Détourner les hétérotopies : l’archive #NiUnaMenos cartographie des imaginaires et des identités
Abstract
Este artículo propone una exploración cartográfica de un archivo como heterotopía feminista y disidente. La violencia reiterada y los feminicidios dieron lugar a las movilizaciones políticas y artísticas #Niunamenos de junio de 2015, en Argentina. Así, para reflejar la pluralidad de feminismos, pero también con el objetivo de ar(t)chivar lo efímero, Proyecto Ni Una Menos ha reunido un conjunto de trabajos que han puesto de manifiesto cuestiones relacionadas con la sexualidad, el género y la violencia machista. Estos trabajos se han reunido en un libro titulado Recuperemos la imaginación para cambiar la historia. Nuestro corpus planteará una propuesta cartográfica de experiencias, espacios de resistencia y su circulación a través del análisis de fotografías y grabaciones de vídeo del archivo.
Résumé
Cet article propose l’exploration cartographique d’une archive comme hétérotopie féministe et dissidente. Les violences répétées et les féminicides ont donné lieu aux mobilisations politiques et artistiques #Niunamenos de juin 2015, en Argentine. Ainsi, afin de rendre compte de la pluralité des féminismes, mais aussi dans l’objectif d’ar(t)chiver l’éphémère, le Proyecto Ni Una Menos a réuni un ensemble d’œuvres qui ont mis en avant les questions liées à la sexualité, au genre et à la violence masculine. L’ensemble de ces œuvres est regroupé dans un livre intitulé Recuperemos la imaginación para cambiar la historia. Le corpus que nous mobiliserons dans cet article proposera une analyse cartographique des expériences, des espaces de résistance et de leur circulation à travers l’analyse de photographies et captations vidéo issues de l’archive.
Texte intégral
Ni una menos es un grito colectivo, es meterse donde antes se miraba
para otro lado, es revisar las propias prácticas, es empezar a
mirarnos de otro modo unos a otras, es un compromiso social para
construir un nuevo nunca más.
Repetimos.
No queremos más mujeres muertas por feminicidio.
Queremos a cada una de las mujeres vivas.
A todas. #NiUnaMenos 1
Les luttes contre les violences sexistes et sexuelles se sont massifiées après le féminicide de Chiara Páez, une adolescente de 14 ans, le 11 mai 2015. La violence particulière du meurtre et le nombre de féminicides alors atteint en Argentine cette année-là, 286, mobilisent le pays entier au travers de marches et de manifestations. Le 3 juin 2015 marque réellement le début du mouvement #NiUnaMenos 2 , lequel deviendra une organisation nationale et trouvera un écho dans toute l’Amérique latine, même si, des mois plus tôt, des journalistes appelaient déjà à des lectures publiques en faisant mention du hashtag, devenu par la suite le slogan de toutes les mobilisations, NiUnaMenos.
Les initiatives ont été nombreuses et diverses : poèmes, littératures, photographies, peintures, street art, performances. Cet élan artistique engagé en faveur de la justice sociale et contre les violences sexistes et sexuelles a traversé l’ensemble du territoire argentin. Les réseaux sociaux numériques ont joué un rôle essentiel, puisque la circulation d’initiatives, de ressources ainsi que la mise en relation de collectifs et de citoyen·n·e·s ont été facilitées et ont rendu possible le contournement de certaines formes de censure, notamment les réponses violentes dans l’espace public, l’effacement et la destruction d’installations publiques.
Les mobilisations ont été nombreuses, créatives et ont donné́ lieu à des bouleversements et des questionnements importants qui ont renouvelé́ « le » sujet du féminisme. Afin de rendre compte de la pluralité́ des féminismes, mais aussi dans l’objectif d’ar(t)chiver l’éphémère, le Proyecto Ni Una Menos a réuni plus de 165 œuvres créées durant les mois qui ont précédé et suivi ce premier #NiUnaMenos, des images et des récits sont apparus en dehors des musées qui ont mis en avant les questions liées à la sexualité, au genre et à la violence masculine. L’ensemble de ces œuvres est regroupé dans un livre intitulé « Recuperemos la imaginación para cambiar la historia » 3 . Le livre, coédité par Editorial Madreselva, bénéficie du soutien de l’Institut interdisciplinaire d’études de genre (Faculté de lettres et de philosophie de l’Université de Buenos Aires), du Master en études et politiques de genre (UNTREF), du Programme contre la violence de genre (UNSAM) et du Collectif Communication émergente 4 .
Le corpus que nous mobiliserons dans cet article proposera une analyse cartographique des expériences, espaces de résistance, des hétérotopies, et de leur circulation à travers l’analyse de photographies et photogrammes issus de l’archive. Ces photographies et vidéos qui composent notre corpus permettent ainsi de déplacer les frontières et les espaces dans lesquels les femmes et les dissidences sexuelles ont historiquement été placées par des discours hétéronormatifs (qui continuent d’être valables dans le présent) et ouvrent des perspectives nouvelles, politiques et sociales, qui rendent possible un questionnement des identités.
