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# 06 Nord magnétique

« A wild dream through an enchanted world » : magie et médiation du Nord dans les nouvelles de George Egerton

 

Claire McKeown
Université de Lorraine

Abstract

The Anglo-Australian author George Egerton (1859-1945) dedicated a significant part of her output to representations of Northern spaces. Her translations in the 1890s gave the British public access to modern Scandinavian text, and several short stories in the collections Keynotes (1893) and Discords (1894) are about Norway. In her descriptions of Nordic landscapes, Egerton combines the natural environment with the inner landscapes of female protagonists, echoing her project of rendering the “terra incognita” of female experience. Her focus on sensory perception earned her accusations of salaciousness, including from her publisher who saw in them the excess typical of “Scandinavian ideas”. Female perspectives and Nordic landscapes are also associated with a magical quality in her texts. In particular, the figure of the witch allows Egerton to combine a sublime image of Norway expected by the Victorian public with an aesthetic representation of female autonomy, especially the autonomy of the gaze highlighted in ekphrastic passages. This article aims to identify the forms of cultural and aesthetic mediation of the North proposed in her texts.

Résumé

L'auteure anglo-australienne George Egerton (1859-1945) dédia une part importante de sa production à la représentation du Nord. Ses traductions des années 1890 permirent au public britannique d'accéder à des textes de la modernité scandinave, et plusieurs nouvelles des recueils Keynotes (1893) et Discords (1894) portent sur la Norvège. Dans ses descriptions de paysages nordiques, Egerton associe milieu naturel et paysages intérieurs des protagonistes féminins, en écho à son projet de représenter la « terra incognita » de l'expérience féminine. La qualité sensorielle de ses textes lui valut des accusations de salacité, notamment de son éditeur qui y voyait l'excès propre aux « idées scandinaves ». Regard féminin et paysage nordique sont également associés à un aspect magique dans ses textes. En particulier, la figure de la sorcière permet à Egerton d'associer une image sublime de la Norvège attendue par le public victorien à une représentation esthétique de l'autonomie féminine, notamment l'autonomie du regard mise en évidence dans des passages ekphrastiques. Il s’agira ici d’identifier les formes de médiation culturelle et esthétique du Nord proposées dans ses textes.

Texte intégral

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Le Nord de l’Europe a joué un rôle essentiel dans la vie et l’écriture de George Egerton (1859-1945). L’auteure australo-irlandaise 1 a vécu en Norvège et maîtrisait le norvégien, ce qui lui a permis de traduire des romans scandinaves, et de transmettre ses propres impressions du Nord dans ses nouvelles. La Scandinavie était à la mode au XIXe siècle en Grande-Bretagne, en tant que destination touristique et espace de production littéraire. Cette fascination a généré une vague de traductions et de réécritures de sagas 2 , ainsi que d’ouvrages portant sur la culture des pays nordiques 3 . Ainsi, plusieurs voyageuses britanniques ont publié des textes sur le Nord, et surtout la Norvège 4 . Dès 1796 Mary Wollstonecraft publiait ses Letters Written During a Short Residence in Sweden, Norway and Denmark. Plus tard, des auteures telles que Lady Wilde et Ethel Tweedie ont relaté leurs voyages en Scandinavie, et Harriet Martineau, Edna Lyall et Marie Corelli, entre autres, ont fait de la Norvège le cadre de romans.

Le traitement du Nord dans la production d’Egerton semble cependant plus élaboré : elle traduit deux romans de Knut Hamsun et Ola Hansson, et écrit plusieurs nouvelles inspirées directement de ses rencontres avec la société, les paysages et les littératures nordiques, faisant même apparaître Hamsun comme personnage de l’une d’elles. Elle participe aussi à un projet de collection moderne nordique avec l’éditeur John Lane, qui finalement ne verra pas le jour. Au-delà de l’effet de mode, on peut voir dans ces approches diverses une volonté de l’auteure de transmettre au public britannique une vision complexifiée du Nord.

Il s’agira dans cet article de voir en quoi Egerton peut être considérée comme la médiatrice d’un Nord moderne dans les années 1890. L’étude se déclinera en trois conceptions de la médiation : médiation de la littérature contemporaine scandinave dans le contexte éditorial anglophone ; médiation impressionniste dans l’esthétique de ses nouvelles ; médiation de l’expérience féminine à travers la figure de la sorcière. Je m’intéresserai aux nouvelles suivantes, portant sur la Norvège : « Now Spring Has Come », « The Spell of the White Elf » et le cycle « Under Northern Sky » (comprenant « How Marie Larsen Exorcised a Demon»,  « A Shadow’s Slant »  et  « An Ebb Tide » ) du recueil Keynotes (1893), ainsi que « The Regeneration of Two » du recueil Discords (1894).

Souvent semi-autobiographiques, les textes d’Egerton se concentrent sur des moments de la vie de personnages féminins, dans un contexte transnational reflétant sa biographie qui se déploie entre Irlande, Angleterre, Allemagne et Norvège. Elle met en scène des femmes indépendantes, parfois des figures marginalisées (les nouvelles présentent notamment des histoires d’adultère, d’alcoolisme, d’enfants illégitimes), et les intrigues se focalisent aussi bien sur le rapport entre deux femmes que sur leurs rapports aux hommes.

