En-jeux identitaires, pratiques collaboratives et artistiques : cartographier les épreuves discriminatoires
Abstract
The study is rooted in collaborative research based on artistic practices bringing together several categories of individuals (artists, institutional operators, researchers) and young people, mainly from the priority neighborhoods of Toulouse’s urban policy. It looks at how young people, artists and researchers are “put to the test” by the realities that unfold during the encounters, sometimes leading them to (re)study the processes of vulnerability. Spatial contexts, where vulnerable situations are recalled, are levers for activating or inhibiting identity games in a bid to rebuild. The article develops the effects of social and spatial reciprocity on identity games, and proposes a mapping of the senses in order to define identity readjustments as closely as possible to a vision of the body that is more sensitive than visible.
Résumé
L’étude s’ancre dans une recherche collaborative à partir de pratiques artistiques mettant en relation plusieurs catégories d’individus (artistes, opérateurs institutionnels, chercheuses) et de jeunes, issu·e·s majoritairement des quartiers prioritaires de la politique de la ville de Toulouse. Elle questionne les « mises à l’épreuve » des jeunes, des artistes et des chercheuses à partir des réalités qui se déploient au cours des rencontres et les conduisent parfois à une (re)mise à l’étude des processus de vulnérabilisation. Les contextes spatiaux, contextes de rappel des situations de vulnérabilités, sont des leviers pour activer ou inhiber les jeux identitaires dans une volonté de reconstruction. L’article développe d’une part les effets des réciprocités sociales et spatiales sur les en-jeux identitaires et propose d’autre part une cartographie des sens afin de décliner les réajustements identitaires au plus près d’une vision du corps plus sensible que visible.
Texte intégral
Introduction. Mises à l’épreuve identitaire et perception des situations discriminatoires
Depuis plus de deux ans, notre équipe, dans une démarche collaborative et pluridisciplinaire, expérimente des projets artistiques et scientifiques (sociologie, science de l’art, sciences du langage, droit public) où la recherche-action interroge, in situ, les « émergences culturelles » 1 , en suscitant des situations pratiques et des rencontres qui engagent une réflexion sur les espaces sociaux perçus comme inégalitaires. En suivant un processus impliquant « une compréhension globale qui s’affine progressivement par approximations […] et par expérimentations » 2 , nous avons comme objectif, par des ateliers en danse, en arts plastiques, en théâtre et photographie, de questionner les enfants, adolescents et groupes de jeunes (âgés entre 8 et 25 ans) sur leur rapport aux espaces et de participer à la compréhension des mécanismes de discriminations sociales. Ces participants que nous côtoyons dans les ateliers se situent à l’intersection de diverses vulnérabilités (âge, couleur de peau, origine sociale, religion, orientation sexuelle, etc.) qui se renforcent mutuellement en fonction de leur position dans l’espace social. En passant par les images (photographie et arts visuels) autant que par le corps (dansé et théâtralisé), les expériences artistiques vont prolonger la question de « l’épreuve » faisant des opérations de confrontation avec les objets et les Autres un possible rappel des situations collectives éprouvées vécues ou subies dans un autre espace-temps social. Nous reprenons ici les deux faces de la notion « d’épreuve défi » déclinées par Danilo Martucelli comme « à la fois le résultat des mécanismes sociétaux qui les produisent et une expérience éprouvée par les individus » 3 . La vulnérabilité, individuelle autant que relationnelle et contextuelle, peut être alors réversible 4 lorsque les expériences artistiques proposées activent le « pouvoir agir » sur et face aux discriminations, par un double mouvement de prise conscience de soi et des Autres 5 . Les ateliers sont des espaces de pratique permettant parfois de convoquer les expériences sociales douloureuses passées ; de relever par ce biais les étiquettes sociales 6 subjectives et objectives perçues par les jeunes ; de travailler sur les stéréotypes et les préjugés en les mettant à distance, grâce aux engagements corporels, aux constructions de portraits qui convoquent les perceptions des espaces, aux agencements de formes et des relations aux autres. C’est un jeu qui s’instaure autour d’une pensée de l’identification « qui désigne, marque, place, pose, dispose » 7 , qui reprend la main, en réactivant et refoulant certaines formes de stigmatisation.
Mead a utilisé la métaphore du jeu pour expliquer comment les individus développent leur identité 8 . Cela implique de comprendre les rôles sociaux des autres et d’anticiper leurs réactions. Les différentes dimensions de l’identité (identité sociale, identité pour soi, identité pour l’autrui 9 ) sont autant de facettes, de cartes à jouer, que les jeunes ont appris (ou non) à présenter en fonction de leur lecture du contexte dans un jeu de rôle 10 combinatoire plus ou moins conscient. Les propositions artistiques sont proposées dans des espaces permettant de développer des « compétences adaptatives », combinant des ressources communicationnelles et stratégiques de présentation de soi 11 . Elles sont fluides, sources de réciprocité dans la mesure où les individus peuvent influencer les autres et vice versa. Passer par les activités artistiques permet de travailler les mises à l’écart entre le dedans et le dehors, « on ne s’adresse à soi qu’en s‘adressant à autrui » 12 , entre le soi projeté dans l’expérience sociale et le self, la conscience de soi comme objet d’interaction sociale. Les manifestations émotionnelles des jeunes dans les ateliers de pratique vont alors témoigner de conduites allant du rejet à la participation active ponctuelle, en passant par des attitudes de recul plus ou moins prudentes. Dans ce cas, les « en-jeux identitaires » relèvent de cette propension (ou non) à se positionner, à ressentir, à formuler, à l’épreuve des contextes expérientiels. Nous sommes parties du postulat que la création artistique permettrait de « se (re)connecter à soi et au monde » 13 , car elle construirait des mises en confiance grâce aux jeux d’identification et de différenciation avec les autres.