Défier l’éphémère
En septembre 2015 un groupe d’universitaires et d’artistes pensent un projet d’archive qui permettrait de mettre en lumière la puissance des mobilisations des derniers mois. Celles-ci ont été particulièrement importantes puisqu’elles ont marqué durablement un tournant dans le féminisme argentin et l’archive NiUnaMenos s’est présentée comme un espace essentiel à l’articulation et la visibilisation des luttes minoritaires.
En effet, l’archive est un espace politique 5 qui véhicule des récits, des normes et des systèmes d’oppression qui vont constituer un discours sur lequel l’État va s’appuyer pour assoir son pouvoir. La question est d’autant plus politique en Argentine que la dictature militaire de Jorge Rafael Videla (1976-1983) a laissé des traces dans la gestion et la conservation des archives. Il a été estimé qu’un grand nombre de documents, de photographies et de témoignages ont été détruits aussi bien pendant la dictature que pendant la période de transition démocratique, dans l’objectif « d’apaiser » les mémoires et d’aller de l’avant en évitant toutes formes de tension. En conséquence, pour ne pas céder à l’oubli, des familles, des proches de victimes et des activistes ont créé des contre-archives et depuis, les initiatives de création de fonds se sont multipliées dans tout le pays. Il est néanmoins nécessaire de rappeler que la centralité des archives et des initiatives se trouvent à Buenos Aires. Il est ainsi difficile de participer à ce type d’action ou de consulter les différents fonds depuis les périphéries.
Le projet Proyecto Ni Una Menos a été pensé comme un médium permettant de mettre en réseau des mémoires, des récits, des silences et d’exprimer ces pluralités au sein d’une même archive. Afin de se distancier des articles de presse autour des féminicides et des différentes mobilisations, il fallait se rapprocher des subjectivités des personnes concernées par les violences et/ou ayant participé aux manifestations. Les réseaux sociaux numériques (RSN) ont été le réel vecteur de l’appel à communication artistique, Facebook notamment qui a eu une réelle portée, puis, pour les plus jeunes, Instagram et Twitter. Occuper les RSN par la présence militante et la circulation d’informations a été un prolongement des actions dans l’espace public 6 , malgré le fait qu’ils n’échappent ni à la censure 7 ni au harcèlement, mais présentent cependant une capacité d’instantanéité et de mise en réseau importantes.
Néanmoins, l’archive a été conçue comme un objet physique, qui pourrait circuler d’une personne à une autre. L’idée étant de proposer une alternative à l’éphémère et à l’intangibilité du virtuel, le format du livre est apparu comme le meilleur médium puisque « sa persistance dans le temps implique de le relire non seulement comme un souvenir, mais aussi comme une pratique de compilation et de resignification constante : chaque fois qu’un livre est ouvert, la force de ce qui vit entre ses couvertures est réinventée et actualisée » 8 .
Cartographier les hétérotopies
Rendre compte des espaces de résistance existant dans le pays avait une importance cruciale face à la couverture médiatique des féminicides et des violences de genre. L’addition d’images violentes, de corps torturés et tués qui figuraient à la Une des journaux locaux et nationaux a contribué à la déshumanisation des victimes 9 . Il ne s’agissait donc pas de faire circuler des récits utopiques, mais de mobiliser les imaginaires comme des espaces de transformation qui viendraient défier la normalisation des violences de genre par la connivence de la justice, les discours et images véhiculées dans les médias. Ces espaces de résistance réunis au sein de l’archive semblent correspondre à ce que Michel Foucault nomme les hétérotopies, qu’il définit de la manière suivante :
(…) parmi tous ces lieux qui se distinguent les uns des autres, il y en a qui sont absolument différents : des lieux qui s’opposent à tous les autres, qui sont destinés en quelque sorte à les effacer, à les neutraliser ou à les purifier. Ce sont en quelque sorte des contre-espaces. 10
Ces contre-espaces sont sans cesse dévalorisés puisqu’ils sont habités et formés par ces autres qui ne sont pas des citoyennes à part entière. Les femmes défient les normes en créant leurs espaces dans des espaces déjà soumis à des codes établis à l’instar de l’occupation de la place de Mai, par les Mères et Grands-Mères pendant et après la dictature, qui a été l’objet de nombreuses disqualifications, notamment en qualifiant les occupantes de « mères terroristes » ou en les appelant « les folles de la place de Mai » 11 durant des années, comme pour justifier d’éventuelles répressions à leur encontre, car elles ne devaient pas se retrouver dans cet espace. Les Mères et Grands-Mères de la place de Mai n’ont jamais cédé et ont toujours contourné les règles, particulièrement celles concernant l’interdiction de se rassembler dans des lieux publics, en adoptant d’ingénieuses stratégies d’occupation de l’espace.
D’ailleurs, loin de penser des espaces utopiques, Foucault a cherché à identifier et à cartographier ces espaces qui signifient et reflètent des réalités autres et qui mettent à mal la réalité hégémonique. L’archive Ni Una Menos propose une réflexion autour des imaginaires, non pas comme projection utopique mais comme un lieu tangible dans lequel figurent des propositions pour un présent souhaitable et des futurs possibles. L’archive a été éditée et est parue en 2017 après deux ans de travail et après avoir rassemblé l’ensemble des financements nécessaires. En effet, le groupe avait décidé d’un fonctionnement horizontal, en autogestion et autofinancement afin de n’être contraint à aucune modalité extérieure qui serait venue interférer dans l’espace discursif.
