L’espace est-européen dans la cartographie de l’altérité : approches critiques et formes de résistance
Abstract
This article focuses on the discursive construction of the Eastern European space in Western imagination, exploring the various theoretical and critical approaches that challenge the metageography associated with the Eastern European space and its representations. The term “Eastern Europe” designates a socio‑historical reality linked to the socialist and post‑socialist experience, a symbolic construction resulting from a discursive hardening that needs to be deconstructed, as well as a potential “site of enunciation,” a source of resistance and counter‑representation. In this context, the article aims to highlight the significance of the Eastern European space in a critical mapping of otherness and its potential to illuminate, through its inbetweenness, complex mechanisms of othering.
Résumé
Cet article s’intéresse à la construction discursive de l’espace est-européen dans l’imaginaire occidental en explorant les différentes approches théoriques et critiques qui remettent en question la métagéographie associée à l’espace est-européen et les représentations qui en découlent. Le terme « Europe de l’Est » désigne à la fois une réalité socio‑historique liée à l’expérience socialiste et post‑socialiste, une construction symbolique fruit d’un durcissement discursif qui nécessite d’être déconstruit, et un potentiel « lieu d’énonciation », source de résistance et de contre‑représentation. Dans ce contexte, l’article vise à souligner l’intérêt de l’espace est-européen dans une cartographie critique de l’altérité et son potentiel d’éclairer, grâce à sa position intermédiaire, des mécanismes d’altérisation complexes.
Texte intégral
Introduction
Qui est l’Autre évoqué par l’expression « Europe de l’Est » ? La notion de l’« Autre », telle qu’elle a été développée par la théorie postcoloniale, évoque tant une idée de différence imputée qu’une position dans une hiérarchie du pouvoir, ainsi qu’un positionnement remettant en cause l’hégémonie de l’eurocentrisme. Dans ce contexte, l’altérité de l’espace est-européen est incertaine, au croisement entre les représentations dichotomiques de l’« Occident » (essentiellement conçu comme européen ou nord-américain et socialement associé à la blanchité) et de ses « Autres » (historiquement, les sociétés postcoloniales et les groupes racisés).
Si l’Europe de l’Est comme entité géopolitique distincte a perdu son sens après la chute des régimes communistes et la désintégration de l’URSS en 1989‑1992, le terme et l’imaginaire qu’il évoque persistent dans la sphère publique et dans l’espace médiatique. Ainsi, on peut remarquer, depuis 1990, un retour aux stéréotypes culturels et le renforcement des divisions entre l’Ouest et l’Est sur des critères « civilisationnels » dans les nouvelles représentations du post‑socialisme à la télévision comme au cinéma. Dans le même temps, les migrations est-européennes vers l’Ouest ont engendré de nouvelles formes d’exclusion et d’inégalité, rendues visibles par leurs intersections avec les rapports de genre et de classe sociale 1 . Que ce soit dans la réalité sociale ou dans la fiction, ces phénomènes perturbent les dichotomies usuelles entre Soi et l’Autre, exigeant une considération à part entière.
Pourtant, les connotations négatives du terme « Europe de l’Est » et le risque d’essentialisme qu’il comporte invitent à remettre en question son utilisation. On peut se demander si le terme ne reproduit pas la stigmatisation de la région par rapport au « noyau occidental » et ne contribue pas ainsi au discours orientaliste 2 . Néanmoins, sans recours à ce terme, comment rendre compte des formes spécifiques d’altérisation qui opèrent dans l’imaginaire populaire ? Cet article utilise le terme « Europe de l’Est » et ses dérivés en tant que catégories d’analyse visant à tourner un regard critique vers leurs modes opératoires dans l’espace public. La notion d’« Europe de l’Est » permet alors de rendre compte de l’objet de critique dans le cadre d’un travail de déconstruction. Dans ce sens, « étudier l’Europe de l’Est c’est tenter de faire disparaître cette expression, de travailler à son effacement » 3 .
En tant que catégorie conceptuelle, l’Europe de l’Est est quasi absente des analyses critiques des représentations culturelles en Europe et aux États‑Unis. Cette exclusion reflète la reconfiguration des systèmes politiques et épistémologiques mondiaux après la chute du socialisme d’État en Europe. Dans la taxinomie contemporaine qui oppose les Nords (Global North) aux Suds (Global South), l’ancien deuxième monde, dépourvu de sa différence politique, peine à retrouver une place :
Cet Est est donc trop riche pour faire partie des Suds, mais trop pauvre pour faire partie des Nords. Il est trop puissant pour être relégué à la périphérie mais trop faible pour être au centre. Cet Est inclut autant les colonisateurs que les colonisés, les agresseurs que les victimes. […] En d’autres termes, cet Est est volatile, difficile à catégoriser. 4
Le caractère équivoque de l’Europe de l’Est pose également un défi épistémologique. Dans le cadre des études menées à l’intersection entre le post‑socialisme et le post‑colonialisme, l’Europe de l’Est est de plus en plus reconnue comme une double périphérie : par rapport à un centre culturel situé à l’Ouest, d’une part, et dans son statut post-socialiste et post‑soviétique, de l’autre. Ces deux conditions produisent une double marginalisation, une situation d’entre‑deux qui sort du cadre binaire colonisé‑colonisateur.
De même, les représentations populaires de l’Europe de l’Est se situent sur le terrain de l’ambiguïté. Dans la plupart des cas, les discours sur l’Europe de l’Est prennent la forme de ce qu’Iris Marion Young qualifie d’« impérialisme culturel ». Cette forme d’oppression implique de vivre sous l’influence d’une norme culturelle alignée sur la culture dominante, qui rend son identité Autre et invisibilise l’expérience individuelle 5 . Notre représentation de l’espace est-européen est en grande mesure dictée par les images médiatisées de la région et de ses habitant·e·s produites dans l’« Occident » 6 , là où les capacités de production médiatique permettent une dissémination à l’échelle mondiale. Ces images produisent une violence symbolique, car elles concourent à nier la diversité des identités culturelles et des expériences, participant d’une vision réductrice et monolithique de la région. Par exemple, les pays fictionnels créés par Hollywood pour servir de métaphore de l’est-européanité, tels que Sokovia, Krakozhia ou Slovetzia 7 , reproduisent une image figée de l’Europe de l’Est comme un territoire coincé dans le passé socialiste ou dans un état de guerre et de violence perpétuelle.
