grands-parents toujours en langue nahuatl où ces derniers reviennent sur l’histoire de leur petit-fils, son père décédé et les relations difficiles entre tous ces membres. Ces récits sont indissociables de l’histoire de la communauté originaire. C’est pourquoi Jorge voudrait devenir avocat et défendre les droits de son peuple. D’autre part, la plantation de café est un symbole fort de cette transmission de savoirs ancestraux, or, c’est en castillan (et non pas en nahuatl) que Jorge transmet à un enfant ces savoirs appris au sein de la communauté et aux côtés de son père. La figure de la mère sert de transition entre le monde traditionnel et le futur de Jorge comme le symbolise l’utilisation qu’elle fait des deux langues.

Ixcanul (Jayro Bustamante, Guatemala, 2015) nous plonge dans l’histoire de María, jeune amérindienne qui s’oppose au destin tout tracé voulu par ses parents (un mariage arrangé). Le film nous montre la vie de la communauté amérindienne depuis l’intérieur avec ses rituels, ses coutumes et sa cosmovision. La langue cakchiquel (langue de la famille du maya) devient le véhicule de la tradition mais aussi de la rébellion. L’entrée culturelle forte est le rôle de la femme dans la société amérindienne (la question du « empoderamiento ») mais aussi une importance spéciale est donnée à la relation de l’homme avec la nature tout particulièrement à travers des rituels. Exemple d’exclusion sociale par sa langue et sa culture, la protagoniste est confrontée au refus de la police de lui rendre son fils donné en adoption sans le savoir car elle a signé des papiers écrits en castillan, langue qu’elle ne lit pas. Cette scène qui se déroule dans un commissariat projette à l’écran la scission sociale donnée à voir par le jeu de la caméra entre le champ-contrechamp qui traduit la confrontation de personnages situés d’un côté et de l’autre du bureau, de deux langues en présence mais qui ne communiquent pas, en somme, de deux mondes qui ne s’entendent pas.

El sueño de Mara’akame (Federico Cecchetti, Mexique, 2016) place le protagoniste, le jeune adolescent Nieri, face au conflit modernité/tradition. En effet, ce jeune huichol, fils du chaman de la communauté, veut se rendre à la capitale, Mexico, pour jouer dans un groupe de musique rock tout en faisant de sa langue maternelle un moyen d’expression artistique. Le rêve de tracer son propre destin sans trahir ses origines et le rêve comme moyen de communication avec une culture ancestrale vont entrer en conflit, un conflit personnel qui est le reflet du conflit sociétal sur la place des cultures ancestrale dans notre monde moderne.

Pájaros de verano (Cristina Gallego et Ciro Guerra, Mexique-Colombie, 2018) nous montre le déclin des clans de la communauté wayuu dans les années 1970. Un déclin motivé par l’entrée d’argent facile provenant du trafic de drogue qui sera vendue aux États-Unis. La langue wayuu est le véhicule de communication et de transmission des valeurs et des traditions de la culture amérindienne. L’entrée en scène de personnages étrangers à leur communauté, des hispanophones ou des anglophones rejetés par les plus anciens car ils ne peuvent apporter que le malheur à leurs clans, va de pair avec l’enrichissement à coup de milliers de dollars et motive la perte des clans protagonistes. En effet, l’introduction du trafic de drogues fait basculer les communautés mises en scène par des réunions des représentants de chaque famille (en particulier des matriarches) qui voient disparaître leurs traditions et leur langue au profit d’un nouveau mode de vie régi par l’argent, les armes et la drogue. Cette déchéance s’observe de manière progressive dans la disparition de rituels que les jeunes adultes n’acceptent plus et par l’introduction des étrangers qui ne parlent pas la langue wayuu et que les anciens de la communauté pointent comme les représentants du mal. Ce film hautement poétique est l’exemple même du choc de deux visions opposées de la vie sur ce monde.