Tina O’Toole exprime la difficulté de la classifier vis-à-vis d’autres auteures actives à son époque :

A New Woman novelist who disagreed with the ideologies of the contemporary feminist movement, her work cannot be categorised as ‘decadent’ because her social agenda is too far removed from those who believed in ‘art for art’s sake’; but, on the other hand, those who have tried to label her work « modernist » find themselves caught on the horns of her more didactic pieces 5 .

Egerton occupe une place singulière vis-à-vis des mouvements idéologiques et littéraires 6 . Elle revendiquait justement un statut à part et refusait l’étiquette « New Woman » en se disant « gênée d’emblée par le terme » 7 . Souhaitant se distancier de l’idée d’une écriture engagée, elle déclare « [j]e n’avais, contrairement à ce que l’on pouvait croire, aucune visée de propagande, ni de théorie d’émancipation à avancer, ni d’idée de l’égalité à faire valoir » 8 . Elle présente cependant le témoignage de l’expérience féminine comme l’apport principal des femmes dans la littérature, et exprime cette idée par une image d’exploration géographique :

« There was only one small plot left for her to tell; the terra incognita of herself, as she knew herself to be, not as man liked to imagine her… » 9

Comme le souligne Nathalie Saudo-Welby, ce programme est à la racine de ses innovations stylistiques : « Cet effort pour exprimer la nature féminine sans voies détournées et sans réticence fit prendre à Egerton un tournant formel qui fait la modernité de son œuvre. » 10 Dans ses nouvelles représentant la Norvège, l’intériorité féminine croise une terra incognita plus littérale – un espace physique, mais lointain pour ses lecteurs, et qui génère des stratégies narratives particulières pour représenter les paysages et la lumière du Nord, ainsi qu’une culture qu’elle connaissait intimement. Ces stratégies esthétiques constituent chez Egerton une libération du regard féminin à travers le paysage nordique, et par association une valorisation de l’autonomie des femmes.  

 « Half of me is Norsk » : médiation d’un Nord moderne

Comme l’ont montré Sabine Strümper-Krobb et Stefano Evangelista, Egerton a contribué à faire connaitre la littérature scandinave contemporaine au public britannique par le biais de ses traductions de Ung Ofegs Visor d’Ola Hansson en 1895 et Sult de Knut Hamsun en 1899. Cette fonction médiatrice s’étend jusqu’à sa fiction, puisque ses nouvelles fournissent souvent des explications de mots scandinaves, ou des détails plus quotidiens sur la vie en Norvège, par exemple dans les échanges de deux voyageuses entre la Norvège et l’Angleterre, dont une se présente comme étant moitié norvégienne (« half of me is Norsk » 11 ). Elle explique les particularités de la structure sociale et administrative, les titres et les fonctions professionnelles. Les textes rendent compte de l’importance d’Oslo (alors Christiania) comme centre culturel, notant que l’on peut y croiser « tous ceux qui sont quelqu’un », mais aussi de l’attraction touristique du Nord à l’époque, citant les « Cockney cookies », venus avec Thomas Cook, dans « The Regeneration of Two » 12 .

La fascination britannique pour le Nord a en effet inspiré à la fois une vague de tourisme vers la Norvège, la traduction en anglais de nombreuses sagas et un intérêt pour la modernité littéraire nordique, avec Ibsen comme figure de proue. La perception du Nord par le public britannique oscille toutefois entre exotisme et proximité culturelle. D’un côté, c’est la nature sauvage qui fascine, associée à une esthétique romantique ou sublime, et de l’autre, c’est le désir de faire ressortir des liens de parenté entre les cultures nordique et britannique, notamment à travers des comparaisons des paysages avec ceux de l’Ecosse 13 . R. M. Ballantyne va même jusqu’à attribuer « ce qui est viril et vigoureux dans la Constitution Britannique » au « sang norrois » 14 . Au Royaume-Uni les traces des Vikings sont nombreuses, notamment dans l’onomastique des lieux et des personnes, et cette culture ancienne contribue à l’impression d’une proximité culturelle avec les pays scandinaves.

Plus que la culture nordique contemporaine, c’est le vieux Nord qui est ici source de fascination. À la dichotomie exotisme/proximité se superpose donc une autre : ancien et moderne. Plusieurs auteurs norvégiens, comme Ibsen, Jonas Lie et Bjørnstjerne Bjørnson, étaient parmi les figures principales de la Percée Moderne, mouvement lancé par le Danois Georg Brandes qui souhaitait que la littérature « soumette des problèmes au débat » 15 . À la fin du XIXe siècle, Oslo devint le lieu de nouveaux courants artistiques radicaux, représentés notamment par Christian Krohg et Hans Jæger. La Norvège posait ainsi un problème de représentation, par exemple lors des expositions internationales :

This dilemma is evident in the presentation of Norway at the great international exhibitions of the late nineteenth and early twentieth centuries: whether to portray the picturesque Norway that the foreign public expected or to show Norway as a modern, progressive nation. 16

Egerton se situe aussi entre ces images paradoxales de la Norvège. L’attraction de la nature norvégienne joue un grand rôle dans ses textes, mais le Nord est également pour elle le lieu d’une modernité littéraire radicale. Sa maîtrise du norvégien lui permettait de bénéficier d’un contact direct avec la littérature contemporaine des pays nordiques, et ses lettres font plusieurs liens entre culture scandinave et modernité. Commentant l’interdiction d’un des volumes de l’autobiographie de Sean O’Casey, elle lie rétrospectivement sa propre modernité à ses expériences scandinaves :

« I had all this son of the soil literature fifty years ago in Scandinavia. Holbrook Jackson says I was the first person to mention Nietzsche in print in England » 17 .