Négociations de survie et occupation du territoire
Ainsi, ces autres, réduites à l’espace privé, à l’espace intime et sommées de ne pas déborder dans l’espace public, ni de se mobiliser, trouvent des alternatives qui cherchent à interrompre le présent en détournant les hétérotopies des marges vers les espaces hégémoniques, afin de mettre en évidence des réalités à part entière. L’introduction de l’archive mentionne les généalogies et violences de l’exclusion des femmes et des dissidences sexo-génériques par le passé, mais aussi dans le présent.
Ces autres doivent donc négocier pour leur survie aussi bien dans l’espace public que privé. Les photographies présentées ci-dessous cherchent à rendre visible l’espace supposément intime comme étant étroitement lié à l’espace public, en reprenant les codes artivistiques 12 argentins des années 80. La première photographie (fig. 1) fait ainsi appel aux Siluetazos 13 , qui dénonçaient l’impunité liée aux disparitions forcées pendant la dictature. La deuxième photographie, « Disparues en démocratie » (fig. 2), fait également écho à la période dictatoriale. Les deux images pointent l’inaction, sinon la connivence, de l’État, des services judiciaires et plus largement de la société face aux violences répétées et aux féminicides.
Figure 1. Julieta Repetto et Ana Millet, Complicidad Civil, CABA, 2015
Figure 2. Adriadna Lasser, Segundo Silletazo contra los femicidios y las desaparicones de mujeres, CABA, 2015
Cette insertion de l’espace intime dans l’espace extime 14 démontre l’existence de réalités parallèles pourtant présentes et vécues par ces autres. Ces dernières sont souvent tenues responsables des crimes dont elles sont victimes : que faisaient ces autres dans un espace où elles ne sont pas supposées se rendre ? Auraient-elles provoqué les violences par leurs comportements, leurs tenues, ont-elles pris des risques inconsidérés ? Ces questions ont pour but de déresponsabiliser les agresseurs qui justifient parfois eux-mêmes leurs crimes de la sorte. Peu importe qui sont ces autres, leur présence dans des espaces dédiés aux dominants les expose et justifie les violences à leur encontre 15 .
La survie de ces autres, les femmes et les dissidences sexo-génériques dans le cas présent, a pu s’organiser grâce aux hétérotopies et à leur inscription comme espaces de résistance. Ces espaces questionnent les frontières qui les entourent, mais aussi la distribution de ces mêmes espaces par le pouvoir en place. Peuvent-ils être effacés et redistribués pour mettre fin aux exclusions ? Si oui, dans quels objectifs ? Ces photographies démontrent l’existence de frontières et d’une cartographie des espaces dédiés à chacun·e. L’indifférence marque l’espace dans lequel vivent les autres, comme une simple trace laissée là, sans qu’aucun changement ne soit fait. Cette indifférence mise à nue interpelle et interroge les corps qui sont dignes de reconnaissance, et ceux qui indifférent la société et l’État 16 . Dans son ouvrage, The Epistemology of Resistance, José Medina propose de mobiliser l’imaginaire, comme le propose l’archive, en tant que forme de résistance en réponse à la négation de citoyenneté. Il évoque l’imaginaire comme un médium politique et affectif qui ouvre une infinité de possibilités, notamment, parce que, selon lui les personnes opprimées développent une :
capacité de voir les limites des façons de voir dominantes. […] Cette méta-lucidité a un potentiel critique et subversif : elle fournit des indications sur le fonctionnement des perspectives qui permettent de redessiner nos cartes cognitives, de redécrire nos expériences et de reconceptualiser nos modes de relation avec les autres. 17 .
Constructions et circulations des identités
Les différents positionnements adoptés par l’archive proposent de situer les victimes, les résistances et toutes les personnes affectées par les violences de genre comme habitant le territoire et comme des actrices de leur citoyenneté. La négation perpétuelle de leurs droits a contribué à effacer ces autres comme des sujets politiques et à les considérer comme des sujets à la marge sans réelle agentivité. Ainsi, la mise en réseau de ces autres dans des espaces éminemment politiques a parfois surpris par la puissance des revendications et le nombre de personnes mobilisées.