Après avoir décliné les trois terrains d’étude, nous allons montrer, dans une première partie, que les contextes spatiaux sont des leviers pour activer ou inhiber les jeux identitaires dans une volonté de reconstruction de soi. Puis, à partir d’une ethnographie sensorielle 14 , nous nous appuierons sur une cartographie des sens afin de penser « l’Autre » et de décliner les réajustements identitaires, au plus près d’une vision du corps plus sensible que visible. Nous montrerons alors que les expériences artistiques, à l’échelle de l’individu, peuvent donner de l’épaisseur aux « textures » comme significations culturelles sédimentées et pliées dans chaque conduite et fait social 15 .
Méthodologie sur trois terrains collaboratifs
La démarche conduit artistes et professionnels de terrain à développer des stratégies pour libérer la parole et/ou le langage corporel et poétique faisant du corps un espace à investir. Elle vise à (re)nouer le dialogue en passant par des pratiques artistiques susceptibles d’activer le « caractère subjectif et relationnel », le « savoir vrai » 16 des situations. Les échanges verbaux peuvent en effet être difficiles à obtenir, que ce soit dû aux difficultés langagières des jeunes migrants étrangers, ou à la perception de l’adulte comme un « Autre intrusif » 17 , provoquant parfois une forme de repli sur soi, notamment lorsque les interactions sont ressenties comme invasives. Les ateliers sont proposés à Toulouse, dans des quartiers classés politique de la ville 18 (QPV), dans des structures associatives comme les Maisons des jeunes et de la culture (MJC), des centres sociaux municipaux de prévention ou au sein de la fondation Le Refuge qui accueille des jeunes LGBTQI+ 19 en rupture familiale parce qu’ils /elles sont homosexuel·le·s, trans et/ou en questionnement identitaire.
Le premier terrain d’étude accueillait un projet qui s’intitulait « Fais pas genre » et visait à sensibiliser dix jeunes hommes d’un Centre Accueil Jeunes (âgés de dix-sept à dix-huit ans) à la fabrication artistique d’images photographiques, vidéos, et à la chorégraphie. Cette semaine d’expérience interdisciplinaire, en juillet 202,1 avait pour objectif de construire et déconstruire les représentations en termes d’opinions, d’attitudes et de stéréotypes qu’ils ont d’eux-mêmes et des autres. Ce premier terrain préparé pendant un an avec les partenaires, fut soutenu par le dispositif Passeurs d’images national 20 et par la DILCRAH 21 (2020-2021). Dans ce cadre, la danseuse chorégraphe partenaire explorait les gestes en atelier d’expression corporelle pour influencer le dialogue et caractériser, avec les jeunes, les corporéités féminines ou masculines, en dualité ou en complémentarité. Parallèlement, la réalisatrice partenaire fabriquait avec eux un court métrage et les initiait ainsi à l’assemblage d’images et de sons porteurs d’un discours et de sens. Le deuxième terrain d’enquête, à partir du projet appelé « Du côté des inspirant·e·s », explorait les expériences discriminatoires vécues et s’appuyait sur des activités en théâtre et en arts plastiques autour de l’autoportrait réel, fictif et autofictionnel. Il était proposé à huit jeunes victimes de LGBTphobie. Ce terrain a requis un an de préparation pour deux mois et demi d’action, les samedis de manière filée. Le troisième projet intitulé « Le petit labo créatif » financé par l’association des Chercheurs en Danse (aCD) et par le contrat de recherche « corps, Images, Genre et Espaces » (corIGE, 2022-2023) 22 a nécessité six mois de préparation pour deux journées d’intervention. Il mêlait, sur ces deux journées, danse et vidéo auprès de sept jeunes adolescents et adolescentes de douze à dix-sept ans.
La recherche collaborative questionne les mises à l’épreuve des jeunes, des artistes et des chercheurs de « l’intérieur » à partir des réalités qui se déploient au cours des rencontres 23 , et les conduit parfois à une (re)mise à l’étude des processus de vulnérabilisation. Si, au départ, les pratiques artistiques furent idéalisées par les personnes portant le projet comme espaces de culture commune dynamisant le « faire ensemble », bien vite sont apparus des points d’achoppements autour des valeurs projetées par les professionnel·le·s de terrain 24 . Comme la vulnérabilité est aussi « le produit d’activités engageant une pluralité d’acteurs qui occupent des positions différentes et souvent hiérarchisées en termes de statut ou de légitimité » 25 , nous avons constaté que certains acteurs sociaux changeaient de discours en fonction des contextes, se sentant eux-mêmes en difficulté et vulnérables selon les thématiques abordées avec les jeunes, par exemple celle du genre. Privilégiant une posture compréhensive, les méthodes mises en place, à partir d’entretiens qualitatifs effectués quand ce fut possible (n =12) et de notes ethnographiques de terrains (185 heures), se sont rapidement enrichies d’enregistrements de réunions, traces de délibérations fécondes permettant d’appréhender « l’enchevêtrement des interactions et des régulations sociales complexes qui produisent le phénomène à l’étude » 26 . La démarche participe à activer la dimension « pragmatiste » de notre étude, imbriquée dans l’expérience ordinaire 27 , puisque les bilans en cours d’étape participent du questionnement qui se construit et se réajuste progressivement au cours de l’enquête. Les rôles de chacune et chacun deviennent également les produits à peu près ajustés d’alignements liés à une construction et à une reconstruction active de la réalité 28 . Ce fut le cas sur le projet « Le petit labo créatif » où le regard de la chercheure s’est centré sur les interactions corporelles entre les jeunes et les artistes, chorégraphe et réalisatrice, ce qui a permis d’enrichir la démarche qualitative d’une approche ethnographique sensorielle montrant « le corps qui expérimente et qui sait » 29 . En relevant les tonicités, les réactions musculaires, les comportements kinesthésiques, les attitudes comme marqueurs émotionnels, nous avons produit des données au plus près des ressentis des individus, difficiles à faire verbaliser et à obtenir avec d’autres méthodes de recueil.