Cet article propose de mettre en évidence l’importance de l’espace est-européen dans la cartographie de l’Autre, ainsi que son potentiel pour mettre en lumière des formes et des mécanismes complexes d’altérisation. Les fictions audiovisuelles, en tant que sites de production et de réinvention d’identités multiples, seront traitées ici comme vecteurs de (re)production de l’altérité est-européenne, mais aussi comme sources potentielles de discours remettant en question les divisions Est‑Ouest et compliquant les dichotomies simplistes entre Soi et Autre. À cette fin, j’examinerai la construction discursive de l’Europe de l’Est à travers trois concepts : géographie imaginaire, post‑socialisme et liminalité. Si les deux premiers concepts témoignent des efforts transdisciplinaires de déconstruire la catégorie « Europe de l’Est » et ses représentations, le troisième évoque les possibilités de résistance et d’auto-représentation dans ces contextes.
La géographie imaginaire de l’espace est-européen
En tant que construction discursive, l’espace est-européen s’inscrit dans une longue durée de l’histoire de l’Europe et, plus récemment, des États‑Unis, où il fait l’objet d’un processus d’invention, de production et de sédimentation de savoirs et d’images. Tout en ayant ses spécificités, le discours sur l’Europe de l’Est est calqué sur l’orientalisme, défini par Edward Saïd comme un « style de pensée fondé sur la distinction ontologique et épistémologique entre “l’Orient“ et (le plus souvent) “l’Occident” » 8 . En attribuant des valeurs – positive pour l’une, négative pour l’autre – aux références géographiques « Ouest » et « Est », l’orientalisme permet le développement d’une géographie imaginaire qui construit l’« Occident » en opposition à d’autres espaces et cultures.
Tout comme l’« Orient », l’Europe de l’Est est le fruit d’un système de représentation qui l’a essentialisée comme l’« autre moitié complémentaire » 9 de l’Occident à partir du dix‑huitième siècle. En réduisant la multiplicité des nations, des cultures et des identités s’étendant à l’Est à une représentation d’arriération économique, politique, sociale et culturelle, les pays ouest-européens se forgent eux‑mêmes une identité autour de la notion de civilisation, en tant que nations à la fois civilisées et civilisatrices. Brandissant des idéaux démocratiques et une conception progressiste de l’histoire, les Lumières ont déplacé la focale des différences religieuses vers une nouvelle notion d’altérité. « [É]valuée par rapport à une norme établie en Europe occidentale » 10 , l’Est de l’Europe est défini désormais en termes de (manque de) civilisation, de progrès et de démocratie.
S’il n’y a pas, avant le vingtième siècle, de stéréotype « occidental » commun de l’Europe de l’Est, des schémas de perception spécifiques peuvent être observés dans la littérature de voyage et de fiction britannique et française, mais aussi américaine 11 . Ces représentations se différencient néanmoins du discours orientaliste qui conçoit l’Orient comme un Autre absolu, le « grand contraire complémentaire » 12 de l’Occident. Comme l’explique Maria Todorova par rapport aux Balkans, ceux‑ci « ont toujours évoqué l’image d’un pont ou d’un carrefour » à mi‑chemin entre l’Est et l’Ouest, ce qui génère des termes tels que « semi‑développé, semi‑colonial, semi‑civilisé, semi‑oriental » 13 . Ce caractère d’« entre‑deux », à la fois familier et distant, « aurait pu faire des Balkans, simplement, un Autre incomplet ; or ils sont compris non comme un Autre mais comme un Soi incomplet » 14 . Cette différence entre l’Orient et les Balkans en tant que constructions cognitives amène Todorova à déclarer qu’« à la différence de l’orientalisme, qui est un discours sur une opposition imputée, le balkanisme est un discours sur une ambiguïté imputée » 15 . De manière similaire, les représentations de l’Europe de l’Est évoquent une position de semi‑altérité par rapport à l’Europe occidentale.
L’orientalisme « à l’européenne » se caractérise notamment par l’inconsistance des frontières entre Soi et Autre et entre Ouest et Est, car la rhétorique orientaliste est tout aussi bien utilisée par ceux et celles qui représentent sa cible. Ces « orientalismes emboîtés », selon Milica Bakić‑Hayden, « reproduisent la dichotomie originale sur laquelle l’orientalisme est fondé » 16 . La relocalisation et l’internalisation des structures sous‑jacentes à l’orientalisme se manifestent par une hiérarchisation entre les peuples est-européens, qui permet d’affirmer son appartenance à l’« européanité » par rapport à ceux qui sont situés plus à l’Est. À titre d’exemple, l’article publié par l’écrivain tchèque Milan Kundera en 1983, « Un Occident kidnappé ou la tragédie de l’Europe centrale », revendiquait la différence de l’Europe centrale (Tchécoslovaquie, Pologne, Hongrie) vis‑à‑vis l’Union soviétique et « la civilisation de l’Est » 17 en soulignant son appartenance culturelle et sa contribution à l’Europe occidentale, que celle‑ci avait néanmoins décidé d’ignorer : « elle ne voit dans l’Europe centrale que l’Europe de l’Est » 18 . S’adressant à un lectorat occidental 19 , la définition de l’Europe centrale proposée par Kundera gardait intacte la dichotomie Est‑Ouest, tout en déplaçant l’altérité plus à l’Est 20 . Ces formes d’altérisation se manifestent aussi par la marginalisation des Autres internes aux nations est-européennes, tels que les Roms ou les personnes de confession musulmane. Andrew Hammond utilise le terme « collaboration discursive » 21 pour rendre compte de la contribution que les peuples d’Europe de l’Est ont apportée eux‑mêmes (à différents degrés et à différents moments) à la sédimentation des stéréotypes les concernant.