Vivre et transformer la douleur
Pour ces raisons, l’archive a cherché à rendre compte de ce pouvoir transformateur qui a traversé l’Argentine en juin 2015 et les mois qui ont suivi. Cette volonté de transformation s’est inscrite dans les images de douleur qui ont circulé. En effet, pour le collectif à l’initiative de l’archive, il était nécessaire d’interroger la douleur comme élément fondateur d’une identité commune 18 semblable à ce que propose Rita Segato dans son ouvrage, Contra-Pedagogías de la Crueldad, puisqu’elle y explique le pouvoir de la violence comme constitutive d’un ordre patriarcal 19 . Elle évoque notamment l’exposition incessante à des images violentes, particulièrement des corps féminins et féminisés, dans l’espace médiatique et public et la notion d’habitude liée à cette surexposition voire à la perte d’empathie vis-à-vis des victimes. Ainsi, l’archive a été réfléchie comme un espace qui permettrait de mettre en relation les affects, mais aussi, l’espoir et la résilience que révèlent ces œuvres artistiques et textes littéraires. D’ailleurs, ces dernières étaient dominées par le détail morbide et la volonté de faire témoignage 20 , de laisser une trace. Il a donc semblé nécessaire de rendre visibles ces douleurs et deuils depuis une perspective de solidarité et de guérison collective dans le but de (re)trouver l’agentivité motrice d’un changement radical auquel aspirent ces autres.
Le photogramme ci-dessous, Ni Una Menos-Elles ne se sont pas toutes là, il manque les mortes 21 (fig. 3), est un manifeste audiovisuel dans lequel on peut voir une femme, avec un bandage autour de la tête et du buste, qui affirme ce qu’elle n’est pas et sa volonté de se défaire du marqueur identitaire imposé par la culture hétéropatriarcale : « No quiero ser la princesa de nadie, ni la Barbie publicitaria que no se mantiene en pie porque necesita tacones » 22 .
Figure 3. Melisa Fort et Florencia Del Gesso, Ni Una Menos-NO ESTAN TODAS, FALTAN LAS MUERTAS, Manifeste audiovisuel, Argentine / Allemagne, 2015
Disponible en ligne : https://www.youtube.com/watch ?v =7FxdLYPCbNA
De plus, l’inscription du titre du Manifeste sur le buste et les projecteurs tournés vers cette femme peuvent faire penser qu’elle incarne toutes celles qui ne peuvent pas ou ne peuvent plus parler. L’exercice de transformation et d’empouvoirement se dessine au fur et à mesure de ses énonciations, de ce qu’elle souhaite pour elle, mais aussi pour les autres : « Quiero ser negra, gorda, puta, tortillera, bi, trans, wacha, una monstrua de labios pintados de rojo, peluda y hermosa, orgásmica, marimacha » 23 . En retirant le bandage qui l’empêchait jusqu’alors d’être reconnaissable, elle sort alors de l’invisibilité à laquelle elle était contrainte par les normes et ouvre la possibilité d’exister autrement, notamment en changeant la façon de voir et de regarder. À ce sujet, Donna Harraway parlait de la vision dans les termes suivants: « Vision is always a question of the power to see and perhaps of the violence implicit in our visualizing practices. With whose blood were my eyes crafted ? » 24 . En conséquence, la construction de l’identité individuelle et collective ainsi que la perception des corps passent par ce régime de vision qu’il est nécessaire de remettre en question : « Quiero emplear mi capacidad de constituirme mutante y disidente ante una sociedad de cultura patriarcal, heteronormativa, fallocéntrica, monógama y cisgénero » 25 . Ainsi, l’archive permet la création d’une utopie pratique telle que l’évoquait Ricœur 26 , c’est-à-dire une utopie qui tend à être réalisée, un espace que l’on peut également qualifier d’hétérotopie, puisqu’il ne s’agit pas d’un lieu irréel ou irréalisable.
L’exercice de transformation s’établit également par l’expérience de l’absence vécue et subie par les proches des « victimes ». Comment cartographier ces topos et rendre visibles ces autres qui ne l’étaient déjà pas lorsqu’elles étaient en vie ? Ces absences sont d’autant plus difficiles à vivre puisqu’elles se présentent comme une suite d’espace-temps de présence-absence qui fait surgir de nombreuses questions.
Les photographies ci-dessous, intitulées Fragments : les marques d’absences (fig. 4) 27 , nous immergent dans la douleur des proches et des familles, nous montrent ce qu’il reste des proches disparues et nous invitent dans ces hétérotopies transtemporelles dans lesquelles elles doivent naviguer et qui interrogent la notion d’espace. L’objectif est de rappeler le vide, l’absence et de faire témoignage pour que les victimes ne soient pas oubliées. Leurs vies se retrouvent résumées à de simples fragments, à des objets, à des souvenirs épars. Les hétérotopies subies (isolement, enfermement dans le passé) ou créées par les familles (espace de création et de résistance) permettent la survie des récits, des identités et surtout, quand cela est possible, la circulation des témoignages.
Figure 4. Agustina Ciccola, Gisela Orieta et Valentina Stutzin, Retazos : marcas de auscencias, 2015
L’installation Un jour je sortirai d’ici (fig. 5), de Fátima Pecci Carou, met en scène les différents espaces et les frontières entre celles qui ne sont plus là et le reste de la société qui, spectatrice des événements, se contente d’observer. Néanmoins, le titre évoque l’espoir de sortir de cette hétérotopie dans laquelle sont enfermées les mortes, les sentiments de culpabilité, la peur, la tristesse, l’absence et le deuil.