Espaces au cœur des vulnérabilités
Mises en scènes spatiales, corporelles et jeux de rôles
Nous soutenons l’idée, à l’instar de Guillaume Le Blanc 30 , que les individus vulnérables peuvent être agents dans la vulnérabilité et se mobiliser pour lutter contre la venue d’un risque. Les mises en scènes spatiales et corporelles sont alors agissantes pour faire et défaire le social, dans la mesure où » être vulnérable ne signifie plus être au-dehors, mais bien au-dedans, sans être assuré de pouvoir continuer à l’être » 31 . Les jeux de rôles observés dans les mises en scène permettent alors de décrypter les risques perçus par les jeunes dans les interactions. Se mettre en jeu dans une proposition théâtrale ou une chorégraphie collective, c’est s’engager et accepter d’avoir une importance dans le jeu, c’est être présent·e, au cœur de l’action, être (de nouveau) concerné·e, mais aussi se sentir en péril, remarqué·e et remarquable, incarner un personnage que l’autre s’attend à voir ou utiliser un masque pour un jeu de dupe dans une mise à distance plus ou moins consciente. En intervenant auprès de publics vulnérabilisés 32 sur le plan individuel, relationnel et/ou social, nous avons vite pu identifier des stratégies de présentation et de positionnement dans le collectif. Les choix de mises en scène sont aussi des épreuves défis pour les intervenants, en fonction du cadrage de l’activité 33 qu’ils ont choisi de faire pratiquer au groupe.
Un des objectifs de Fabienne, l’artiste comédienne intervenante (terrain deux), est de constituer un vrai collectif avec les jeunes du Refuge qui se côtoient peu en dehors des activités proposées le samedi. Elle s’appuie sur des déplacements dans la salle de pratique pour conduire les jeunes à agrandir leur espace proche, ce qu’elle nomme leur « bulle », comme « cet espace vital et dans lequel on se sent bien […]. Et pour, ensuite, pouvoir aller dans une marche qui s’ouvre aux autres, qui passe donc par le regard » (entretien du 16 juin 2022). La comédienne part du postulat que pour rencontrer les autres, il faut d’abord pouvoir construire ses propres repères physiques qui passent par le corps en déplacement. Or, avec le public des jeunes du Refuge elle est en difficulté car l’espace de pratique exigu est peu propice aux déplacements, ce qui l’a contrainte à changer son entrée dans l’activité. Elle a alors choisi de mobiliser un texte, « L’exil n’a pas d’ombre » de Jeanne Benameur qui magnifierait la tragédie, pour travailler par la voix et l’engagement dans les passions :
J’ai été vraiment mal à l’aise à un moment donné par rapport à Adama [jeune passé par le camp de Lampedusa]. Pour une première rencontre… C’est-à-dire que quand la tragédie, elle dit : « Purgeons nos passions, faisons des catharsis de tous nos malheurs », et puis que je sais que Adama, il a vécu… ce qui est hallucinant et qu’il est là, à côté de moi – ce n’est pas quelqu’un que je suis en train de lire dans le journal – je suis… j’ai été mal à l’aise. J’ai été mal à l’aise (…) à côté d’un… d’une personne qui est… qui a vécu une tragédie contemporaine. Je me suis trouvée un peu limite, là. (Fabienne, entretien du 16 juin 2022)
Fabienne a été plusieurs fois troublée dans sa construction identitaire personnelle et aussi professionnelle par les pratiquants comme Adama, vingt-quatre ans, jeune homme homosexuel qui a fui son pays par un parcours maritime puis terrestre difficile et dangereux, qui est celui de nombreux migrants, après avoir été rejeté par son père et menacé de lapidation. Il lui a renvoyé l’incongruité ressentie de certaines situations : « Mais c’est du théâtre qu’on fait, là ? » (Extrait, journal de terrain du 9 avril 2022). Provoquer, soutenir et maintenir l’engagement des jeunes dans les ateliers, sur plusieurs semaines, nécessite un fort investissement de la part des artistes. Un investissement cognitif, psychique et corporel, mais aussi émotionnel pour pouvoir prendre du recul en situation :
Voilà, c’est aussi aller vers un corps qui en raconte le moins possible, mais en conscience. (…) travailler à cette conscience du corps. Que, là, par exemple, ça a été impossible de travailler. Parce que je n’avais pas cet espace qui me permettait, déjà, d’avoir un tout petit peu plus de distance, un tout petit peu plus de recul. (Fabienne, entretien du 16 juin 2022)
Les rencontres participent aux croisements des identités, certaines facettes des uns transforment un peu les autres, les confiances se renforcent mutuellement portées par les mises en scènes. Par exemple, dans l’atelier, chaque jeune doit prononcer une phrase du texte à tour de rôle :
Je marche. Je marche. Nous marchons. Cette route n’est pas une route. Une route mène quelque part, à un puits, à un lieu que l’on nomme. J’ai perdu la terre, je marche sur quelque chose que je ne connais pas.
D’abord debout en position neutre, bras le long du corps, jambes légèrement écartées, les jeunes forment une sorte de ligne les uns à côté des autres. Puis, au fur et à mesure des séances, Fabienne leur demande de faire un pas en avant en même temps que de lancer leur phrase vers un public imaginaire symbolisé par des chaises alignées et un canapé poussé là pour dégager de la place dans l’espace scénique exigu. Lors de la dernière séance, Adama, discret, concentré, s’approprie le texte et déclare » nous marchons Fabienne » de sa voix calme fixant la comédienne alors assise sur une chaise contre l’avant-scène. L’ajout du prénom a propagé une émotion forte ce jour-là. Une reconnaissance partagée, une adresse personnelle à l’intervenante. Les interactions entre Adama et Fabienne les ont tous les deux conduits à envisager l’espace artistique comme un espace autre – un espace d’échange horizontal entre deux personnes engagées dans la même activité. Dans l’atelier, les arrangements sont constitutifs des infimes transformations identitaires qui participent à asseoir les estimes de soi. Le participant peut réinvestir le réel, où « construire des compromis dans des intervalles (…) c’est la logique des chemins de traverse » 34 .