Elle cite également l’influence de Nietzsche sur Ola Hansson 18 , et suggère avoir découvert, du moins en partie, les idées du philosophe allemand par l’intermédiaire de textes scandinaves. L’éditeur Thomas P. Gill attribue l’aspect sexuellement explicite de ses nouvelles à une supposée influence scandinave qu’il lui conseille de mettre de côté, « aussi scandinaves que soient vos idées » 19 .

Les deux textes scandinaves qu’elle a traduits ont justement heurté les sensibilités de certains critiques. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le projet de collection moderne nordique auquel elle a participé avec l’éditeur John Lane est resté inachevé 20 . Il devait notamment concourir avec les projets parallèles d’Edmund Gosse et sa volonté de conserver un Nord teinté de primitivisme, gardant un aspect provincial 21 . Bien que la nature joue un rôle important dans sa représentation de la Norvège, c’est également le caractère novateur de la littérature nordique qui attire l’attention d’Egerton.

Dans l’introduction à sa traduction de Hansson, Egerton souligne la position de celui-ci à l’avant-garde de la littérature moderne nordique en le décrivant comme « la figure la plus jeune et la plus marquante parmi les écrivains scandinaves » 22 . Elle rend également hommage à sa connexion au paysage :  

« the ever-varying delicate nuances of the seasons, the shifting lights, the wayward moods peculiar to each time of the year, all find echo in his impressionable soul » 23 .

Egerton associe paysages et psychologie, et la spécificité du paysage nordique, comme élément esthétique et comme reflet de la psychologie de ses personnages, joue un rôle important dans ses propres écrits. Elle note également que Hansson traite de la « terra incognita » de la psychologie humaine 24 , expression qu’elle reprendra plus tard pour décrire sa propre démarche d’écriture sur l’expérience féminine.

Egerton met l’aspect psychologique de l’écriture en avant dans sa présentation de Hamsun pour montrer au lectorat britannique le caractère novateur du texte nordique qu’elle leur faire découvrir. Dans la même optique, les nouvelles font souvent référence aux auteurs scandinaves connus, comme Strindberg et Bjørnson 25 . « Now Spring Has Come » est centré sur les rencontres entre la narratrice et un auteur norvégien, en écho à sa rencontre avec Hamsun. La protagoniste est découragée par un libraire d’acheter un livre scandinave, au motif que celui-ci appartient à « l’école moderne réaliste », et qu’il s’agit d’un « tendenz roman » 26 . Littérature scandinave veut donc dire littérature moderne, mais dont la qualité est disputée par le personnage du libraire qui semble anticiper, dans sa réaction, la réception conservatrice de la littérature nordique, et rappelle les refus éditoriaux subis par Egerton. Ce roman (fictif) relate « l’aspiration affamée, toute la lutte tragique de l’âme d’un homme » 27 , ce qui semble l’identifier comme La Faim de Hamsun. Egerton opère une sorte de glissement entre le réalisme social d’un Ibsen et d’un Hamsun, qui appartenait plutôt à un courant symboliste. La suite de la nouvelle dépeint le voyage en Norvège de la protagoniste pour rencontrer l’auteur du roman, reflétant donc l’expérience de l’auteure avec Hamsun, qui sert de modèle d’auteur scandinave particulièrement innovant, ainsi que d’influence stylistique.

Le traitement de la littérature nordique contemporaine par Egerton met en relief sa vision de médiation : il s’agit non seulement de faire connaître une culture plus ou moins connue ou imaginée mais aussi d’importer des esthétiques et des visions sociales nouvelles. C’est à partir de cet usage de la littérature nordique qu’elle établit son programme propre : la médiation de l’expérience féminine à travers le paysage norvégien.

Médiation impressionniste : subjectivité féminine et sorcellerie du paysage

La lecture du roman fictif dans « Now Spring Has Come » fait surgir des images de la « délicatesse lumineuse des nuits d’été norvégiennes », et la narratrice imagine que les mots laissent leur empreinte à la fois dans le ciel et dans son esprit :

I saw them written across the blue of the sky, in the sun streaks on the pavement, and the luminous delicacy of the Norwegian summer nights; they were impressed on my brain in vivid color, glowing, blushing with ardor as they were. 28  

La voix narrative introduit une rencontre subjective avec le texte de Hamsun, dont la richesse contredit l’avertissement du libraire. Cette rencontre est traduite en impression sensorielle, produisant une sorte de « tiers pictural » selon l’expression de Liliane Louvel : « le moment entre-deux quand le texte tend vers l’image quand l’image file vers le texte » 29 .