Montrer à l’écran la langue minorée ainsi que ceux qui la parlent et la vivent semble être une manière efficace pour lutter contre la glottophobie car, comme le dit Michel Tardy au sujet des films et de la télévision, « alors que l’information verbale ne concerne que la partie intellectuelle de notre être, l’information visuelle nous mobilise entièrement : corporellement, affectivement, intellectuellement » 66 . Dès lors, le choix de l’audiovisuel comme médiation privilégiée est une porte ouverte sur le plurilinguisme en cours d’espagnol et est un atout dans la rencontre avec l’Autre afin de se libérer des imaginaires linguistiques stéréotypés. En effet, Serge Tisseron souligne que « du point de vue du processus symbolique, c’est en effet le regard qui constitue l’image en espace à habiter et à transformer, bref un espace de liberté » 67 .

Conclusion

Ainsi donc notre analyse des instructions officielles a démontré que les langues amérindiennes sont minorées au sein même de l’apprentissage de l’espagnol alors qu’elles en sont l’un des fondements. Ignorer ces langues-cultures revient à imposer des tendances « mono » et donc l’exclusion de la diversité. L’axe 7 « Diversité et inclusion » du programme en vigueur en classe de première à la rentrée 2019 (et qui sera également celui de la classe de terminale à la rentrée 2020) nous donne cependant un exemple de prise en compte de l’importance de la richesse de ces langues-cultures et de leur place dans les cours de langues vivantes.

Sensibiliser à la pluralité des langues et des cultures du monde hispanique ne saurait, à notre sens, revenir à un enseignement encyclopédique qui prendrait le pas sur l’enseignement de la langue castillane mais devrait plutôt être considéré comme la découverte d’une réalité plurilinguistique à même de combattre les préjugés, le racisme et la xénophobie. Dès lors, connaître l’Autre revient à avoir un regard nouveau sur l’altérité et pourrait ainsi permettre de lutter contre toute forme d’altérophobie, la connaissance de l’Autre impliquant sa reconnaissance et son acceptation dans une logique scolaire de vivre ensemble inséparable de motivations citoyennes.

Afin de rendre possible cette sensibilisation, les productions audiovisuelles, et en particulier le cinéma, peuvent être mises au service de la compétence interculturelle pour ne pas entériner et perpétuer une posture coloniale. Au contraire, l’objectif est de promouvoir l’éducation aux Droits de l’Homme et la lutte contre les préjugés et autres pratiques discriminatoires. L’audiovisuel serait un moyen de voir et de comprendre la culture d’une langue que l’on ne comprend pas et permettrait une décolonisation culturelle qui passerait d’abord par les images et le ton pour situer les sensations et les émotions au centre de l’apprentissage.

Annexe : Langues indigènes et cours d’espagnol

1- A quel(s) niveau(x) enseignez-vous l’espagnol ?

            Collège – Lycée – Autre : veuillez préciser.

2- Quelle est la variante de l’espagnol que vous parlez ?

Espagnol péninsulaire – Espagnol d’Amérique latine.

Commentaires possibles.

3- Quelle est la variante de l’espagnol qu’il est préférable d’enseigner en France, selon vous ?

            Espagnol péninsulaire – Espagnol d’Amérique latine – Ne se prononce pas.

4- Dans vos cours, vous diriez que la sensibilisation aux réalités linguistiques et culturelles indigènes est :

            Très présente – Plutôt présente – Assez rare – Rare – Complètement absente.

5- Sensibiliser les élèves/étudiants aux langues indigènes, vous semble nécessaire :

            Oui, au collège – Oui, au lycée – Oui, au collège et au lycée – Oui, dans l’enseignement supérieur – Non.

6- Dans les programmes, y a-t-il des références aux langues-cultures indigènes ?

            Oui – Non – Je ne sais pas.

7- Utilisez-vous des manuels scolaires pour construire vos cours ?

            Jamais – Occasionnellement – Souvent – Très souvent – Exclusivement.