Ces schémas perceptifs conférant une altérité ambiguë à l’Europe de l’Est sont investis de nouvelles dimensions lors de la guerre froide. Sous l’influence de l’Union soviétique, les pays de l’Est étaient considérés comme « perdus pour l’Occident » 22 . Si les échanges entre les deux « blocs » étaient en réalité plus nombreux et plus collaboratifs 23 que l’opinion publique ne se le représentait, dans la sphère politique et dans la production culturelle se cristallise la représentation d’une division insurmontable entre l’Ouest et l’Est, symbolisée par la métaphore du rideau de fer ou par l’image du mur de Berlin. La rhétorique de la séparation des deux entités fusionne avec les anciens schémas de représentation pour forger une représentation manichéenne de l’espace communiste est-européen, qui s’oppose à une vision toute aussi monolithique du monde « capitaliste ». Ainsi, la période de la guerre froide est marquée par le succès du roman d’espionnage, représenté en Grande‑Bretagne par John le Carré et son Espion qui venait du froid (1963) ou encore par Ian Fleming, le créateur de James Bond. Adaptée au cinéma à partir de 1961, la série James Bond retranscrit les antagonismes entre les deux blocs idéologiques pendant la guerre froide et même au‑delà. Bond, qui débute comme un héros britannique, devient au fil du temps une figure internationale, de plus en plus associée à une idée de masculinité américaine 24 qui se mesure encore et toujours à ses ennemis, dont les plus irréconciliables viennent de l’Est. Ainsi, depuis From Russia with Love (1963) et jusqu’au dernier No Time to Die (2021), les personnages de l’Est apparaissent comme des cibles à détruire ou à conquérir (dans le sens de conquête amoureuse, comme le montre le grand nombre de James Bond girls de l’Est) 25 .
La condition post‑socialiste
La dissolution des régimes communistes en Europe de l’Est, suivie de la désintégration de l’URSS en 1991, a été célébrée comme un « retour en Europe » des pays restés derrière le « rideau de fer » pendant presque un demi‑siècle 26 . La chute du communisme validait et réconfortait le capitalisme néolibéral en tant qu’idéologie victorieuse, dans une rhétorique triomphaliste qui érigeait les États‑Unis en « vainqueurs » de la guerre froide. En tant que tels, ils avaient « l’opportunité et la responsabilité de refaçonner l’économie mondiale et de superviser les accords de sécurité internationaux qui permettront aux marchés libres de se développer » 27 . Au nom du développement et de la transition, les campagnes néolibérales de la « stratégie du choc » 28 en Europe de l’Est et en Russie du début des années 1990 prévoyaient une libéralisation rapide des marchés, la privatisation des ressources de l’État et le développement du commerce international.
L’optimisme initial a laissé place à la désillusion, tant à l’Est qu’à l’Ouest, ouvrant la voie à un renouvellement des discours orientalistes. Si les pays de l’Est tardaient à trouver la prospérité et la stabilité promises par les politiques néolibérales, la faute était attribuée à leur prétendue arriération culturelle 29 . Ainsi, le remplacement de la rhétorique idéologique de la guerre froide par le vocabulaire de transition et de démocratisation a fait remonter à la surface d’anciennes considérations culturelles et « civilisationnelles ». Ce nouveau discours peut être observé également au niveau des représentations des personnages est-européens dans les médias occidentaux. Sur les écrans, l’ancien adversaire idéologique est métamorphosé en dangereux malfaiteur venant d’une société corrompue ou en simple « imitateur » de la modernité occidentale 30 .
À la place d’une division claire entre l’Est et l’Ouest, le processus d’intégration européenne, avec sa mise en évidence d’un décalage toujours persistant des pays de l’Est par rapport à l’Occident, prend la forme d’un gradient ou d’une « pente Est‑Ouest » (« East‑West slope ») 31 . Une logique de hiérarchisation gouverne les relations entre la « vieille Europe » et les nouveaux États membres. De la même manière, le paternalisme évident dans l’application d’un modèle occidental aux démocraties émergentes de l’Europe de l’Est n’a fait qu’amplifier le repli nationaliste et conservateur dans certains pays post‑communistes. Dans ce contexte, Ivan Kalmar interprète les tendances illibérales des gouvernements centre-européens comme, à la fois, des réactions à leur périphéralisation persistante dans le système européen et des manières ostentatoires d’affirmer et de démontrer leur européanité 32 .
La condition de l’Est européen dans la période post‑socialiste s’inscrit ainsi dans un paradigme progressiste et une logique de dépendance vis‑à‑vis de l’Occident. Investiguant les intersections entre le post‑socialisme et le post‑colonialisme, Dorota Kołodziejczyk et Cristina Şandru notent que la condition de l’Europe de l’Est peut être pensée comme doublement post‑coloniale :
en abordant les anciens colonisateurs/occupants, elle entreprend un projet postcolonial de revendication (de sa propre histoire et de sa propre voix) visant l’ancienne puissance impériale ; en même temps, elle s’adresse à l’Occident sur un mode postcolonial particulièrement ambivalent, dans lequel l’Occident est à la fois historiquement complice de l’assujettissement politique de la région derrière le rideau de fer et fonctionne actuellement comme une métropole périphéralisante. 33
Ces schémas de dépendance et de subalternisation sont mieux saisis à travers le phénomène de migration depuis l’Est de l’Europe. La période post‑socialiste connaît une émigration massive des ressortissants des anciens pays communistes vers les pays de l’Ouest et vers les États‑Unis 34 . Cette migration économique, au départ illégale et devenue de plus en plus régulière au fur de l’intégration des pays de l’Est à l’Union Européenne, a suscité des réactions négatives, voire alarmistes, dans les sphères politiques et médiatiques de plusieurs pays occidentaux. Dans son analyse des représentations des travailleur·euse·s de l’Est en Grande-Bretagne et en Allemagne, Aleksandra Lewicki observe des phénomènes de « racialisation ambiguë » et de hiérarchisation à l’intérieur de la blanchité qui reproduisent l’altérisation historique de la région 35 . L’association des immigrant·e·s à un espace est-européen historiquement marginalisé s’articule avec d’autres rapports de pouvoir, notamment celui de genre et de classe sociale, pour donner lieu à des dynamiques d’altérisation d’autant plus insaisissables qu’elles concernent une population majoritairement considérée comme blanche. De plus, les situations d’exploitation et de discrimination sont souvent marginalisées ou mises sous silence dans l’effort de « prouver son droit d’appartenance en s’identifiant de manière excessive à la culture d’accueil et en surperformant sa blanchité aux dépens des autres personnes racisées » 36 .