Les nouvelles d’Egerton furent pour la plupart publiées à l’origine dans la revue The Yellow Book, creuset de la modernité littéraire en Grande Bretagne, et dont l’éditeur Henry Harland avait défini le genre comme étant un travail sur l’impression 30 . Celles portant sur la Norvège présentent les impressions visuelles des paysages à travers des tableaux sensoriels, souvent fragmentés, renforçant sa focalisation sur l’intériorité de ses protagonistes féminins. L’air et la lumière sont décrits comme uniques dans le Nord (« la lumière pourpre qui n’habille que les hauteurs du Nord », « le lumineux crépuscule du Nord ») 31 . Les paysages jouent un rôle clé, et ils sont dépeints avec les codes du sublime, tout en agissant comme « miroir » de la subjectivité féminine 32 .

Les titres des recueils faisant référence à la musique, ainsi que la puissance sensorielle de l’écriture, soulignent l’importance de l’intermédialité dans cette construction esthétique des textes comme reflet de l’expérience féminine. Le concept de médiation impressionniste développée par Jesse Matz permet de faire ressortir les procédés esthétiques et métatextuels qu’Egerton emploie dans ses nouvelles. Selon Matz, l’impression a pour fonction d’établir une « continuité entre l’esprit littéraire et le corps sensoriel » 33 . L’impression est une « métaphore dynamique de la perception » 34 , qui permet la médiation entre le sensoriel et l’intellectuel, entre le subjectif et l’universel. Dans « l’impressionnisme phénoménologique » de Woolf, par exemple, l’esthétique est en accord avec sa pensée féministe car « Woolf thématise ce à quoi l’impressionnisme et le féminisme aspirent tous deux : une perceptivité totale » 35 .

Matz compare la « perspective marginale » que Woolf adopte, notamment dans l’essai « Mr Bennett and Mrs Brown » pour imaginer le point de vue d’une femme de la classe ouvrière, avec la recherche d’« objectivité forte » du féminisme du point de vue de Sandra Harding. On trouve également ce passage du particulier à l’universel chez Egerton, dont les personnages féminins représentés en Norvège sont soit des expatriées, soit des Norvégiennes de la classe ouvrière (et dont les protagonistes sont rarement nommés, ou sont simplement désignées « Fruen » : Madame/la dame), aboutissant à une conception de l’impression littéraire comme recherche de perceptivité totale à partir de la subjectivité marginale.

L’arrivée en Norvège dans « Now Spring Has Come » est accompagnée d’une série d’images en mouvement lorsque le bateau longe la côte. La protagoniste observe des scènes bucoliques : « a lovely deep-blue fjord, winding to our right as we passed, with the spire of a church just visible among the fir-trees round the bend » 36 . Le fjord et les sapins forment un tableau d’éléments classiques du paysage nordique, et la protagoniste attribue une innocence rurale aux personnes qui peuplent ces scènes : « des braves gens dans leur livrée du dimanche » 37 . Egerton reprend ici des tropes courants du paysage nordique, souvent associés à l’idée de société « naturelle » et « primitive » notée par Peter Fjågesund et Ruth Symes 38 .

Cependant, le paysage produit aussi des impressions d’une qualité plus mystique, qui font écho à la sorcellerie (« witchery ») 39 attibuée à la Norvège dans « The Spell of the White Elf ». Les éléments du paysage fusionnent de manière impressionniste, et c’est la combinaison de l’image des « braves gens » et de la « la magie du soleil et du ciel, des montagnes et du fjord », plutôt que la religion conventionnelle qui donne l’impression à la narratrice qu’elle aussi est une pratiquante (« churchgoing » 40 ).

Au moment du deuxième voyage dans le Nord, où la relation entre les deux protagonistes se termine, la spécificité du climat est évoquée pour son effet émotionnel. Cherchant les raisons de l’affaiblissement de leur attirance réciproque, la narratrice, dans un commentaire presque touristique, explique les effets du changement de température : « Spring is later up there; perhaps some of the winter’s frost was still in the atmosphere, for something froze it on my lips » 41 . Un effet de synesthésie est également attribué à cette atmosphère particulière ; la narratrice est « très sensible aux impressions », et « Il me semblait que je voyais par les sentiments autant que par les yeux » 42 .

On voit dans cette impression d’hypersensibilité le lien avec La Faim, où les difficultés du protagoniste provoquent une impression de nervosité, rendue avec une grande attention aux sensations physiques et émotionnelles dans le texte de Hamsun, et dans la traduction d’Egerton :

« The Lord stuck His finger in the net of my nerves gently—yea, verily, in desultory fashion—and brought slight disorder among the threads » 43

Dans « Now Spring Has Come », c’est également en référence aux nerfs que la protagoniste souligne l’impression de perception aigüe :

« felt as if my nerve net was outside my skin… and that exposure to the air and surrounding influences made it intensely, acutely sensitive » 44 .