8- Si vous utilisez des manuels scolaires, trouvez-vous que les cultures indigènes sont suffisamment présentes ?

            Oui – Non – Je ne sais pas.

9- Selon vous, quel(s) genre(s) de documents pourrai(en)t le mieux faciliter la sensibilisation aux langues régionales et indigènes ?

            Iconographiques (photos, tableaux…) – Textes écrits (articles, littérature…) – Documents audiovisuels (documentaires, films…) – Documents audios (chansons, interviews radiophoniques…).

            Commentaires possibles.



Notes    (↵ returns to text)
  1. Données extraites de Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche 2019, https://cache.media.education.gouv.fr/file/2019/51/6/depp-rers-2019_1162516.pdf, p. 110. Ce que l’on appelle LV1 (ou LVA) est la langue vivante étrangère obligatoire dont l’apprentissage a été commencé à l’école primaire (dès le cycle 1) alors que la LV2 (ou LVB) est celle dont l’apprentissage a été commencé en classe de 5° (cycle 3).
  2. Ibid., p. 111.
  3. Ibidem.
  4. Louis-Jean Calvet, La guerre des langues, Paris, Hachette, 1987, p. 43 : « Les hommes sont donc confrontés aux langues. Où qu’ils soient, quelle que soit la première qu’ils ont entendue ou apprise, ils en rencontrent d’autres tous les jours, les comprennent ou ne les comprennent pas, les reconnaissent ou ne les reconnaissent pas, les aiment ou ne les aiment pas, sont dominés par elles ou les dominent : le monde est plurilingue, c’est un fait ». Les programmes officiels que nous étudierons dans la première partie de cet article reviennent à de nombreuses reprises dans leurs préambules sur cette idée d’apprentissage des langues pour faciliter les échanges, d’abord, au niveau européen, puis, au niveau mondial.
  5. Les principales langues ancestrales parlées aujourd’hui sont : le quechua, le guarani, l’aymara, le nahuatl, le maya, le mapudungun. L’UNICEF compte 522 peuples amérindiens pour environ 420 langues utilisées aujourd’hui. Dans UNICEF, « UNICEF presenta el Atlas sociolingüístico de pueblos indígenas en América latina », www.unicef.es/prensa/unicef-presenta-el-atlas-sociolinguistico-de-pueblos-indigneas-en-america-latina
  6. Selon Gilles Forlot, cette approche didactique correspond à une vision instrumentale « bien connue de l’apprentissage des langues » véhiculée par le Socle commun de connaissances et de compétences (2006) et le Cadre européen de références pour les langues (2001). « L’accent est mis davantage sur la dimension linguistico-éducative que sur les bénéfices transversaux à gagner de l’apprentissage de l’altérité linguistique ». Gilles Forlot, « Vers une formation au plurilinguisme à l’école française. État des lieux et réinterprétations des approches didactiques ‘mono’ des instructions officielles », Éveil aux langues et approches plurielles. De la formation des enseignants aux pratiques de classe, dir. Claudine Balsiger, Dominique Bétrix Köhler, Jean-François de Pietro et Christiane Perregaux, Paris, L’Harmattan, p. 62.
  7. Instituto Cervantes, El español: una lengua viva. Informe 2018, s. l., Departamento de Comunicación Digital del Instituto Cervantes, 2018, p. 10-11.
  8. Louis-Jean Calvet, Linguistique et colonialisme. Petit traité de glottophagie, Paris, Payot, 1974.
  9. Ibid., p. 12 : « Pour justifier l’entreprise coloniale dans les termes de la ‘culture’ occidentale, de l’humanisme dont on nous a tant rebattu les oreilles, il fallait oublier l’existence des autres. Le premier anthropophage est venu d’Europe, il a dévoré le colonisé, … il a dévoré ses langues, glottophage donc. D’ailleurs ces langues n’existent pas, n’est-ce pas. Tout juste des dialectes, voire des patois !… ».
  10. Ibid., p. 121.
  11. Ibid., p. 123. Notons que ces idées énoncées il y a 45 ans sont toujours d’actualité.
  12. Anne-Marie Houdebine, « De l’imaginaire linguistique à l’imaginaire culturel », La linguistique 51, 2015, p. 3-40.