L’expérience a permis à Adama de réinvestir le réel, d’être plus à l’aise avec des adultes et de travailler avec les autres jeunes du Refuge dans les interstices proposés par la matière artistique :
Déjà ça permet de tisser des liens entre jeunes et entre bénévoles, qui sont avec nous, et ça nous permet de les connaître, de… de partager des trucs avec eux. (…) ça me permettrait, ça me permettait d’oublier plein de trucs. Et du coup, quand je suis là, je, j’arrive pas à y penser à … ce que j’ai vécu. (…) Donc ça, ça permet de… de mieux se sentir. De mieux sentir. (Entretien d’Adama, du 11 juin 2022)
Quand Fabienne donne l’occasion aux jeunes du Refuge de se confronter aux effets transformateurs de l’expérience théâtrale, elle opère des formes de stabilisation autant qu’elle provoque une remise en jeu identitaire, même provisoire, grâce aux incarnations de personnages. Elle recontextualise les conduites « en situation » en changeant de texte et en renforçant les perceptions internes de tonicité corporelles par le travail de la voix ce qui participe, pour les jeunes, selon ses mots, à « s’approprier sa propre parole ».
Quant à Cécile, chorégraphe pour le projet « Le petit Labo Créatif » (terrain trois), elle entre dans l’activité par un travail sur le ressenti individuel, ce qui s’avèrera aussi un mauvais choix de cadrage :
Je m’étais dit que j’allais partir de leur bulle, de leur environnement rassurant, de ce qu’ils sont eux, pour aller ensuite vers l’extérieur, vers le groupe, et finalement, ç’a été tout l’inverse. (Cécile, entretien du 20 mai 2022)
Cécile a l’habitude de travailler avec des adolescents mais cinq des jeunes de la MJC ont des problématiques sociales et comportementales diverses et peu d’accès à la culture en dehors de ce que propose la MJC : quatre sont porteurs de troubles et de handicap 35 , un autre est orphelin, vit en foyer et vient d’arriver en France, d’autres rencontrent des difficultés financières dans leurs foyers monoparentaux. Un des objectifs co-construit avec les professionnels de la MJC qui accueille les ateliers est de conduire les adolescents à « faire collectif » comme force d’engagement. Cécile a réorganisé ses propositions, invitant les jeunes à choisir ensemble un espace de danse où ils se sentiraient bien, ce qui a conduit chacun d’entre eux à identifier et à décrire des espaces en lien avec des états émotionnels positifs et négatifs.
Chaque étape du processus collaboratif permet des réajustements d’objectifs, de recalibrer les propositions artistiques en fonction des perceptions des intervenants et des observations des chercheuses à différents moments de l’action. Les pratiques sont (re)valorisées parce que les conduites sont situées, ce qui induit une réorganisation des données descriptives selon de nouvelles lignes explicatives comme « défi du passage du “comment” au “pourquoi” » 36 .
Marqueurs sociaux et spatiaux de la construction identitaire
Les usages de l’espace furent aussi essentiels pour que les pratiques artistiques se développent dans un climat serein. L’espace des ateliers est à identifier, à sanctuariser comme un lieu sécurisant. Pour Erving Goffman, les « marqueurs » sont « des dispositifs qui ont pour fonction de manifester et de poser la revendication d’une partie à un territoire » 37 c’est-à-dire des espaces « qui isolent des personnes “ensemble” dans le sous-ensemble des présents » 38 , ce qui souligne la dimension sociale des dispositifs. Nous avons noté les effets des lieux et de leur gestion par les artistes pour libérer autrement la parole. Si certains lieux permettent aux adolescents d’être à l’aise, de ressentir du bien-être, d’autres sont des « marqueurs de relations », « procédés visibles et directs de jalonnage d’un territoire revendiqué » 39 . Par exemple, en théâtre, les jeunes ont refusé de sortir de la salle d’atelier au Refuge pourtant petite et froide, vers le jardin ensoleillé mais donnant sur un parc, trop exposés aux possibles regards extérieurs. En tant que personnes minorisées, ils·elles ont construit des perceptions différenciées des espaces en fonction de leur lien avec les expériences vécues ; l’espace public peut alors symboliser un lieu de dominations – tout comme ils·elles dominent les endroits où les regroupements entre pairs sont possibles.
Dans l’atelier d’écriture vidéo-danse à la MJC (terrain trois), lorsqu’il a fallu choisir un espace chorégraphique pour créer un unisson (faire la même chorégraphie en même temps), la plupart des jeunes ont proposé le stade du quartier car il marque leur territoire ; ils s’y retrouvent tous régulièrement pour jouer au football entre filles et garçons. C’est un espace de socialisation qu’ils se sont construits, où ils se sentent bien, vu comme un « lieu de vie et non comme simple lieu de passage », ce qui se retrouve en particulier chez « les jeunes les plus démunis des classes populaires » 40 . Le dispositif chorégraphique de l’unisson fut proposé dans cet espace car il signe la force du collectif et du faire ensemble. Ce fut alors l’occasion de libérer la parole d’Avril qui explique sa réticence à aller se faire filmer au stade à certaines heures de la journée. Harcelée au collège avec des paroles très agressives à connotation sexuelle par des garçons fréquentant aussi le stade, l’espace est émotionnellement chargé pour elle. Il devient « un cadre social de mémoire » 41 où se décline une forme de domination, de contrôle de ses mouvements :
Oui quand je danse dehors avec les copains c’est l’euphorie, pas de souci avec les autres ; mais aujourd’hui je suis toute seule, on ne sait pas leurs pensées, des autres qui regardent. (Avril, journal de terrain du 26 avril 2022)
Grâce à la force du collectif, Avril (re)mobilise l’espace du stade comme « marqueur frontière » 42 , à la limite de la danse et de la réalité, en revendiquant sa place, par le jeu relationnel de l’unisson qui assure l’intégrité du collectif. La jeune fille active son pouvoir d’agir dans une fonction « d’espacement » par des tentatives de contrôle et de retour sur soi autant que par les signes qui font le lien social.