Figure 5. Algún dia saldré de aqui, installation, 2014-2015, CABA
Ces portraits affichés au mur rompent les frontières entre les espaces et nous poussent à regarder et à interroger cette réalité. En outre, ce retour réflexif pourrait correspondre à la métaphore du miroir que fait Foucault :
Dans le miroir, je me vois là où je ne suis pas, dans un espace irréel qui s’ouvre virtuellement derrière la surface, je suis là-bas, là où je ne suis pas, une sorte d’ombre qui me donne à moi-même ma propre visibilité, qui me permet de me regarder là où je suis absent – utopie du miroir. Mais c’est également une hétérotopie, dans la mesure où le miroir existe réellement, et où il a, sur la place que j’occupe, une sorte d’effet en retour ; c’est à partir du miroir que je me découvre absent à la place où je suis puisque je me vois là-bas. 28
Ainsi ces autres se verraient confrontées à leur réalité en observant ces visages et en remarquant les similitudes qui les rattachent aux personnes qui y figurent. Cette prise en compte vise à penser la place qu’occupent ces autres aussi bien dans les espaces dominants que dans les hétérotopies. Ce retour réflexif sur soi, sur le collectif et cette délocalisation permet de rendre compte de la porosité existante entre les différents espaces et évoque la possibilité d’abolir les frontières qui les séparent en créant des alliances et des réseaux de solidarité.
Enfin, la dernière performance, Appuie sur le bouton, jusqu’au click 29 , (fig. 6) montre un carnet avec des prénoms féminins, et une main noircie qui, inlassablement, raye des prénoms au marqueur rouge. Tous ces prénoms seraient ceux des personnes assassinées, choisies de manière aléatoire, mais qui n’échappent pas à ce qui leur est réservé. Cependant, ce destin tragique est interrompu quand deux mains saisissent le marqueur, le bouchent, et le brisent en deux. On peut alors voir s’afficher #NiUnaMenos suivi de leur phrase « Nous ne les oublions pas ». À la suite de cette action d’interruption d’actes qui semblaient inarrêtables, on remarque que tous les noms qui suivent ne sont et ne seront plus rayés en rouge. En ce sens, cette performance met l’emphase sur la force de l’action collective face à une situation qui semble sans solution, mais surtout sur le pouvoir transformateur de l’action et ses effets sur l’espace qu’occupent les femmes et dissidences sexo-génériques.
Figure 6. Confite Producciones, Presione hasta el click, Mar del plata, 2015
Cartographier les circulations
Les réseaux sociaux numériques imposent de nouvelles modalités et pratiques cartographiques tant les actions, messages et autres formes d’activismes relayés sur ces plateformes sont soumis à de perpétuelles mises à jour et donnent une impression constante de renouvellement. Ainsi, Marcela Fuentes utilise la cartographie, mais elle y ajoute la notion de constellation pour délimiter et dessiner les différentes formes d’activisme sur les réseaux socio-numériques :
Les constellations de performances définissent la manière dont les activistes et les artistes coordonnent leurs actions à l’intérieur et à l’extérieur des réseaux pour générer des événements collectifs et durables (…) Elles mettent en lumière le rôle des performances situées comme moyen de produire une collectivité à partir d’une fragmentation temporelle et spatiale, tout comme les constellations forment des groupes d’étoiles qui existent à des moments différents et sur de grandes distances. 30
Les constellations permettent donc de saisir les cartographies mouvantes et innovantes de l’activisme féministe et de son renouvellement. Dans le cas précis de l’archive, le hashtag NiUnaMenos a rendu possible une reconnaissance des initiatives à travers l’ensemble du territoire et illustre ainsi que
ces constellations changeantes de performances démontrent que les nouveaux médias et technologies de communication ne supplantent pas l’accent mis par les performances sur l’action corporelle, mais l’actualisent plutôt, et permettent ainsi le développement de mobilisations incarnées destinées à répondre à des conditions d’exploitation de plus en plus abstraites et biopolitiques 31 .
Les hashtags permettent aussi de créer un espace, une hétérotopie, d’en délimiter parfois les bords, de détourner les frontières locales et nationales et de former une « constellation féministe » 32 . L’appel à contribution à l’archive a largement été relayé via les hashtags. Cette circulation rapide de l’information s’est articulée au croisement de la nécessité d’agir et celle de saisir la puissance des mobilisations qui avaient alors lieu dans le pays. De plus, différentes nouvelles modalités de lutte ont émergé : des actions décentralisées, synchronisées, asynchronisées 33 et intergénérationnelles. Rovira Sancho parle alors de « foules connectées » et de « démocratie distribuée » 34 . De fait, ces autres exclues de prises de décision politique ont décidé de se saisir de leur agentivité et de créer des stratégies inédites d’action afin de prendre part à la vie citoyenne et démocratique. Néanmoins, dans le processus cartographique envisagé par le groupe de travail autour de l’archive, il était essentiel de « figer » ces initiatives dans un objet matériel, le livre.