De même, après la mort de son mari, la protagoniste de « Under Northern Sky » engourdie (« numbed ») par l’émotion, voit ses capacités sensorielles décuplées :  « eyes and ears, and above all sense of smell, are busy receiving impressions and storing them up ». Elle est à la fois envahie par les souvenirs du mari mourant (« the look in his eyes, press of his fingers ») et par les images de son environnement naturel immédiat : « the strips of blue fjord… the misty blue of the distant mountains, misty with the purple light that only clothes the northern heights » 45 . Le texte est fragmenté, formant une simple liste d’images déconnectées, et ôtant même certains articles, comme dans le premier exemple. L’impression visuelle est liée à la spécificité de la lumière nordique, rappelant l’exotisme du cadre. Dans « Now Spring Has Come », la lumière renforce l’aspect mystique de la présentation du pays, inspirant un tableau saturé de sensations :

It was getting dusk, the luminous dusk of the north, as if a soft transparent purple veil is being dropped gently over the world. The fjord was full of lights from the different crafts at anchor, and the heaven full of stars; and the longer one looked up there, the more one saw myriads of flimmering eyes of light, until one’s brain seemed full of their brightness, and one forgot one’s body in gazing. Long silvery streaks glistened through the heaving water like the flash of feeding trout, and lads and lassies in boats rowed to and fro, and human vibration seemed to thrill from them, filling the atmosphere with man and woman. And the silken air caressed my face as the touch of cool, soft fingers 46 .

La description met l’accent sur le sensoriel, et les sensations physiques induites par le climat ont un effet sur la perception de la narratrice, rappelant l’impressionnisme phénoménologique développé par Matz. Le soir, le fjord produit des images mouvantes intensément physiques, voire sexuelles. Le point de vue fluctue entre le subjectif (« my face ») et l’universel (« one’s body »), où les sensations évoquées placent le lecteur dans le corps féminin. La protagoniste est à la fois en connexion avec la « vibration humaine » générale produite par les jeunes pêcheurs, et perdue dans la contemplation (« lost in gazing »), comme déconnectée de sa réalité physique. Des impressions fugitives du style de vie rural émergent à nouveau comme un aspect clé de la Norvège d’Egerton, tout en suggérant une conscience plus profonde des possibilités d’indépendance et de liberté sexuelle. Nathalie Saudo-Welby explique qu’« [e]n présentant la sensibilité sexuelle des femmes comme une force dominante, tout en faisant usage d’une esthétique réaliste, elle fut accusée d’avoir grossièrement défiguré la réalité. » 47 C’est justement à partir de l’aspect ekphrastique des textes d’Egerton que T.P. Gill l’accuse d’une franchise sexuelle excessive, suggérant que la littérature n’a pas la même liberté que la peinture : « the writer is not so free to deal pictorially with the nude as is the painter » 48 .

Tout en partant des images attendues de la Norvège pour les lecteurs victoriens, les textes d’Egerton en font un élément de leur médiation impressionniste. Les passages synesthésiques présentent les visions subjectives des focalisatrices, fournissant une forme de « perceptivité totale » où paysage littéral et paysage psychique se mêlent, et où la perceptivité désigne à la fois l’évocation riche d’impressions sensorielles et la mise à nu de l’expérience individuelle féminine. Malgré son refus de l’engagement des auteures New Woman, la « terra incognita » qu’elle propose joue avec une association entre féminité et altérité : les descriptions confrontent le lecteur à la subjectivité féminine, et présentent les paysages sublimes à la fois comme reflet et comme cadre idéal d’une identité féminine indomptable et parfois subversive. En se concentrant sur les impressions subjectives des paysages sauvages, les nouvelles font du rapport entre regard féminin et paysage nordique la base de leur construction formelle, se rapprochant du « boréalisme », comme le définit Sylvain Briens :

[…] le boréalisme invite à dessiner un atlas dans lequel chaque carte esquisserait de nouvelles frontières, définirait de nouveaux territoires, représenterait de nouvelles topographies, construirait de nouvelles adjacences et relations de voisinages, réelles ou imaginaires. Cet atlas donnerait à lire la cartographie d’un espace sensible inspiré de l’expérience d’un « Nord » et produit par la médiation de celui qui l’éprouve, le pense ou le rêve. 49

 « My sinners laugh and sing » : sorcellerie et autonomie féminine

Une qualité mystique ou magique est attribuée au paysage norvégien, et les personnages féminins sont présentés comme ayant une connexion particulière avec cette nature. Il s’agit à la fois d’une magie associée au Nord comme lieu de possibilités 50 , et d’une représentation de la femme comme proche de la nature, ayant la même qualité « indomptée » 51 , imprenable, voire dangereuse pour l’homme. En plus des références à la sorcellerie du paysage, Egerton déploie dans ses récits tout l’appareil des représentations de la magie, notamment des références à la lune ou à la divination.