Certains espaces élèvent les jeunes, leur donne envie d’aller vers le haut au sens propre comme au figuré, en activant leurs imaginaires. À la MJC par exemple, les filles grimpent sur des morceaux de pierres et de bois pour créer un scénario (elles sont en prison et arrivent à s’échapper). Grégory, jeune autiste de quinze ans, a choisi trois lieux dans le jardin pour reproduire la chorégraphie collective en passant de l’un à l’autre. Il utilise l’espace comme « un marqueur signet » 43 , puisqu’il a construit son parcours gestuel comme une véritable signature corporelle. Il va même accepter d’être regardé par plusieurs personnes (dont la femme de ménage de la MJC), fait exceptionnel au regard de son handicap, et remarqué par l’animatrice et la chorégraphe :
Il a vraiment trop aimé le projet… et même ce passage où il est seul, c’est hyper-mignon car c’était vraiment pour lui et il y a eu plein d’échanges trop chouettes avec les filles, et les autres jeunes ont tous regardé, et il y avait des encouragements. (Romane, animatrice, entretien du 23 juin 2022)
Et c’est juste le fait d’avoir Grégory qui fait l’arbre et qui fait des gestes, et je me suis dit « mais en fait, il pourrait tellement être le maître qui apprend le geste à tout le monde ». (…) Il est inclus dans le groupe et mis en exergue sur ce temps où il est seul et il danse. Je trouve que symboliquement, c’est super, ça m’a beaucoup plu. (Cécile, entretien du 20 mai 2022)
Les expériences de co-création artistiques sont des situations collectives éprouvées où perception et action ne sont pas dissociées 44 . Les usages des lieux activent les dimensions émotionnelles par le partage, le plaisir dans le mouvement, les jeux de rôles et participent à la reconstruction du collectif et de l’individuel, à la reconnaissance de soi par le regard positif d’autrui. Les marqueurs sociaux sont des leviers pour suivre les effets des espaces sur les parcours des individus.
Cartographie des sens et réciprocités spatiales et sociales
Goût et dégoûts à l’épreuve de l’autre
Les processus d’individualisation, de différenciation voire d’instrumentalisation se révèlent et se côtoient en participant à la construction des rapports au corps des protagonistes ainsi qu’à la construction de leurs goûts et de leurs dégoûts culturels. Le goût culturel s’acquiert dans l’environnement familial et social et, comme l’a montré Pierre Bourdieu 45 , « avoir bon goût » ou « mauvais goût » renvoie directement à la maîtrise des codes sociaux qui caractérise les catégories entretenant un rapport étroit avec la culture cultivée. Le dégoût est somatique et aussi moral : il provoque détournement du regard, aversion, rejet, mise à distance sensorielle de l’objet répulsif 46 .
Les expériences artistiques proposées permettent de montrer l’incorporation de certaines formes de stigmatisation, de genre par exemple, mais aussi de provoquer de possibles remaniements identitaires. Dans l’expérience « Fais pas genre » (terrain un), la thématique fut à l’origine de crispations de la part d’une des éducatrices car, pour elle, les identités de sexe ne sont pas à questionner : il y a les filles d’un côté et les garçons de l’autre. Dès le début, elle a détourné les questionnements, mal à l’aise pour présenter la proposition aux jeunes, et a critiqué l’utilisation de l’expression corporelle dans le projet :
J’avais dit que par exemple l’atelier danse ça ne fonctionnerait pas, qu’il fallait pas le proposer, malgré tout on l’a fait. (…) Ben je connais le public, je savais qu’ils n’allaient pas adhérer en fait. (Entretien du 9 juillet 2021)
L’éducatrice traite de la question du genre uniquement sous le prisme de la mixité et de ses stéréotypes :
(…) nous, on privilégie la communication, on se pose, enfin voilà, quand il y a une interaction naturelle entre les uns et les autres on essaie de réagir, tu vois c’est… là, c’est une fille, soit plus délicat, tu vois, on essaie de… dans le vivre ensemble…
Les éducatrices et éducateurs sont des vrais passeurs d’action, de goût ou de dégoût culturels, ils ont un certain pouvoir sur les jeunes qu’ils encadrent ; s’ils ou elles perçoivent le dispositif culturel de manière négative, ils peuvent aussi induire une attitude de retrait chez les jeunes, de rejet vis-à-vis des propositions artistiques. Le lexique employé par les jeunes relève de cette gêne : « c’est la honte », « ça craint », « vas-y toi, d’abord », (extrait journal de terrain, juillet 2021). La posture de l’artiste est ici essentielle, pour dépasser ces représentations, qui peuvent prendre la forme d’un certain refus, pour mettre en confiance les participants et dédramatiser, en quelque sorte, la scène. Il est alors important d’encourager, de passer par l’humour pour décaler et faire tomber la pression, valoriser chaque petite progression. Cette posture professionnelle est une des clefs de réussite des projets artistiques avec des publics amateurs éloignés de l’offre culturelle.
Sur le deuxième terrain, les rapports de proximité sont tels entre l’animatrice et les adolescents que celle-ci est devenue leur confidente, leur « deuxième maman », comme ils disent. Les propositions artistiques en danse et vidéo furent encensées voire survalorisées tout au long de la production par les animateurs omniprésents, « c’est super ce que vous faites », et accueillies très facilement par les jeunes, portés par l’enthousiasme parfois débordant des encadrants. L’espace de pratique s’articule à des émotions positives pour eux. Ainsi la qualité, les modes et les stratégies de l’entrée sur le terrain, souvent évoquées lors des réunions collectives d’équipe sont à la fois déterminants et déterminés, portent des contraintes et font rebondir le cours des choses. Les animateurs sociaux accompagnent les jeunes pour accéder à un processus de transformation identitaire intrinsèquement relié à une reconnaissance de l’autre, comme des « autrui-significatifs » 47 , personne proche à partir de laquelle ils s’identifient. Si une situation est légitime pour eux, elle a des chances de l’être aussi chez les jeunes.