Dans ces conditions, l’Est européen peut être défini, selon Mladina Tlostanova, par sa condition post‑socialiste, « une circonstance et un héritage géopolitiques et corpo‑politiques » qui se traduisent par la demande d’« oublier notre version de modernité et repartir de zéro dans un paradigme différent de modernité occidentale et néolibérale » 37 . Autorisé à rejoindre le « club européen » mais restant marginal aux décisions importantes, l’Est occupe toujours un statut subalterne et semi‑périphérique au sein de l’Europe. Diffus et hétérogènes, les discours produits sur l’Europe de l’Est deviennent dans la période post‑communiste des « idéologies (hiérarchiques) de l’orientalité » (« ideologies of Eastness ») 38 . Toutefois, considérer l’Europe de l’Est du point de vue unique du discours hégémonique, c’est la réduire à un simple référent monolithique et occulter ainsi sa capacité d’auto‑représentation. Dans ce contexte, l’approche comparative entre le post-socialisme et le post‑colonial ouvre de nouvelles possibilités pour penser l’espace est-européen au‑delà des discours qui l’ont façonné.
L’Est européen et les potentiels de la liminalité
Dans les discours occidentaux (mais aussi autochtones), le motif de l’« entre‑deux » sert à décrire certains pays ou régions comme étant à la marge de l’Europe, que ce soit sur le plan économique, politique, culturel ou social. Le plus souvent, cela contribue à produire un éloignement, à signifier une différence comprise comme une incomplétude ou un manque. Les métaphores les plus courantes, comme par exemple celle de la transition, ou encore le mythe du rempart de la civilisation occidentale 39 , contribuent finalement à reproduire le discours orientaliste et le clivage entre l’Est et l’Ouest.
Réarticuler la position interstitielle de l’Europe de l’Est comme liminalité permet de sortir le sujet est-européen de son statut de « victime » des discours occidentaux et de penser sa capacité d’action. Associé initialement à la théorie des « rites de passage » développée par Arnold Van Gennep et repris ensuite par l’anthropologue Victor Turner, le concept de liminalité permet de rendre compte des phénomènes transitoires qui « se situent dans les interstices de la structure sociale » 40 . Par la suite, les théoricien·ne·s du post‑colonialisme adoptent ce concept pour décrire la condition de l’identité diasporique et hybride 41 ou la pensée frontalière 42 comme sources d’un nouveau type de discours. Dans cette perspective, la liminalité est comprise comme un potentiel site de transformation et d’agentivité (agency), conférées par l’accès à une multiplicité de perspectives 43 .
La liminalité peut rendre compte de la centralité réclamée par les peuples d’Europe de l’Est (auto‑définition) pour contrebalancer leur représentation comme marginaux dans les discours dominants (assignation). Pour Martin Müller, reconnaître la condition liminale de l’Est, comprise non pas d’un point de vue géographique, mais en tant que possibilité épistémologique, fait partie du projet émancipateur de l’« Est global » 44 . La position de l’Europe de l’Est comme borderland, appartenant à la fois à l’Est et à l’Ouest, peut être alors comprise comme position d’énonciation 45 , source de nouvelles formes d’expression. Cette perspective ouvre également la possibilité de penser des alliances et des collaborations à l’intérieur de la région, ainsi qu’à son extérieur, avec d’autres espaces partageant des conditions similaires. En ce sens, Anca Parvulescu propose de penser l’Europe de l’Est comme concept mobilisable dans les études comparatives, comme par exemple celles explorant les points de similitude entre l’Europe de l’Est et l’Amérique latine 46 .
Alors que l’« Europe de l’Est » est en grande partie le fruit des représentations « occidentales » (mais aussi, dans une moindre mesure, autochtones), c’est toujours sur le terrain de la représentation culturelle que peut se jouer le repositionnement stratégique de l’Est européen. Dans son article « Identité culturelle et diaspora », Stuart Hall propose de « voir dans le cinéma non pas un miroir de second ordre brandi pour refléter ce qui existe déjà, mais comme la forme de représentation à même de nous constituer comme un nouveau type de sujet, et donc de nous permettre de découvrir les lieux d’où nous parlons » 47 . Pour Hall, le sujet n’est pas défini d’avance, mais produit dans et par la représentation. En ce sens, les médias audiovisuels peuvent représenter un site potentiel de reconstruction des sujets altérisés et d’émergence des discours contre‑hégémoniques.