Cette archive ne propose pas seulement une mémoire des féminicides mais elle articule toutes les oppressions pour mettre en lumière le continuum des violences de genre et faire le lien avec un récit mémoriel dont les femmes et dissidences sexuelles ont été exclues. Les mobilisations ont coïncidé avec des initiatives artistiques qui ont su tisser les liens entre affects, mémoires et art et ainsi donner un rayonnement important à l’archive. De surcroît, ce positionnement artistique prend en compte un autre élément cartographique : Quelle place occupent les femmes et les dissidences sexo-générique dans le champ artistique ? Laura Arnès évoque l’exclusion à laquelle elles font toujours face, mais aussi la nécessité de mobiliser l’Art comme outil d’expression affectif et identitaire 35 .
Il est possible de cartographier les circulations de l’archive de plusieurs manières : par les échanges numériques, les ventes lors d’exposition des livres, des échanges postérieurs à la sortie de l’archive notamment sur les comptes Instagram et X 36 du groupe, et enfin par la reconnaissance du monde artistique qui a mis en avant les œuvres visuelles de l’archive pour qu’elles soient exposées lors de la Biennale Internationale d´Art Contemporain de l´Amérique du Sud (BIENALSUR) en juin 2019 à Rosario (Argentine). L’hétérotopie dissidente, artistique, féministe et politique a ainsi franchi les frontières d’un espace jusqu’alors inatteignable.
L’index de l’archive rend compte de la diversité des œuvres reçues, réalisées ou non par des artistes, des situations géographiques, des identités représentées et de la richesse des propositions (plus de 400), ce qui nous permet d’établir une cartographie des acteur·trice·s du mouvement : des adolescentes, des femmes, des lesbiennes, des trans, des familles, des personnes âgées qui ont agi et continuent d’agir depuis les marges et de faire corps face à des discours oppressifs (racistes, sexistes et néolibéraux).
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Les tentatives d’effacement des femmes et des dissidences sexuelles en Argentine ont renforcé les dynamiques politiques au sein des différentes hétérotopies. Ces topos ont fait émerger des discours et des dynamiques mettant en lumière les nombreuses disparités et ruptures d’équité encore existantes malgré des mesures progressistes. L’appel à contribution au projet Ni Una Menos a ainsi fait office d’invitation à faire partie d’une hétérotopie, un espace de dissidence dans lequel le schéma sexo-générique a été interrompu et remis en question. De plus, l’imaginaire mobilisé par l’archive répond aux attentes d’une utopie « réalisable » et antipatriarcale et permet, par conséquent, d’étendre les modalités de ce qui est dicible et visible. Les personnes qui ont participé à l’archive ont pu mettre en perspective la multiplicité des corps et des identités, et par la même, elles ont pu mettre en évidence les failles de l’ordre patriarcal et des restrictions qu’il impose.
L’archive Ni Una Menos a mis en relation les espaces de résistance et a permis de cartographier l’expression de ces dernières et leur circulation à travers le pays. Les manifestations et mouvements qui ont suivi s’en sont trouvés renforcés comme nous avons pu le constater lors des manifestations pour la dépénalisation de l’avortement en 2018 et en 2020. Aujourd’hui, malgré les cadres législatifs mis en place, les femmes et dissidences sexo-génériques sont toujours vulnérables à la suite du basculement politique, après les élections présidentielles de novembre 2023 et la victoire de Javier Milei, qui incarne un « trumpisme argentin » avec pour mesure phare la suppression du droit à l’avortement. La diffusion de ses idées gagne du terrain, notamment après son positionnement « anti-wokiste » et les premières mesures qu’il a mises en œuvre : la suppression de l’Institut National contre les Discriminations, la Xénophobie et le Racisme, les restrictions de financement de la Culture et les menaces qu’il fait peser sur l’Université Publique, entre autres. Les différents collectifs – féministes, queers, anti-racistes et syndicats – se mobilisent d’ores et déjà depuis janvier 2024 et investissent l’espace public et les instances étatiques afin de maintenir leurs droits. La répression violente et organisée du gouvernement a donné lieu à des arrestations arbitraires et des manifestant·e·s ont été blessé·e·s. Cependant, la résistance s’organise en ligne et hors ligne et les collectifs et organisations ne veulent céder aucun terrain à Milei.