Dimensions corporelles et cartographie des sens
Le système limbique est considéré comme le « siège des émotions » et, dans ce sens, il gère les expériences vécues, la mémoire, le plaisir. Antoine Damasio 48 a montré dans la théorie des « marqueurs somatiques » que le lien entre le stimulus extérieur associé à une réponse émotionnelle et/ou sensitive est enregistré dans le cerveau, dans le cortex préfrontal, siège du raisonnement et du contrôle de l’action. Nous sommes dans un système qui prend en compte les réciprocités, les interactions et les inscriptions corporelles participent aussi à fournir des indices 49 . Être ému c’est être « dé-routé », donc aussi « mettre en mouvement » 50 . Les dimensions corporelles sont déclinées à partir de trois formes : les corps « visible », « sensible » et « secret » qui s’inscrivent dans des processus qui ne sont pas étanches entre eux 51 . Cette typologie mobilise le corps comme instrument majeur de régulation identitaire en renseignant sur le statut de l’individu en interaction avec un contexte et d’autres individus 52 . Le corps visible, c’est le corps efficient, performant, mécanique, celui que l’on montre ou qui se voit, ce qui est esthétique pour le sujet, accessible par observation. Le corps sensible peut être saisi par observation et par entretien, c’est le corps expressif, ressenti, voire poétique. Le corps secret est plus invisible, enfoui, refoulé, il est rarement accessible par observation ou alors dans des contextes situationnels à fortes charges émotionnelles ; il se dévoile surtout lors de longs entretiens et récit de vie, lorsque la confiance est installée avec l’enquêteur. Or, sur certains de nos terrains l’entretien peut être vécu comme une épreuve sociale pour les « acteurs affaiblis par une catégorisation de l’action publique qui particularise et naturalise leur place dans l’espace social » 53 . Le sentiment d’illégitimité peut empêcher la parole ; l’expression verbale biographique peut être parfois trop violente. Apprivoiser ses ressentis par la pratique artistique, y poser des mots, travailler sur les images avec les autoportraits, permet de les mettre à distance et d’activer le pouvoir d’agir, de mobiliser le corps dans sa dimension plus expressive et sensible que visible : ce que je ressens n’est plus à distance.
Sur le terrain « Le petit labo créatif », nous avons mobilisé une analyse des sens à partir de la situation exemplaire encadrée ci-dessous. La chorégraphe propose une situation de mouvement-réveil des parties du corps guidée par sa voix et chaque adolescent a un bandeau sur les yeux, pour les aider à ne pas se préoccuper du regard de l’autre.
Dès le début de l’atelier les adolescents (Grégory, Avril et Suzanne) ont du mal à se laisser aller, à lâcher-prise, une des entrées choisies par Cécile, l’artiste danseuse-chorégraphe :
Cécile : « Sinon, vous fermez les yeux. Vous allez vous mettre dans votre bulle. »
Avril : « C’est gênant, très gênant, cela me gêne ».
Cécile : « Pourquoi ? Laisse-toi imprégner de la musique, te laisser bercer par la musique, ne cherche pas à danser. »
Grégory tourne la tête de l’autre côté, il est mal à l’aise. Il a les mains dans les poches et fait de tout petits balancés ; ils ont tous les mains dans les poches. Suzanne regarde son portable et enlève son bandeau. Elle a terminé avant les autres.
Cécile : « C’est difficile de se laisser aller sur la musique ? »
Avril : « C’est gênant. Je ne suis pas toute seule, je n’arrive pas à me lâcher (…), je ne sais pas qui me regarde, je ne sais pas comment on me regarde. »
(Extrait de journal de terrain du 25 avril 2022)
Ils ont beaucoup de mal à danser les yeux fermés mais aucune difficulté à danser devant le miroir ou à se filmer avec leur téléphone pour se regarder, dès qu’une chorégraphie collective est construite. Avec le miroir, l’utilisation de la vue permet d’accéder à l’image extériorisée comme modalité expressive, au corps visible, comme quand ils font référence aux danses qui circulent sur les réseaux sociaux (danses sociales : hip hop, K-pop…) ; c’est la danse pour une culture de l’en-dehors qui est légitimée. Dans l’atelier, Cécile cherche au contraire à associer la vue à la proprioception, aux ressentis dans la situation du lâcher-prise : elle leur demande de se laisser aller en fermant les yeux, « transfert du poids du corps, balancer, sentir », ce qui est difficile pour eux. Alors, l’intervenante change de stratégie. Il est plus aisé pour les jeunes de danser tous ensemble en même temps. Elle va utiliser un court mouvement que chacun d’entre eux crée puis les additionne pour un unisson face au miroir. Le travail face au miroir est rassurant car chacun se voit de l’extérieur (corps visible) et oublie ainsi ses ressentis, difficiles à aller explorer. En passant par le collectif et le pouvoir de l’unisson, Cécile les guide vers un travail d’écoute corporelle et de perception de l’environnement : « c’est J. qui déclenche la chute, sentir quand il la déclenche, prenez des repères… ». Le miroir n’est finalement plus utile car ce sont les perceptions proprioceptives, supports d’une intériorisation plus fine des sensations corporelles, qui leur serviront de repères. L’intervenante est passée par le sens de la vue et l’écoute collective (corps visible) pour progressivement les conduire à travailler la finesse de leurs propres perceptions, le sens corporel de l’intimité (corps sensible), un chemin vers la réciprocité.
Quand l’expérience s’effectue via la conscience de la présence des autres, nous sommes dans une construction émotionnelle d’un pouvoir agir sur soi en même temps que sur le groupe ; les adolescents gèrent leurs émotions de manière active, dans une bascule vers le corps sensible. Les situations collectives sont des leviers pour accéder à la conscience de soi et des autres. Dès lors, le collectif est une vraie force pour y arriver.
Conclusion
Chaque atelier artistique est un défi méthodologique, organisationnel et humain qui questionne les enjeux de rôles, de postures et de territoires entre les différents partenaires du projet (artistes, chercheuses, travailleurs sociaux et institutionnels). Cela demande des formes de réassurance collective régulière afin d’articuler des territoires professionnels et des savoirs différents. Nous avons souligné le rôle central du corps dans le processus méthodologique car les dimensions corporelles sont le support d’informations fines sur les états émotionnels de tous les acteurs du projet. La conscience du corps et du pouvoir de l’imaginaire en tant qu’artistes comme la multiplicité des regards en tant que chercheur·ses activent le travail réflexif du groupe de recherche. Par la pratique, les acteurs se sont rapprochés, ont activé différentes formes d’altérité 54 tout en créant des empathies émotionnelles autant que corporelles, ce qui enrichit les rencontres formelles ou informelles. Notre démarche consiste à être là, observer, poser des questions, décrire selon les moments de l’enquête ; se laisser « affecter », réhabiliter « la sensibilité » 55 modifiée par l’expérience de terrain dans une attention renouvelée au corps. Ainsi, nous saisissons les réciprocités qui agissent sur les identités et produisent des infimes remaniements identitaires.