Le cinéma diasporique entre l’Est et l’Ouest a été reconnu pour sa capacité de réinscrire le sujet post‑socialiste en dialogue avec, à la fois, les idéologies dominantes des sociétés d’accueil et les perspectives des autres altérités, notamment raciales et post‑coloniales 48 . En guise d’illustration, les films Lemonade (Ioana Uricaru, 2018) et Brighton 4th (Levan Koguashvili, 2021), positionnent les immigrant·e·s post‑socialistes au centre de l’intrigue pour retourner le regard et imaginer des subjectivités qui vont contre les représentations dominantes aux États‑Unis. Lemonade suit la roumaine Mara (Mălina Manovici), une mère célibataire qui cherche à régulariser son statut d’immigrée aux États‑Unis. Le film met l’accent sur les sacrifices nécessaires pour obtenir la citoyenneté américaine, telles que tenir tête à un agent d’immigration corrompu qui la harcèle sexuellement, supporter les violences de son mari américain et vivre avec la peur d’être expulsée avec son fils. De même, Brighton 4th illustre la précarité de l’immigration post‑soviétique aux États‑Unis à travers la perspective d’un ancien champion de lutte géorgien, Kakhi (Levan Tedaishvili), de passage à New York. Soso (Giorgi Tabidze), le fils de Khaki, prévoit un mariage arrangé de 14.000 $ afin d’obtenir sa Carte Verte et pouvoir ainsi passer ses examens de médecine, mais doit d’abord rembourser ses dettes de jeu. Natela, la belle‑sœur de Khaki, cumule les petits emplois afin de pouvoir rénover son appartement en Géorgie et y retourner. Les deux films représentent l’expérience de déracinement et la fragmentation des identités qui résultent de la migration et transforment les figures de l’immigration est-européenne d’objets silencieux de l’imagination occidentale en sujets actifs de leur propre histoire.
Les styles d’Uricaru et de Kogouashvili mélangent des conventions cinématographiques autochtones et les codes du cinéma transnational. Symptomatique d’un « style accentué » 49 ou d’une « optique diasporique », propre aux cinéastes transnationaux, leur esthétique « fournit une perspective à la fois oculaire et idéologique de la déterritorialisation » 50 . Ancrés dans l’esthétique réaliste, les deux films mettant en avant des expériences personnelles inspirées des sources ethnographiques (telles que les témoignages d’immigrants), et favorisent les dialogues naturels, les acteurs non‑professionnels et les tournages en extérieur. Le rythme lent de l’action, les longues prises de vue, accompagnées par des interprétations minimales de la part des acteurs et une caméra détachée qui observe sans commentaire ni jugement, placent les personnages et leur environnement au centre du spectacle cinématographique. Ces techniques contribuent à individualiser les personnages et à complexifier les expériences post‑socialistes, tout en revendiquant des modes d’expression et de représentation qui contrastent avec les codes du cinéma hollywoodien. Depuis une position marginalisée, les deux réalisateurs proposent une critique du mythe d’ascension sociale et de réussite immigrante, ainsi qu’une alternative aux modes dominants de production cinématographique.
Toujours dans une perspective transatlantique, le film réalisé par Kirill Mikhanovsky, Give me Liberty (2019), interroge les dichotomies sur lesquelles est fondée la notion hégémonique de blanchité dans le contexte états‑unien. À l’aide d’un casting composé en grande partie d’acteurs non professionnels, le film établit des connexions entre des immigrants juifs récents et la communauté africaine américaine de Milwaukee, l’une des villes les plus ségréguées du pays. Dans le scénario qu’il a co‑écrit avec Alice Austen, Kirill Mikhanovsky s’est inspiré de sa propre expérience de jeune immigré aux États‑Unis 51 . Le destin de Vic (joué par l’acteur Chris Galust, dans son premier rôle), fils d’immigrants russes tiraillé entre le devoir familial et son travail au service des personnes en situation de handicap, croise celui de Tracy (Lolo Spencer), jeune africaine américaine atteinte de la maladie de Charcot. Cette rencontre permet à Mikhanovsky d’explorer des expériences de marginalisation et de dépossession qui sont différentes, mais qui s’illuminent réciproquement. En filigrane, le film évoque la ségrégation, les violences policières et le mouvement « Black Lives Matter », tout en choisissant d’opposer à la brutalité des divisions raciales l’humanité qui lie les personnages venus d’horizons différents. Depuis une position liminale, inhérente à la condition post‑socialiste, mais aussi à l’expérience de l’immigration, ce film porte un regard scrutateur sur le rêve américain et ses promesses de liberté, mais reste optimiste quant au potentiel humain de solidarité.
De même, le cinéma est-européen produit localement met de plus en plus en lumière la spécificité socio‑politique de la région par rapport au « centre » occidental, ainsi qu’aux autres espaces. Green Border (2023), le film d’Agnieszka Holland portant sur la situation des réfugié·e·s à la frontière entre la Pologne et le Belarus, réussit magistralement à positionner la Pologne et ses habitant·e·s au centre des discours sur la migration extra-européenne. Le film propose de dénoncer la montée des sentiments xénophobes qui caractérisent l’Europe forteresse pour mieux retrouver une solidarité au‑delà des frontières européennes. Dans la même veine, R.M.N. (Cristian Mungiu, 2022) offre une mise en lumière réciproque de deux phénomènes : l’exploitation des travailleurs roumains en Europe de l’Ouest et la discrimination des travailleurs sri‑lankais dans un village multi‑ethnique de Roumanie. Tout en parlant depuis leurs cultures nationales (la Pologne et la Roumanie, respectivement), ces deux réalisateurs redéfinissent l’Europe de l’Est comme un nœud complexe de privilèges et de précarité, ainsi qu’un site‑frontière, qui regarde à la fois vers l’Ouest et vers l’Est plus lointain (ou vers le Sud au sens large).