Les nouvelles oscillent entre focalisateurs féminins et masculins, et le point de vue passe de l’œil féminin qui génère des ekphraseis avec des touches de sublime, aux réflexions intriguées d’observateurs masculins. « Under Northern Sky » présente plusieurs associations entre expérience féminine et magie. Au travers des trois chapitres Egerton met en scène des moments de la vie d’un couple, où la violence et l’alcoolisme de l’homme ont nui à la vie de sa femme. La narration présente parfois le point de vue de son mari, qui lui attribue un aspect mystérieux. Dans la deuxième partie, « A Shadow’s Slant », le lien avec une nature dangereuse est établi par des images d’oiseau de proie :

 « …a hawk soars up with its prey in its claws.
The red-brown eyes that gleam out of the small, sallow face of the woman who sits on the left side of the phaeton close for a second… » 52

Cet enchaînement assimile la femme au faucon, mais aussi à sa proie. L’imagerie animale souligne aussi sa soumission, établissant un lien entre les chiens et les chevaux poussés par le fouet (« they have felt the whip-cord sting »), et la protagoniste blessée par un coup de fouet intempestif du mari (« leaves a sorry sting »). Celui-ci exprime également sa volonté de domination par une image animale, menaçant la protagoniste de la « lécher comme un chien » 53 . Le sourire de la femme est cependant illisible pour lui (« a smile subtle in meaning ») et il observe, presque avec crainte, ses yeux qui semblent changer de couleur : « the eyes are darker, the pupils have a trick of dilating » 54 . Dans le premier chapitre, « How Marie Larsen exorcised a demon », c’est lui qui est dominé, maîtrisé par une servante alors qu’il est ivre et enragé ; ici il est aussi question du regard mystérieux de la servante, dont le pouvoir devient quasi-hypnotique (« green grey eyes », « sly elusive gleam »).

Quelques moments visuels rappellent le danger que son malheur fait courir à la protagoniste, puisqu’elle semble considérer le suicide :

On the right of the narrow, winding road a great lake lies hundreds of feet below […] her small hands clinch, and her lips part, and the red light flashes in her eyes, and something akin to exultant expectation steals over the thin small face as they court death each wheel-turn in their mad career 55 .

Le paysage sublime est ici un lieu dangereux dont le reflet se trouve dans la réaction imprévisible de la femme ; le regard presque fétichiste de l’homme (« the eyes that scan her face have a lurid light in them ») ne peut pas la dominer, ni comprendre son état intérieur. Il lui confère donc des caractéristiques magiques : « you witch! with eyes that probe into a fellow’s soul and shame him and fear nothing » 56 . Les mêmes réactions physiques sont décrites dans une scène où le couple regarde une danse tzigane, mais ici elles établissent un lien entre la danseuse et la protagoniste :

« What parts her lips and causes her eyes to glisten and the thin nostrils to quiver? Is there aught in common between that slight figure, with its jewelled hands and its too heavy silken gown, and those tattered healthy Zingari vagabonds? Who knows? » 57 .

Le regard indique un danger potentiel, impossible à comprendre ou à dominer pour le focalisateur masculin. Mais il permet aussi de rapprocher les deux figures féminines, malgré la différence de statut social que la narration souligne, car leurs regards se croisent (« eye seeks eye »), associant la protagoniste à la danse, décrite comme « sauvage, indomptée, naturelle », qualité attribuée aux femmes que l’on retrouve dans « A Keynote to Keynotes » 58 .

Les images de sorcières apparaissent dans toute la production d’Egerton, mais semblent prendre une importance particulière dans leurs liens avec la spécificité du paysage norvégien. Le paysage est associé à la reine des neiges dans « A Shadow’s Slant » :  « A strip of blue fjord and a background of dark mountains, with the cool ice-kisses of the snow-queen still resting on their dusky heads… » 59 . Dans « The Regeneration of Two » cette figure prend une place centrale dans la représentation de la protagoniste comme du paysage. La nouvelle contient une référence directe à Hans Christian Andersen, ainsi que de nombreuses descriptions de paysages hivernaux. Les « nombreuses nuances dans la blancheur du monde » 60 deviennent le reflet chromatique de la protagoniste vue par l’homme, dans des tons d’argent (« silver witch ») et de blanc, sa « [robe] de laine blanche montr[ant] sa gorge blanche et forte » 61 . Cette nouvelle présente une vision plus optimiste du couple, car la protagoniste développe une indépendance qui lui permet de fonder une communauté féminine accueillant « les égarées » et défendant « la cause de toutes les femmes, sans références au caractère ni exhortations à la repentance » 62 . L’image de sorcière la présente comme une force puissante dans ce projet social, mais aussi face à la nature sublime, notamment dans un passage où elle traverse le paysage enneigé pour sauver l’homme perdu :

She drives as in a wild dream through an enchanted world, such as one has read of in fairy tales […] The snow glistens as if tonnes of diamond dust had been scattered over it, and the moon shines full on the sea to the left, then the road swerves to the right, and winds through the wood 63 .

Délirant, il lui demande si elle est la reine des neiges 64 . Elle est littéralement en harmonie avec ce paysage car « les cloches sonnent joyeusement » malgré la nature urgente de son voyage. Tout en aidant l’homme elle apparaît fugitivement comme « une ombre pourpre dans l’obscurité » 65 . La narration renverse partiellement le récit d’Andersen, car ici, plutôt que de le prendre en otage, la femme ramène l’homme à la sécurité ; la sorcière n’est plus une antagoniste dans la version d’Egerton, mais son indépendance garde toutefois une suggestion de danger : « the silver witch of a while ago becomes the embodiment of the social force that crushes him » 66 .