Sensibiliser les jeunes à la fabrication artistique d’images (photographiques, chorégraphiques, plastiques ou scéniques) permet de déconstruire les représentations qu’ils ont d’eux-mêmes et des autres (découverte de potentialités, valorisation de soi et des autres, regard nuancé). Nous avons montré que les situations artistiques collectives éprouvées par un travail corporel donnent aux acteurs accès à une mise à distance de soi. En cartographiant les comportements spatiaux, corporels, et langagiers des individus engagés dans les expériences artistiques, nous catégorisons les marqueurs identitaires et leurs effets sur les processus de reconnaissance et de légitimation dans le groupe. L’identité est socialement construite, mouvante, contextuelle, processuelle et « un ensemble de représentations plus ou moins objectivées, institutionnalisées » 56 . Passer par une cartographie des sens est un moyen d’avoir accès au corps sensible. Les dimensions spatiales s’articulent aux dimensions sociales pour montrer comment certaines expériences participent à s’immiscer « dans les plis les plus intimes de chacun d’entre nous » 57 . Les matériaux mobilisés, corps, langage, images, sons, techniques plastiques sont des biais participatifs pour travailler les mises à l’écart entre le dedans et le dehors, entre le self et le soi projeté des participants.
- Hugues Bazin, « Espaces populaires de création culturelle : enjeux d’une recherche-action situationnelle », Cahiers de l’action, Paris, Éditions de l’INJEP, 2006, p. 4.↵
- Ibid.↵
- Danilo Martuccelli, « Les deux voies de la notion d’épreuve en sociologie », Sociologie 6, 2015, p. 43-60.↵
- Axelle Brodiez-Dolino, « La vulnérabilité, nouvelle catégorie de l’action publique », Informations sociales 188/2, 2015, p. 10-18.↵
- Eve Lamoureux, « Les arts communautaires : des pratiques de résistance artistique interpellées par la souffrance sociale », Amnis 9, 2010. [En ligne].↵
- Howard S. Becker, Outsiders : Études de sociologie de la déviance, Éditions Métailié, 1985.↵
- Laplantine, op. cit., p. 31.↵
- George Herbert Mead, L’esprit, le soi et la société, Paris, PUF, 1963.↵
- Ibid. L’auteur a montré comment les dimensions identitaires de l’individu sont interconnectées à l’intégration des « autres significatifs », figures d’autorité dont il incorpore les normes, les valeurs, les significations au cours du processus de socialisation.↵
- Erving Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne, I. La présentation de soi, Paris, Éditions de Minuit, 1973 : « le modèle d’action préétabli que l’on développe durant une représentation et que l’on peut présenter ou utiliser en d’autres occasions », p. 23.↵
- Hélène Brunaux, « Parcours de reconnaissance et principes de singularité dans le monde de la danse », SociologieS, 2016. [En ligne] URL : http://sociologies.revues.org/5704.↵
- Ibid., p. 185.↵
- Mona Trudel et Sylvie Fortin, Rattacher les fils de sa vie, Hermann, 2022.↵
- Sarah Pink, « Situating Sensory Ethnography: From Academia to Intervention » [2009], Doing Sensory Ethnography, SAGE Publications Ltd, 2012, p. 7-23.↵
- Danilo Martuccelli, « Agir : le spectre des possibles », L’individu contemporain, 2006, p. 129.↵
- Michel Agier, « Le dire-vrai de l’anthropologue. Réflexions sur l’enquête ethnographique du point de vue de la rencontre, des subjectivités et du savoir », revue ethnographiques.org 30, [en ligne], septembre 2015.↵
- George Herbert Mead, op. cit.↵
- Dispositif rassemblant les zones urbaines les plus pauvres nécessitant une intervention des pouvoirs publics.↵
- Personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres/transsexuelles.↵
- L’association fédère et anime l’ensemble du réseau national de l’éducation aux images. Ce projet est le lauréat de l’expérimentation interrégionale « Genre(s) en images » en 2020.↵
- DILCRAH : Délégation interministérielle de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.↵
- Financé par le Laboratoire d’Excellence Structuration des Mondes Sociaux, Université Toulouse Jean Jaurès, que nous remercions vivement de son soutien.↵
- Jean-Marc Fontan, conférence, rencontre internationale, Chercher et créer ensemble. Les pratiques collaboratives en art et en recherche, UQAM, UT3, 7 février 2023.↵
- Les acteurs sociaux au sens large peuvent être des animateurs, des médiateurs sociaux rattachées à une Maison des Jeunes et de la Culture ou un Centre accueil jeunes.↵
- Joëlle Morrissette et Didier Demazière, « Un apport des entretiens collectifs : saisir les processus de vulnérabilisation en faisant émerger préjugés et tabous », Recherches qualitatives 38/2, 2019, p. 48.↵
- Ibid., p. 50↵
- Daniel Céfaï et Carole Saturno, Itinéraires d’un pragmatiste. Autour d’Isaac Joseph, Paris, Economica, 2007.↵
- Laurence Roulleau-Berger, « Voir, “savoir-être avec”, rendre public : pour une ethnographie de la reconnaissance », Cahiers internationaux de sociologie 117, 2004, p. 261-283.↵
- Sarah Pink, op. cit. ; voir aussi David Howes, « Avant-propos : Quand la recherche qualitative rencontre l’ethnographie sensorielle », Recherches qualitatives, Hors-série « Les Actes » 25, 2020, p. 1-7. ↵
- Guillaume Le Blanc, « Qu’est-ce que s’orienter dans la vunérabilité ? », Raisons politiques 76, 2019, p. 35.↵
- Ibid., p. 33.↵