Conclusion
Parler depuis l’Europe de l’Est signifie parler non pas depuis un lieu d’attachement culturel primordial, mais depuis le croisement complexe de privilèges et d’oppression et leurs manifestations intersectionnelles. Construit comme, à la fois, similaire et Autre dans l’imaginaire occidental, l’espace est-européen se concrétise aussi par des expériences historiques qui lui sont propres et qui constituent sa singularité. Les médias audiovisuels, en tant que « lieux particulièrement importants de production, de transformation et de reproduction des idéologies » 52 , constituent un terrain propice au repositionnement de l’Est européen en tant qu’alternative aux discours dominants. La position d’énonciation de l’est-européanité est inévitablement marquée par des contradictions, des chevauchements et des fragmentations, mais elle représente également un site liminal qui résiste à la fixité et aux binarismes imposés par les représentations occidentales. Dans cette perspective, l’ambiguïté de la position de l’Est européen devient une force, permettant d’explorer les potentialités subversives de la position liminale.
- Voir, par exemple, l’étude menée par Anna Safuta sur les travailleuses domestiques polonaises en Belgique, ainsi que celle d’Aleksandra Sojka portant sur le contexte espagnol : Anna Safuta, « Fifty shades of white: Eastern Europeans’ ‘Peripheral whiteness’ in the context of domestic services provided by migrant women », Tijdschrift voor Genderstudies 21/3, 2018, p. 217‑231; Aleksandra Sojka, « Liminal Europeanness: Whiteness, east–west mobility, and European citizenship », Borderlands in European Gender Studies, dir. Teresa Kulawik et Zhanna Kravchenko, Routledge, 2019, p. 191‑210.↵
- Tomasz Zarycki, Ideologies of Eastness in Central and Eastern Europe, London/New York, Routledge, 2014, p. 3.↵
- Anca Parvulescu, « Eastern Europe as Method », The Slavic and East European Journal 63/4, 2019, p. 471. Ma traduction.↵
- Martin Müller, « À la recherche des Ests : les villes en notes de bas de page », L’Information géographique 85/2, trad. Julie Deschepper et Armelle Choplin, juin 2021, p. 26.↵
- Iris Marion Young, Justice and the Politics of Difference, Princeton, Princeton University Press, 2011, p. 58‑59.↵
- Le terme d’« Occident » peut renvoyer, lui aussi, à une essentialisation. Cependant, nous l’utilisons ici, dans le sillage de Stuart Hall, au sens de « construction historique » et de structure idéologique qui « offre des critères d’évaluation par rapport auxquels d’autres sociétés sont hiérarchisées », à savoir, dans ce contexte, les sociétés est-européennes : Stuart Hall, « The West and the Rest : Discourse and Power [1992] », Essential Essays, Volume 2, dir. David Morley, Duke University Press, 2018, p. 142‑143. Ma traduction.↵
- Ces entités géographiques apparaissent dans Avengers : Age of Ultron (Joss Whedon, 2015), The Terminal (Steven Spielberg, 2004) et The Beautician and the Beast (Ken Kwapis, 1997), respectivement.↵
- Edward W. Saïd, L’Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, trad. Catherine Malamoud et Claude Wautier, Paris, Éditions du Seuil, 2005, p. 15.↵
- Larry Wolff, Inventing Eastern Europe: The Map of Civilization on the Mind of the Enlightenment, Stanford, Stanford University Press, 1994, p. 4. Ma traduction.↵
- Ibid., p. 95.↵
- Voir, par exemple: R. A. McNeal, Nicholas Biddle in Greece: The Journals and Letters Of 1806, Penn State Press, 2010.↵
- Edward W. Saïd, L’ Orientalisme, op. cit., p. 75.↵
- Maria Todorova, Imaginaire des Balkans, trad. Rachel Bouyssou, Paris, Éditions de l’EHESS, 2011, p. 37.↵
- Ibid., p. 40.↵
- Ibid., p. 39.↵
- Milica Bakić‑Hayden, « Nesting Orientalisms: The Case of Former Yugoslavia », Slavic Review 54/4, 1995, p. 918. Ma traduction.↵
- Milan Kundera, « Un Occident kidnappé : ou la tragédie de l’Europe centrale », Le Débat 27/5, 1983, p. 2.↵
- Ibid., p. 13.↵
- Iver B. Neumann, Uses of the Other: « The East » in European Identity Formation, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1999, p. 150.↵
- Voir les analyses faites par Ivan Kalmar et Martin Müller : Ivan D. Kalmar, White But Not Quite: Central Europe’s Illiberal Revolt, Bristol, UK, Bristol University Press, 2022, p. 83; Martin Müller, « In Search of the Global East: Thinking between North and South », Geopolitics 25/3, 2020, p. 10.↵
- Andrew Hammond (dir.), The Balkans and the West: Constructing the European Other, 1945‑2003, London/New York, Routledge, 2004, p. xvi. Ma traduction.↵
- Joseph Slabey Rouček, Balkan Politics : International Relations in No Man’s Land, Stanford University Press, 1948, p. 289, cité dans Maria Todorova, op. cit., p. 199.↵
- Simo Mikkonen et Pia Koivunen (dir.), Beyond the Divide: Entangled Histories of Cold War Europe, New York, Berghahn Books, 2015.↵
- Patrick Anderson, « Neocon Bond: The Cultural Politics of Skyfall », Quarterly Review of Film and Video 34/1, 2017, p. 4.↵
- Ces représentations manichéennes trouvent bien évidemment leur équivalent à l’Est. Tony Shaw et Denise Jeanne Youngblood montrent comment les films de propagande soviétique inversaient les stéréotypes, diabolisant les Américains et leur culture : Tony Shaw et Denise Jeanne Youngblood, Cinematic Cold War: The American and Soviet Struggle for Hearts and Minds, University Press of Kansas, 2010, p. 42.↵