  13. Ce néologisme employé par Philippe Blanchet depuis 1998, a, selon lui, l’avantage de « réinsérer les discriminations linguistiques dans l’ensemble des discriminations portant sur des personnes au lieu de les restreindre […] à des discriminations portant sur des langues ». Le linguiste français le définit comme « le mépris, la haine, l’agression et donc globalement le rejet, de personnes, effectivement ou prétendument fondés sur le fait de considérer incorrectes, inférieures, mauvaises certaines formes linguistiques (perçues comme des langues, des dialectes ou des usages de langues) usitées par ces personnes, en général en focalisant sur les formes linguistiques et sans toujours avoir pleinement conscience de l’ampleur des effets produits sur les personnes ». Philippe Blanchet, Discriminations : combattre la glottophobie, Paris, Textuel, 2016, p. 44-45.
  14. Les données recensées par la Banque Mondiale nous montrent que, dans certains pays, le pourcentage d’amérindiens qui parlent une langue ancestrale peut être largement majoritaire (jusqu’à 76% dans le cas de la Colombie et du Costa Rica) dans Banco Mundial, Latinoamérica indígena en el siglo XXI, Washington D. C., Banco Mundial, 2015, p. 85. Soulignons que le graphique publié montre que plus une personne se reconnaissant comme amérindienne fait d’études, moins elle parle la langue ancestrale.
  15. Cet article se propose de réfléchir uniquement aux imaginaires linguistiques et culturels sur les territoires latino-américains étant entendu que ces questions se posent également pour le territoire péninsulaire où sont également parlés le galicien, le catalan, le basque, par exemple.
  16. Philippe Blanchet, op. cit., p. 177.
  17. Nous ne proposons pas notre analyse des programmes de la filière professionnelle ni de la section Bachibac pour ne pas alourdir notre propos et parce que le constat d’ensemble serait le même.
  18. Eduardo Galeano, El libro de los abrazos, Madrid, Siglo XXI, 1989 : « Los nadies: los hijos de los nadies, los dueños de nada. / Los nadies: los ningunos, los ninguneados, corriendo la liebre, muriendo la vida, jodidos, rejodidos: / Que no son, aunque sean. / Que no hablan idiomas, sino dialectos. / Que no profesan religiones, sino supersticiones. / Que no hacen arte, sino artesanía. / Que no practican cultura, sino folklore. / Que no son seres humanos, sino recursos humanos. » (nous soulignons).
  19. Philippe Blanchet, op. cit., p. 47.
  20. Pour une critique des approches didactiques préconisées par les institutions européennes et le concept de « didactique de l’appropriation et de la relation » voir Véronique Castellotti, Pour une didactique de l’appropriation. Diversité, compréhension, relation, Paris, Didier, 2017.
  21. Pour en savoir plus sur l’« éveil aux langues », voir Michel Candelier, L’éveil aux langues à l’école primaire, Bruxelles, De Boeck, 2003.
  22. « Cette idéologie linguistique fondée sur un principe d’économie, et souvent mise au service de l’économie, se propose de réduire les coûts de la diversité des variétés linguistiques humaines : coût d’apprentissage, de traduction, difficulté de compréhension mutuelle… Elle est aussi à la source de politiques nationales pour lesquelles l’emploi d’une langue commune et homogène assure la fluidité du marché nationale, en particulier du marché du travail, et assure un maximum d’efficacité à l’État », Jean-Claude Beacco, « Les idéologies linguistiques et le plurilinguisme », Le Français dans le monde 314, 2001, p. 25-27.
  23. Déclinaisons culturelles. Espagnol, Cycle 2, Eduscol, mars 2016, En ligne : https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Espagnol/03/6/RA16_C2_LV_esp_declinaison_culturelle_572036.pdf, p. 2.
  24. Ibid., p. 2.
  25. Ibid., p. 7.
  26. Véronique Castellotti propose « une didactique altérante […] qui inclut une relation et une confrontation avec des autres » qu’elle nomme « relationnelle » et qui devrait « [se] construire des recherches et des formations fondées précisément sur le croisement [des] expériences et sur leurs contrastes », dans Véronique Castellotti, op. cit., p. 132-133.
  27. Gilles Forlot, op. cit. p. 65-66.
  28. Déclinaisons culturelles. Espagnol, Cycle 3, Eduscol, mars 2016, En ligne : https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Espagnol/87/6/RA16_C3_LV_esp_declinaison_culturelle_574876.pdf, p. 1.
  29. Ibid., p. 11.