- Marc-Henry Soulet identifie quatre propriétés de la notion de vulnérabilité pour l’analyse des sciences sociales : sa nature relationnelle et dialectique, son caractère potentiel et sa dimension structurelle ; Marc-Henry Soulet, « Les raisons d’un succès. La vulnérabilité comme analyseur des problèmes sociaux contemporains », Informations sociales 188/2, dir. Axelle Brodiez-Dolino et al., 2014, p. 59-64.↵
- Erving Goffman, Les cadres de l’expérience, Paris, Éditions de Minuit, 1991.↵
- Jean Foucart, « La transmission, de la verticalité à l’hybridation », Pensée plurielle 11/1, 2006, p. 9-20.↵
- Troubles à notification MSPGH (maison départementale des personnes handicapées).↵
- Jack Katz, « Du comment au pourquoi. Description lumineuse et inférence causale en ethnographie », L’engagement ethnographique, dir. Daniel Céfaï, Paris, Éditions EHESS, 2010, p. 45.↵
- Erving Goffman, op. cit., tome 2. Les relations en public, 1973, p. 193.↵
- Ibid., p. 194.↵
- Ibid.↵
- Francis Lebon, Thomas Sauvadet, « Introduction. L’occupation juvénile de l’espace public par défaut d’espace privé », Agora débats/jeunesses 83/3, 2019, p. 43-54.↵
- Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire [1925], Paris, Albin Michel, 1994.↵
- Les marqueurs frontières chez Goffman assurent l’espace personnel de leur utilisateur ; op.cit., p. 55.↵
- Les marqueurs signet chez Goffman sont des signatures incrustées dans un objet qui le revendiquent comme partie du territoire des possessions du signataire ; Ibid.↵
- Hélène Brunaux, « Les paradoxes de la médiation en danse contemporaine : un exemple sur le réseau de “la danse à l’école” », Les mondes de la médiation culturelle, volume 2, dir. Cécile Camart et al., L’Harmattan, 2015, p. 193-206.↵
- Pierre Bourdieu, La distinction, critique sociale du jugement, Paris, les Éditions de minuit, 1979.↵
- Dominique Memmi et al., « Introduction au dossier : La fabrication du dégoût », Ethnologie française 41, PUF, 2011, p. 5-16.↵
- George Herbert Mead, op. cit.↵
- Antoine Damasio, L’erreur de Descartes. La raison des émotions, Odile Jacob, 2006.↵
- Hélène Brunaux, Marie Doga, Lucie Forté, Myriam Jacolin-Nackaerts et Émilie Salaméro, « Usages du yoga et “gestion des émotions” à l’école », Tréma 57, 2022 [En ligne].↵
- George Herbert Mead, op. cit., p. 154.↵
- Ces propositions sont empruntées à Jean-Claude Kaufmann, « Le corps dans tous ses états : corps visible, corps sensible, corps secret », Un corps pour soi, PUF, Paris, 2005, p. 67-88.↵
- Hélène Brunaux, Mondes de la danse et espace urbain. Enquête multi-située sur les terrains chorégraphiques français, Presses universitaires de Midi, 2023, p. 136.↵
- Jean-Paul Payet, Frédérique Giuliani et Denis Laforgue, La voix des acteurs faibles, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 9.↵
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TRUDEL Mona et Sylvie FORTIN, Rattacher les fils de sa vie, Hermann, 2022.
Auteur
Hélène Brunaux
Hélène Brunaux est sociologue au laboratoire CRESCO (EA 7419) et professeure agrégée d’EPS à l’Université Toulouse 3. Son travail de recherche porte sur les interactions sociales et les engagements des acteurs sur les terrains de la transmission culturelle et corporelle (milieu scolaire, universitaire, associatif, espace public). Son activité professionnelle l’a conduite à analyser particulièrement les effets des dispositifs culturels sur les dispositions des acteurs. Dernière publication en 2023 : Mondes de la danse et espace urbain ; enquête multi-située sur les terrains chorégraphiques français, Presses universitaires du Midi, coll. « Socio-logiques ».
Marie Doga
Marie Doga est sociologue, maîtresse de conférences à l’Université Toulouse 3 au laboratoire CRESCO (EA 7419). Elle s’intéresse aux pratiques artistiques, culturelles et corporelles, particulièrement aux publics dits éloignés des offres culturelles, aux dispositifs collaboratifs et pluridisciplinaires. Elle a piloté le projet pluridisciplinaire « Corps, Images, Genre, Espaces : expérimentations artistiques auprès de jeunes de milieu populaire » (2022-2023, financement Labex Structuration des Mondes Sociaux) et participe à une recherche collaborative « Bien être au lycée : usages des enseignants et effets perçus des élèves » (2022-2024, financement Structure Fédérative de Recherche : Apprentissage, enseignement, Formation).
Fanny Tuchowski
Fanny Tuchowski est docteure en arts, sciences de l’art et plasticienne. Elle a réalisé une thèse en art et santé ayant pour objectifs d’observer et d’analyser des ateliers artistiques menés par des artistes professionnels à destination de personnes dépistées fragiles. Ce contexte multi-partenarial lui a permis de collaborer avec différents acteurs : culturels (Centre Chorégraphique, Scène Européenne de Théâtre, etc.), publics (CHU, Mairies, Région, etc.) et privés (fondation, mécénat). En tant que plasticienne, elle intervient régulièrement auprès de publics vulnérabilisés (victimes LGBTphobie, milieu carcéral, en apprentissage du français, etc.).
Pour citer cet article
Hélène Brunaux, Marie Doga, Fanny Tuchowski, En-jeux identitaires, pratiques collaboratives et artistiques : cartographier les épreuves discriminatoires, ©2024 Quaderna, mis en ligne le 15 décembre 2024, url permanente : https://quaderna.org/7/en-jeux-identitaires-pratiques-collaboratives-et-artistiques-cartographier-les-epreuves-discriminatoires/
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