- La métaphore du « retour en Europe » avait été utilisée dès la période communiste par les mouvements de dissidence centre-est européens et s’est imposée au début des années 1990 dans les discours des personnalités politiques telles que Václav Havel (Tchécoslovaquie), Tadeusz Mazowiecki (Pologne) ou József Antall (Hongrie) : Elsa Tulmets, East Central European Foreign Policy Identity in Perspective, London, Palgrave Macmillan UK, 2014, p. 39.↵
- Ellen Schrecker (dir.), Cold War Triumphalism: The Misuse of History After the Fall of Communism, New York, New Press, 2004, p. 6. Ma traduction.↵
- Naomi Klein, The Shock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism, New York, NY, Metropolitan Books Holt, 2007.↵
- Ivan D. Kalmar, op. cit., p. 19.↵
- Vedrana Veličković, Eastern Europeans in Contemporary Literature and Culture : Imagining New Europe, London, Palgrave Macmillan UK, 2019, p. 12.↵
- Attila Melegh, On the East/West Slope: Globalization, Nationalism, Racism and Discourses on Eastern Europe, Budapest/New York, Central European University Press, 2006, p. 20.↵
- Ivan D. Kalmar, op. cit., p. 11.↵
- Dorota Kołodziejczyk et Cristina Şandru (dir.), Postcolonial Perspectives on Postcommunism in Central and Eastern Europe, London/New York, Routledge, 2017, p. 3. Ma traduction.↵
- Les États‑Unis restaient la première destination extra-européenne des immigrant·e·s d’Europe de l’Est en 2012 : Ruben Atoyan et al., « Emigration and Its Economic Impact on Eastern Europe », Staff Discussion Notes 16/7, 2016, p. 1.↵
- Aleksandra Lewicki, « East–west inequalities and the ambiguous racialisation of ‘Eastern Europeans’ », Journal of Ethnic and Migration Studies 49/6, 2023, p. 3.↵
- Anikó Imre, « Postcolonial Media Studies in Postsocialist Europe », boundary 2 41/1, 2014, p. 131. Ma traduction.↵
- Madina Tlostanova, Postcolonialism and Postsocialism in Fiction and Art: Resistance and Re‑existence, Springer International Publishing, 2017, p. 6. Ma traduction.↵
- Tomasz Zarycki, Ideologies of Eastness, op. cit.↵
- Alexander Maxwell (dir.), « Introduction: Bridges and Bulwarks: A Historiographic Overview of East‑West Discourses », The East‑West Discourse: Symbolic Geography and Its Consequences, Peter Lang, 2011, p. 1‑32.↵
- Victor W. Turner, The Ritual Process: Structure and Anti‑Structure, New York, Aldine de Gruyter, 1995, p. 125. Ma traduction.↵
- Homi K. Bhabha, The Location of Culture, London, New York, Routledge, 1994.↵
- La théorisation du pouvoir subversif des « zones de frontière » revient à Gloria Anzaldúa : Gloria Anzaldúa, Borderlands/La Frontera : The New Mestiza [1987], San Francisco, Aunt Lute Books, 2012.↵
- Jessica Elbert Decker et Dylan Winchock (dir.), Borderlands and Liminal Subjects, Cham, Springer International Publishing, 2017, p. 4‑5.↵
- Müller plaide en faveur d’un « essentialisme stratégique » qui mettrait l’accent sur le potentiel politique né de la position interstitielle de l’« Est global » : Martin Müller, « In Search of the Global East », op. cit., p. 4.↵
- Stuart Hall, « Identité culturelle et diaspora », Identités et cultures : Politiques des Cultural Studies, éd. Maxime Cervulle, Paris, Éditions Amsterdam, 2017, p. 227.↵
- Anca Parvulescu, op. cit., p. 478‑479.↵
- Stuart Hall, « Identité culturelle et diaspora », op. cit., p. 241.↵
- Meta Mazaj, « Eastern European cinema on the margins », Situations: Project of the Radical Imagination 4/1, 2011, p. 202.↵
- Hamid Naficy, An Accented Cinema: Exilic and Diasporic Filmmaking, Princeton, Princeton University Press, 2001, p. 21. Ma traduction.↵
- Ibid., p. 30.↵
- Jacques Mandelbaum, « Kirill Mikhanovsky : “Milwaukee, où j’ai tourné ce film, est une des villes américaines les plus marquées par la ségrégation” », Le Monde.fr, 23 juill. 2019.↵
- Stuart Hall, « The Whites of Their Eyes: Racist Ideologies and the Media », Gender, Race, and Class in Media, dir. Gail Dines et Jean M. Humez, Los Angeles, SAGE Publications Ltd, 2015, p. 105. Ma traduction.↵
Bibliographie
ANDERSON Patrick, « Neocon Bond: The Cultural Politics of Skyfall », Quarterly Review of Film and Video 34/1, 2017, p. 66‑92.
ANZALDÚA Gloria, Borderlands/La Frontera: The New Mestiza [1987], San Francisco, Aunt Lute Books, 2012.
ATOYAN Ruben et al., « Emigration and Its Economic Impact on Eastern Europe », Staff Discussion Notes 7/16, 2016, p. 1.
BAKIĆ‑HAYDEN Milica, « Nesting Orientalisms: The Case of Former Yugoslavia », Slavic Review 4/54, 1995, p. 917‑931.
BHABHA Homi K., The Location of Culture, London, New York, Routledge, 1994.
ELBERT DECKER Jessica et Dylan WINCHOCK (dir.), Borderlands and Liminal Subjects, Cham, Springer International Publishing, 2017.
HALL Stuart, « Identité culturelle et diaspora », Identités et cultures : Politiques des Cultural Studies, éd. Maxime Cervulle, Éditions Amsterdam, Paris, 2017.
HALL Stuart, « The Whites of Their Eyes: Racist Ideologies and the Media », Gender, Race, and Class in Media, dir. Gail Dines et Jean M. Humez, Los Angeles, SAGE Publications Ltd, 2015.
HALL Stuart, « The West and the Rest: Discourse and Power [1992] », Essential Essays, Volume 2, dir. David Morley, Duke University Press, 2018.
HAMMOND Andrew (dir.), The Balkans and the West: Constructing the European Other, 1945‑2003, London/New York, Routledge, 2004.
IMRE Anikó, « Postcolonial Media Studies in Postsocialist Europe », boundary 2 41/1, 2014, p. 113‑134.