  30. Les « cholas » (dont est issu le diminutif de l’héroïne de BD) sont un symbole social fort, tout particulièrement en Bolivie, car elles représentent, à travers leurs codes vestimentaires leur appartenance à une communauté (par exemple, selon le type de chapeau porté) et notamment par la « pollera » (l’accumulation de jupons) qui est en soi un creuset de la culture métissée. Sous le gouvernement d’Evo Morales, non seulement le symbole de la « chola » mais aussi la présence de femmes se revendiquant comme « cholas » ont été de plus en plus visibles dans les médias et en politique ; au point qu’on parle aujourd’hui de la « pollera » comme symbole féministe ancestral.
  31. Déclinaisons culturelles. Espagnol, Cycle 3, op. cit., p. 1.
  32. Elvira Narvaja de Arnoux et José del Valle, « Las representaciones ideológicas del lenguaje. Discurso glotopolítico y panhispanismo », Spanish in Context 7/1, 2010, 2010, p. 3.
  33. Déclinaisons culturelles. Espagnol, Cycle 4, Eduscol, mars 2016, En ligne : https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Espagnol/75/3/RA16_C4_LV_esp_declinaison_culturelle_585753.pdf, p. 9.
  34. Ibid., p. 9.
  35. Ibid., p. 15.
  36. Ibidem.
  37. Bulletin officiel spécial n°1 du 22 janvier 2019, En ligne : https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/95/2/spe585_annexe1_1062952.pdf, p. 7.
  38. Ibid., p. 7.
  39. Exemple d’objets d’étude. Espagnol, juin 2019, En ligne : https://cache.media.eduscol.education.fr/file/LV/96/0/RA19_Lycee_GT_2nde_LV_espagnol_exemples_1167960.pdf
  40. Bulletin officiel spécial n°4 du 29 avril 2010, En ligne : https://www.education.gouv.fr/cid53320/mene1019796a.html
  41. Ressources pour le cycle terminal. Exemples de sujets d’étude, espagnol, janvier 2013, En Ligne : https://cache.media.eduscol.education.fr/file/LV/13/5/RESS_LV_cycle_terminal_espagnol_sujets_etudes_239135.pdf, p. 1-4.
  42. Ibid., p. 8.
  43. Ressources pour le cycle terminal. Littérature étrangère en langue étrangère, espagnol, avril 2014, En ligne : https://cache.media.eduscol.education.fr/file/LV/00/6/RESS_LV_cycle_terminal_LELE_espagnol_316006.pdf
  44. Elvira Narvaja de Arnoux et José del Valle, op. cit., p. 17.
  45. Voir Michel Candelier (coord.), Le CARAP. Un cadre de référence pour les approches plurielles des langues et des cultures, s. l., Editions du Conseil de l’Europe, 2012.
  46. Bulletin officiel spécial n°1 du 22 janvier 2019, En ligne : https://cache.media.education.gouv.fr/file/SP1-MEN-22-1-2019/70/3/spe585_annexe2CORR_1063703.pdf
  47. Ibid., p. 10.
  48. Ibidem.
  49. Ibidem.
  50. Jo Arditty et Philippe Blanchet, « La ‘mauvaise langue’ des ‘ghettos linguistiques’ : la glottophobie française, une xénophobie qui s’ignore », Revue Asylon(s) 4, 2008, http://www.reseau-terra.eu/article748.html
  51. L’approche par palier des programmes officiels et du CECRL implique une logique du savoir compris comme une acquisition pyramidale dont les fondements sont l’apprentissage de la langue-culture espagnole (donc, de la langue castillane), puis l’édifice se construit dans une évolution spiralaire à partir d’une complexification des enjeux et de la langue. Reprenant le postulat de Gilles Forlot, « Le cours de langue, lieu possible de toutes les transversalités » (Gilles Forlot, op. cit., p. 68-69), il conviendrait de renforcer une pratique de la langue plurielle qui reflète la diversité culturelle et linguistique car « la diversité linguistique est un élément transversal non seulement au curriculum mais aussi à la culture humaine » (p. 69).
  52. Gilles Forlot, op. cit., p. 69.
  53. Enquête disponible en Annexe.
  54. « La lengua española, como lengua natural, es esencialmente variable y presenta una multiplicidad de manifestaciones geolectales y sociolectales susceptibles de ser llevadas a la enseñanza. Pero no puede obviarse la unidad fundamental del español, que permite que cualquier profesor de español bien formado, utilice la variedad geolectal que utilice, pueda realizar su trabajo sin dificultad alguna en cualquier rincón del planeta. Unidad y diversidad, hoy por hoy, son hechos incontestables de la lengua española », Francisco Moreno Fernández, « Qué español enseñar », Actas del programa de formación para profesorado de español como lengua extranjera, Munich, Instituto Cervantes, 2004, https://cvc.cervantes.es/ensenanza/biblioteca_ele/publicaciones_centros/PDF/munich_2003-2004/04_entrevista.pdf, p. 36.