Le conte d’Andersen est aussi l’histoire de collaborations entre femmes : c’est la jeune fille Gerda qui assume la quête de sauver son ami Kai de la reine des neiges, avec l’aide de nombreux personnages féminins sur le chemin, d’une princesse à une « femme qui savait faire des enchantements » 67 . En associant ce texte à sa protagoniste et à son projet social, la nouvelle d’Egerton fait du paysage nordique mythifié un lieu d’accomplissement féminin.

La protagoniste semble ainsi devenir un symbole de la New Woman dont Egerton elle-même se distanciait. Défendant son projet auprès du pasteur local, elle le présente comme une alternative à la religion : « your church has been closed since Sunday… mine is open every day and all day, and my sinners laugh and sing… » . Elle souligne l’« esprit indompté » des femmes, utilisant de nouveau cet adjectif, ainsi que l’effet nocif des codes moraux et religieux :  « most churches and all social law have tended to cheapen women » 68 . C’est aussi dans le cadre de ce rejet de la moralité conventionelle que le texte fait référence à Nietzsche, la protagoniste souhaitant promouvoir « une Umwerthung aller Werthe féminine, une nouvelle norme de la valeur de la femme » 69 . Jusova voit dans les images de sorcières chez Egerton une émancipation de la moralité victorienne associée aux éléments tirés d’une relecture féministe de Nietzsche : « her characters’ freedom from feelings of guilt or remorse, their confidence in their own bodies, their nihilism and disapproval of organised religion, and their rejection of social control over women’s sexuality » 70 .

L’esthétique sensorielle est liée à la « réaffirmation des corps, des sens et des instincts » 71 venant de ses lectures de Nietzsche, mais elle peut aussi bien établir une impression de communauté qu’une ambiance érotique :

« And the rhythmical tread of the women’s feet, and the whirr of the wheels, mingled with the wooden beat of the weaving machine, and the twitter of the birds through the open windows from the wood at the back. » 72

Cette scène rappelle les images du fjord le soir dans « Now Spring Has Come », les sensations et les individus devenant un tout. Ici c’est moins le potentiel érotique qui est évoqué, que l’harmonie – sonore – de l’effort collectif, et de la connexion avec la nature, soulignant l’aspect utopique de la Norvège dans « The Regeneration of Two ».

En présentant ce Nord féérique comme lieu de progrès social 73 , Egerton propose une vision de l’indépendance féminine à partir de la figure traditionnellement antagoniste de la sorcière. Selon Ronald Hutton, ses textes représentent une transition dans les représentations de la sorcière, plus souvent positives dans des textes du XXe siècle 74 . Avec leur rejet de la religion organisée et leur promotion de cette figure associée à la transgression, ses textes semblent justement préparer l’idée de Karen Blixen sur les sorcières comme symbole intemporel de l’indépendance féminine : « Mais il y avait une femme qui, bien avant que l’on parle de ‘l’émancipation des femmes’, existait indépendamment de l’homme, et avait son centre de gravité en elle-même. C’était la sorcière. » 75

George Egerton propose plusieurs formes de médiation dans ses textes : l’introduction de la littérature nordique au lectorat britannique, mais aussi la médiation ekphrastique du paysage nordique, et l’objectivation de sensations subjectives transmises par les impressions de ses personnages. Egerton participe à la définition d’une conception de la sorcière comme femme libre, ainsi qu’à la diffusion de nouveaux courants littéraires cosmopolites. La figure de la sorcière réunit la modernité esthétique et sociale des textes avec l’idée d’un rapport féminin à la nature. Le Nord devient un lieu de dépassement social, géographique et esthétique, où cosmopolitisme et sublime se rejoignent dans une sorte de « boréalisme » au féminin : « Le « Nord » se révélerait finalement comme le territoire d’une quête spirituelle, d’une recherche de transcendance ou d’absolu. » 76 L’évocation d’un rapport subjectif au paysage sublime reflète la recherche de transcendance qu’Egerton représente chez ses personnages féminins, qui sont, dans leur volonté d’aller au-delà des limites, « indomptés » comme la nature norvégienne qui les entoure.

Notes    (↵ returns to text)