KALMAR Ivan D., White But Not Quite: Central Europe’s Illiberal Revolt, Bristol, UK, Bristol University Press, 2022.
KLEIN Naomi, The Shock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism, New York, NY, Metropolitan Books Holt, 2007.
KOŁODZIEJCZYK Dorota et Cristina ŞANDRU (dir.), Postcolonial Perspectives on Postcommunism in Central and Eastern Europe, London/New York, Routledge, 2017.
KUNDERA Milan, « Un Occident kidnappé : ou la tragédie de l’Europe centrale », Le Débat 5/27, 1983, p. 3‑23.
LEWICKI Aleksandra, « East–west inequalities and the ambiguous racialisation of ‘Eastern Europeans’ », Journal of Ethnic and Migration Studies 49/6, 2023, p. 1‑19.
MANDELBAUM Jacques, « Kirill Mikhanovsky : “Milwaukee, où j’ai tourné ce film, est une des villes américaines les plus marquées par la ségrégation” », LeMonde.fr, 23 juill. 2019.
MAXWELL Alexander (dir.), « Introduction: Bridges and Bulwarks: A Historiographic Overview of East‑West Discourses », The East‑West Discourse: Symbolic Geography and Its Consequences, Peter Lang, 2011, p. 1‑32.
MAZAJ Meta, « Eastern European cinema on the margins », Situations: Project of the Radical Imagination 4/1, 2011, p. 189‑207.
MCNEAL R. A., Nicholas Biddle in Greece: The Journals and Letters Of 1806, Penn State Press, 2010.
MELEGH Attila, On the East/West Slope: Globalization, Nationalism, Racism and Discourses on Eastern Europe, Budapest/New York, Central European University Press, 2006.
MIKKONEN Simo et Pia KOIVUNEN (dir.), Beyond the Divide: Entangled Histories of Cold War Europe, New York, Berghahn Books, 2015.
MÜLLER Martin, « À la recherche des Ests : les villes en notes de bas de page », L’Information géographique 85/2, trad. Julie Deschepper et Armelle Choplin, 2021, p. 24‑36.
MÜLLER Martin, « In Search of the Global East: Thinking between North and South », Geopolitics 25/3, 2020, p. 734‑755.
NAFICY Hamid, An Accented Cinema: Exilic and Diasporic Filmmaking, Princeton, Princeton University Press, 2001.
NEUMANN Iver B., Uses of the Other: « The East » in European Identity Formation, Minneapolis, University of Minnesota Press (coll. « Borderlines »), 1999.
PARVULESCU Anca, « Eastern Europe as Method », Slavic and East European Journal 63/4, 2019, p. 470‑481.
ROUČEK Joseph Slabey, Balkan Politics: International Relations in No Man’s Land, Stanford University Press, 1948.
SAFUTA Anna, « Fifty shades of white: Eastern Europeans’ ‘Peripheral whiteness’ in the context of domestic services provided by migrant women », Tijdschrift voor Genderstudies 21/3, 2018, p. 217‑231.
SAÏD Edward W., L’Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, trad. Catherine Malamoud et Claude Wautier, Paris, Éditions du Seuil, 2005.
SCHRECKER Ellen (dir.), Cold War Triumphalism: The Misuse of History After the Fall of Communism, New York, New Press, 2004.
SHAW Tony et Denise Jeanne YOUNGBLOOD, Cinematic Cold War: The American and Soviet Struggle for Hearts and Minds, University Press of Kansas, 2010.
SOJKA Aleksandra, « Liminal Europeanness: Whiteness, east–west mobility, and European citizenship », Borderlands in European Gender Studies, dir. Teresa Kulawik et Zhanna Kravchenko, Routledge, 2019.
TODOROVA Maria, Imaginaire des Balkans, trad. Rachel Bouyssou, Paris, Éditions de l’EHESS, 2011.
TLOSTANOVA Madina, Postcolonialism and Postsocialism in Fiction and Art: Resistance and Re‑existence, Springer International Publishing, 2017.
TULMETS Elsa, East Central European Foreign Policy Identity in Perspective, London, Palgrave Macmillan UK, 2014.
TURNER Victor W., The Ritual Process: Structure and Anti‑Structure, New York, Aldine de Gruyter, 1995.
Veličković Vedrana, Eastern Europeans in Contemporary Literature and Culture: Imagining New Europe, London, Palgrave Macmillan UK, 2019.
WOLFF Larry, Inventing Eastern Europe: The Map of Civilization on the Mind of the Enlightenment, Stanford, California, Stanford University Press, 1994.
YOUNG Iris Marion, Justice and the Politics of Difference, Princeton, NJ, Princeton University Press, 2011.
ZARYCKI Tomasz, Ideologies of Eastness in Central and Eastern Europe, London/New York, Routledge, 2014.
Auteur
Flavia Ciontu
Flavia Ciontu est doctorante à l’Université Paris 8 depuis septembre 2021. Titulaire d’un Master en études américaines de l’Université de Bucarest, elle prépare une thèse intitulée « Figures de l’altérité : les représentations des ressortissants de l’Europe de l’Est et de la Russie dans les fictions audiovisuelles aux États-Unis (1990-2020) » sous la direction d’Anne Crémieux. En s’appuyant sur un cadre théorique transdisciplinaire, elle explore dans ses travaux le croisement de différents systèmes d’altérisation à l’écran, dans le but d’éclairer les mécanismes de représentation des minorités culturelles.
Pour citer cet article
Flavia Ciontu, L’espace est-européen dans la cartographie de l’altérité : approches critiques et formes de résistance, ©2024 Quaderna, mis en ligne le 15 décembre 2024, url permanente : https://quaderna.org/7/lespace-est-europeen-dans-la-cartographie-de-lalterite-approches-critiques-et-formes-de-resistance/
a multilingual and transdisciplinary journal