- Manifeste lu lors de la mobilisation du 3 juin 2015, place du Congrès. https://www.pagina12.com.ar/diario/suplementos/las12/13-9775-2015-06-05.html↵
- « Pas Une de Moins » (notre traduction). Cette expression fait référence à un poème de Susana Chávez, et en particulier à un vers « Ni una muerta más » (« Pas une morte de plus »), qui dénonce les féminicides à Ciudad Juarez, au Mexique. En 2011, Susana Chávez est assassinée pour ses prises de position.↵
- « Récupérons l’imagination pour changer l’histoire » (notre traduction). Florencia Abbate, et al., Proyecto Num : recuperar la imaginación para cambiar la historia, Buenos Aires, Madreselva, 2017.↵
- Tou·te·s les acteur·ice·s ayant participé au financement sont localisé·e·s à Buenos Aires. Laura Arnés, Lucía Reissing, Mariana Lummi, Nina Kunan et Eugenia Salama sont à l’origine du projet et en sont les co-éditrices. Le projet a également bénéficié d’une campagne de soutien en ligne : https://www.idea.me/proyectos/51160/proyecto-num.↵
- Claire Delahaye, « L’archive et le politique : enjeux et perspectives », Revue française d’études américaines 162/1, 2020, p. 3-19.↵
- Nous comprenons les réseaux sociaux numériques comme faisant partie de l’espace public, mais nous voulons ici faire une distinction entre espace physique (hors ligne) et virtuel (en ligne).↵
- En effet, les réseaux socio-numériques utilisent des algorithmes qui prolongent et accentuent parfois les oppressions, ces algorithmes invisibilisent même parfois le travail des collectifs féministes.↵
- Proyecto Ni Una Menos, Recuperemos la imaginación para cambiar la historia, Madre Selva, 2017, p. 6. Notre traduction.↵
- Rita Laura Segato, Contra-pedagogías de la crueldad, Buenos Aires, Prometeo Libros, 2018.↵
- Michel Foucault, Le corps utopique, les hétérotopies, Paris, Éditions lignes, 2009, p. 24.↵
- Estela Barnes de Carlotto et Joséphine Vuilliard, « Les folles de la Place de Mai », Mémoires, vol. 67, no. 2, 2016, p. 23.↵
- Dans les années 1980 et 1990, différents courants mêlant art et activisme émergent afin de répondre aux demandes sociales et politiques et faire entendre les voix des personnes lésées par l’État, les entreprises et les institutions. On retrouve ainsi les termes « artivisme » et « activisme artistique » avec comme des critiques les définissant ainsi : « Il semblerait que l’activisme soit un adjectif ou un nom d’art, alors que dans le premier, c’est l’activisme qui prime tout en permettant de souligner la dimension artistique de certaines pratiques d’intervention sociale » ; Marcelo Expósito, Jaime Vindel et Ana Vidal, « El activismo artístico », Perder la forma humana. Una imagen sísmica de los años 80 en América Latina, Red Conceptualismos del Sur, 2012, p. 43.↵
- Action esthético-politique impulsée par trois artistes lors de la troisième Marche de la Résistance : Rodolfo Aguerrebery, Julio Flores et Guillermo Kexel.↵
- Serge Tisseron décrit la notion de la manière suivante : « Je propose d’appeler “extimité” le mouvement qui pousse chacun à mettre en avant une partie de sa vie intime, autant physique que psychique. Ce mouvement est longtemps passé inaperçu bien qu’il soit essentiel à l’être humain. Il consiste dans le désir de communiquer sur son monde intérieur. Mais ce mouvement serait incompréhensible s’il ne s’agissait que “d’exprimer”. Si les gens veulent extérioriser certains éléments de leur vie, c’est pour mieux se les approprier en les intériorisant sur un autre mode grâce aux échanges qu’ils suscitent avec leurs proches. L’expression du soi intime – que nous avons désigné sous le nom “d’extimité” – entre ainsi au service de la création d’une intimité plus riche ». Serge Tisseron, L’intimité surexposée [2001], Paris, Hachette, 2003, p. 85.↵
- Rita Laura Segato, Contra-pedagogías de la crueldad, Buenos Aires, Prometeo Libros, 2018.↵
- Judith, Butler, Ces corps qui comptent, Paris, Éditions Amsterdam, 2018.↵
- « capacity to see the limitations of dominant ways of seeing. […] This meta-lucidity has a critical and subversive potential: it provides insights into the functioning of perspectives that makes it possible to redraw our cognitive maps, to redescribe our experiences, and to reconceptualize our ways of relating to others ». José Medina, The Epistemology of Resistance, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 47 (notre traduction).↵
- Entretien avec Laura Arnés, le 15 juillet 2022, à Buenos Aires.↵
- « Les hommes se considèrent comme appartenant à un groupe prestigieux qui exige une qualification et cette qualification dépend de l’exaction de la position féminine, qui doit circuler de la position féminine à la position masculine, la constituant comme une position de pouvoir capable de contrôler un territoire, qui dans ce cas est le territoire-corps de la victime. C’est ici qu’apparaît pour la première fois dans ma réflexion cette idée d’affinité entre le corps féminin et le territoire ». Rita Segato, op. cit., p. 71(notre traduction).↵
- Ibid., 2022.↵
- Notre traduction.↵
- « Je ne veux être la princesse de personne, ni la Barbie qui ne peut pas se tenir debout parce qu’elle a besoin de talons » (notre traduction).↵
- « Je veux être noire, grosse, salope, gouine, bi, trans, méchante, un monstre aux lèvres rouges, poilue, belle, orgasmique, butch, garçon manqué » (notre traduction).↵