  55. Pour Martine A. Pretceille, « une culture n’existe que si elle est ‘vue’, si elle est ‘lue’, ce qui implique de doubler et de dépasser l’approche sémiologique par une phénoménologie sociale qui permet d’éviter le réductionnisme culturel en reconnaissant la vision et l’interprétation des acteurs ». Martine A. Pretceille, « La pédagogie interculturelle : entre multiculturalisme et universalisme », Linguarum arena 2, 2011, p. 97.
  56. Les instructions officielles accordent toutes une place de choix à la dimension orale de l’enseignement-apprentissage des langues-cultures étrangères.
  57. Geneviève Jacquinot insiste sur l’importance des « messages globaux » qui ne sont pas le fruit d’une addition du type « image + son » car « au plan de la réception, il y a toujours des organes distincts qui reçoivent l’un le message visuel, l’autre le message auditif. La perception globale est celle d’un troisième message, différent de la somme des deux autres, communément appelé message audio-visuel » dans Image et pédagogie : analyse sémiologique du film à l’attention didactique, Paris, PUF, 1977, p. 90.
  58. S’inscrire dans une démarche plurilingue et pluriculturelle implique que les apprenants seront plus ouverts aux différentes langues-cultures. Ainsi, « soutenir les démarches ‘pluri’, c’est effectivement se situer sociologiquement et politiquement : c’est affirmer notamment que la diversité et la pluralité sont nécessaires à la construction d’une société plus juste et que la prise de conscience de ces concepts participe à l’éducation de citoyens ouverts aux différences, notamment dans le domaine des pratiques langagières », pour Gilles Forlot, op. cit., p. 65.
  59. Philippe Blanchet, op. cit., p. 163-167.
  60. César Ruiz Pisano, Théorie et pratiques de la compréhension audiovisuelle dans la didactique de l’espagnol langue étrangère, Thèse de doctorat dirigé par José Vicente Lozano, Université de Rouen Normandie, 2016 (sous presse).
  61. Martine Joly, L’image et les signes : approche sémiologique de l’image fixe, Paris, Armand Colin, 2011.
  62. Dans le choix des documents audiovisuels en tant que support sont présents divers contextes qui viennent compléter les manques d’informations afin de ne pas déstabiliser l’élève. C’est ainsi que le contexte verbal (les signes linguistiques), le contexte extra-verbal (la situation de communication) et le contexte implicite (les savoirs socioculturels de l’élève) vont favoriser l’accès à une réalité distancée de celle de l’élève. Dans César Ruiz Pisano, « Théorie des contextes audiovisuels, dans une approche pragmatique », chapitre 3.2., op. cit.
  63. En ligne : https://es.iyil2019.org/festival-de-cine-indigena-en-linea-oiff/
  64. Martine A. Pretceille, op. cit., p. 96, et d’ajouter « ce qui compte, ce sont moins les connaissances que l’expérience de l’altérité qui s’appuie inéluctablement sur l’éthique […] l’Autre n’est pas un objet mais une aventure, un processus, un processus, un devenir, un événement et donc ne peut pas être réduit, ni momifié ni aseptisé », p. 96-97.
  65. Bien que sa réflexion n’ait pas à voir avec l’enseignement de l’espagnol en tant que langue étrangère, les propos d’Enrique Pérez López, directeur du Centro Estatal de Lenguas, Arte y Literatura Indígenas, sont tout à fait éclairant : « No digamos que la película es la punta de lanza y que va a transformar la realidad de las relaciones entre culturas indígenas y no indígenas, pero es un aporte que ayuda a que veamos y que los otros vean que hay posibilidades de comunicación más allá del idioma, aunque seamos culturalmente diferentes ». Elio Enríquez, « El Ariel a Chauk por La jaula de oro hace visible el potencial de los indígenas », La Jornada, 30/05/2014, https://www.jornada.com.mx/2014/05/30/espectaculos/a10n1esp
  66. Michel Tardy, Le professeur et les images : essai sur l’initiation à l’image visuelle, Paris, PUF, 1966, p. 65.
  67. Serge Tisseron, Le bonheur dans l’image, Le Plessis-Robinson, Synthélabo, 1976, p. 118.