- « La vision est toujours une question de pouvoir voir et peut-être de violence implicite dans nos pratiques de visualisation. Avec le sang de qui mes yeux ont-ils été fabriqués ? » (notre traduction). Donna Haraway, « Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies 14/3, 1988, p. 585.↵
- « Je veux utiliser ma capacité à devenir mutante et dissidente dans une société de culture patriarcale, hétéronormative, phallocentrique, monogame et cisgenre » (notre traduction).↵
- Paul Ricœur, L’idéologie et l’utopie, Paris, Seuil, 1997, p. 36.↵
- Agustina Ciccola, Gisela Orieta et Valentina Stutzin : « L’objectif de ce travail documentaire sur les cas de féminicides est de montrer les histoires derrière les statistiques ; reconstruire les histoires des victimes à travers les récits familiaux et les marques d’absence », Proyecto Num, p. 310. (Notre traduction).↵
- Michel Foucault, « Des espaces autres », Empan 54/2, 2004, p. 15.↵
- Pour voir le court-métrage en entier : https://www.youtube.com/watch ?v =CLtvmGsqp5k.↵
- « Las constelaciones de performances definen el modo de en qué los activistas y artistas coordinan acciones dentro y fuera de las redes para generar acontecimientos colectivos y perdurables (…) Iluminan el rol de las performances situadas como medios para producir colectividad a partir de la fragmentación temporal y espacial, de modo similar a como las constelaciones les dan forma a grupos de estrellas que existen en diferentes tiempos y a grandes distancias », Marcela Fuentes, Activismos tecnopolíticos, Buenos Aires, Eterna Editora, 2020, p. 28 (notre traduction).↵
- « estas cambiantes constelaciones de performance demuestran que las nuevas tecnologías de comunicación de medios no desplazan el énfasis de la performance en la acción corporal, sino que lo actualizan, y así permiten el desarrollo de movilizaciones corporizadas situadas para responder a condiciones de explotación cada vez más abstractas y biopolíticas », ibid., p. 53 (notre traduction).↵
- Ibid. p. 203.↵
- Certaines actions et mobilisations ont été pensées pour être réalisées en même temps pour fédérer l’ensemble du territoire, alors que d’autres ont été réalisées le même jour mais pas en même temps.↵
- Guiomar Rovira Sacho citée par Marcela Fuentes dans Activismos tecnopolíticos, Buenos Aires, Eterna Editora, 2020, p. 226↵
- Op. cit., 2022.↵
- Anciennement Twitter.↵
Bibliographie
ABBATE Florencia et al., Proyecto Num: recuperar la imaginación para cambiar la historia, Buenos Aires, Madreselva, 2017.
ARNÉS Laura, entretien avec Sophia Sablé, le 15 juillet 2022, à Buenos Aires.
BARNES DE CARLOTTO Estela Joséphine Vuilliard, « Les folles de la Place de Mai », Mémoires, vol. 67, no. 2, 2016, p. 23-23.
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DELAHAYE Claire, « L’archive et le politique : enjeux et perspectives », Revue française d’études américaines 162/1, 2020, p. 3-19.
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FOUCAULT Michel, Le corps utopique, les hétérotopies, Paris, Éditions lignes, 2009.
FUENTES Marcela, Activismos tecnopolíticos, Buenos Aires, Eterna Editora, 2020.
HARAWAY, Donna, « Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies 14/3, 1988, p. 575-599. JSTOR, https://doi.org/10.2307/3178066.
MAFFIA Diana, Sexualidades migrantes. Género y transgénero, Buenos Aires, Librería mujeres, 2008.
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RICŒUR Paul, L’idéologie et l’utopie, Paris, Seuil, 1997.
SEGATO Rita Laura, Contra-pedagogías de la crueldad, Buenos Aires, Prometeo Libros, 2018.
TISSERON Serge, L'intimité surexposée [2001], Paris, Hachette, 2003.
Auteur
Sophia Sablé
Actuellement ATER au département d’études hispaniques et hispano-américaines de l’Université Jean Jaurès, Toulouse, Sophia Sablé est doctorante en fin de thèse. Elle travaille sur la question mémorielle en Argentine, un sujet profondément lié aux luttes sociopolitiques et aux mouvements pour les droits humains. Ces luttes ont redéfini la manière dont la nation aborde son passé, plaçant les archives et l’art au cœur de la mémoire collective. Les groupes féministes et sexo-dissidents y jouent un rôle central, en réinscrivant dans la narration mémorielle les histoires des populations marginalisées. Son travail se concentre sur les archives féministes et sexo-dissidentes Ces initiatives contestent les récits dominants, en rendant visibles des mémoires et des corps longtemps invisibilisés. À travers l’art et les actions collectives, ces groupes réinvestissent l’espace public et utilisent les réseaux sociaux pour créer de nouvelles formes d’archives féministes et sexo-dissidentes. Sophia Sablé explore ainsi de quelles manières les archives contribuent à une relecture critique du passé et à la construction d’un avenir plus inclusif, tout en questionnant les rapports de pouvoir et les représentations dans l’espace public, tant en ligne qu’hors ligne.
Pour citer cet article
Sophia Sablé, Détourner les hétérotopies : l’archive #NiUnaMenos cartographie des imaginaires et des identités, ©2024 Quaderna, mis en ligne le 15 décembre 2024, url permanente : https://quaderna.org/7/detourner-les-heterotopies-larchive-niunamenos-cartographie-des-imaginaires-et-des-identites/
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