Bibliographie

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Auteur

Agrégé d’espagnol, Grégory Dubois est enseignant en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles dans l’Académie de Paris depuis 2015. Formateur et membre de jury de concours, il a aussi appuyé le corps d’inspection de l’Académie de Versailles où il a enseigné pendant quatre ans en section binationale Bachibac. Ses activités de recherche portent sur la littérature espagnole contemporaine et l’enseignement de l’espagnol en France.

Agrégé d’espagnol, César Ruiz Pisano est actuellement Pr.Ag à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Qualifié à la fonction de MCF avec une thèse au sujet de la linguistique appliquée à la didactique des langues, il s’intéresse aux productions audiovisuelles hispaniques et particulièrement à l’activité de compréhension audiovisuelle. Ses articles portent sur l’analyse du discours, l’apprentissage de la langue grâce aux textes audiovisuels et l’intermédialité.
http://www.pantheonsorbonne.fr/recherche/page-perso/page/?tx_oxcspagepersonnel_pi1[uid]=cruizpisan

Pour citer cet article

Grégory Dubois, César Ruiz Pisano, Langues minorées et audiovisuel : un vecteur interculturel en cours d’espagnol en France, ©2021 Quaderna, mis en ligne le 10 mai 2021, url permanente : https://quaderna.org/5/langues-minorees-et-audiovisuel-un-vecteur-interculturel-en-cours-despagnol-en-france/

Langues minorées et audiovisuel : un vecteur interculturel en cours d’espagnol en France
Grégory Dubois
César Ruiz Pisano

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