  1. George Egerton est le pseudonyme de Mary Chavelita Dunne Bright, née en Australie d’un père irlandais et d’une mère galloise.
  2. En 1839 George Stephens traduit Heimskringla, puis George Webbe Dasent l’Edda (1842), Njals Saga (1861) et Gisla Saga (1866). William Morris traduit des extraits de la Volsunga Saga (1876), incorpore des éléments inspirés des sagas dans The House of the Wolfings (1889). H. Rider Haggard invente une histoire de Vikings dans Eric Brighteyes (1890), comme R. M. Ballantyne dans Erling the Bold (1869).
  3. Notamment William and Mary Howitt, The Literature and Romance of Northern Europe: A Complete History of the Literature of Sweden, Denmark, Norway and Iceland, London, Colborn and co., 1852; Frederick Metcalfe, The Englishman and the Scandinavian, Or A Comparison of Anglo-Saxon and Old Norse Literature, London, Trübner & co., 1880.
  4. Voir l’étude de Kathryn Walchester à ce sujet : Gamle Norge and Nineteenth-Century British Women Travellers in Norway, London, Anthem, 2014.
  5. Tina O’Toole, « Keynotes from Millstreet, Co. Cork: George Egerton’s Transgressive Fictions », Colby Quarterly 36/ 2, Juin 2000, p. 155.
  6. Voir Nathalie Saudo-Welby, « Les extravagances de George Egerton », Le Courage de déplaire. Le roman féministe à la fin de l’ère victorienne, Paris, Classiques Garnier, 2019, p. 304-318.
  7. Toutes les traductions sont les miennes sauf indication contraire. « embarrassed at the outset by the term ». George Egerton, Letter to Ernst Foerster, London 1 July 1900, in Ann Heilmann, The Late-Victorian Marriage Question: A Collection of Key New Woman Texts, Volume 1, London: Routledge, 2000, p. 152.
  8. «I had, contrary to opinion, no propaganda in view — no emancipation theory to propound, no equality idea to illumine ». Ibid.
  9. George Egerton, « A Keynote to Keynotes », in John Gawsworth, Ten Contemporaries: notes towards their definitive bibliography, London, Ernest Benn, 1932, p. 58.
  10. Nathalie Saudo-Welby, op. cit. p. 306.
  11. George Egerton, Keynotes, New York, Roberts Brothers, 1894, p. 83.
  12. « Every one who is anybody ». George Egerton, Discords, Boston, Roberts Brothers, 1894, p. 185.
  13. Anka Ryall décrit ceci comme un « parallèle conventionnel », en s’appuyant notamment sur Norway, and the Norwegians (1840) de Robert Gordon Latham.
  14. « what is manly and vigorous in the British Constitution »/» Norse blood». Ballantyne, Robert Michael, Erling the Bold: A Tale of the Norse Sea-Kings, Philadelphia, Lippincott, 1871, p. 437.
  15. « sætter Problemer under Debat », Georg Brandes, Hovedstrømninger i det 19. Aarhundredes Litteratur, Emigrantlitteraturen, Copenhague, Gyldendal, 1877, p. 17.
  16. H. Arnold Barton, op. cit., p. 34.
  17. Lettre à Terence de Vere White, May 19 1939, dans George Egerton, Terence de Vere White (ed) A Leaf From the Yellow Book: The Correspondence of George Egerton, London, The Richards Press, 1958, p. 166.
  18. George Egerton, « Introductory Note », Ola Hansson (tr. George Egerton), Young Ofeg’s Ditties, London, John Lane, 1895, p. 5.
  19. « however Scandinavian your ideas may be ». Ibid., Lettre de T.P. Gill, p. 23.
  20. Voir Stefano Evangelista, Literary Cosmopolitanism in the English Fin de Siècle: Citizens of Nowhere, Oxford University Press, 2021, p. 137-147.
  21. Ibid., p. 153.
  22. « the youngest and most striking personality among the Scandinavian writers », George Egerton, « Introductory Note », op. cit, p. 6.
  23. Ibid., p. 9. 
  24. Ibid., p. 10.
  25. Notamment Ibsen et Strindberg dans « Now Spring Has Come » and « A Cross Line ».
  26. « the modern realistic school ».  George Egerton, Keynotes, cit., p. 47.
  27. « the hungry yearning, all the tragedy of a man’s soul-strife ». Ibid.
  28. George Egerton, Keynotes, cit., p. 47.
  29. Liliane Louvel, Chapitre V. Le tiers pictural, le corps en retour, Le tiers pictural: Pour une critique intermédiale [en ligne]. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 (consulté 24 septembre 2022), <http://books.openedition.org/pur/41014>.
  30. Henry Harland, « Concerning the Short Story », Academy, 5 June 1897, p. 6-7, cité dans Kate Krueger, British Women Writers and the Short Story, 1850-1930: Reclaiming Social Space, Basingstoke (GB), Palgrave Macmillan, 2014, p. 109.
  31. « the purple light which only clothes the Northern heights », « the luminous dusk of the North » George Egerton, Keynotes, cit., p. 82 ; p. 57.
  32. Stefano Evangelista, op. cit., p. 123.
  33. Jesse Matz, Literary Impressionism and Modernist Aesthetics, Cambridge University Press, 2001, p.138.
  34. Ibid. p. 50.
  35. Ibid. p. 201.
  36. George Egerton, Keynotes., cit. p. 52.
  37. « honest simple folk in their Sunday bravery » Ibid. p. 51.
  38. Peter Fjågesund and Ruth Symes, The Northern Utopia: British Perceptions of Norway in the Nineteenth Century, Amsterdam, Rodopi, 2003, p. 111, p. 161.
  39. George Egerton, Keynotes., cit. p. 81.
  40. « The magic of sun and sky, mountain and fjord ». Ibid., p. 52.
  41. Ibid., p. 66.
  42. keenly alive to impressions »/» I seemed to see with my sense of feeling as well as my sight ». Idem.
  43. Knut Hamsun (tr. George Egerton), Hunger, New York, Alfred A. Knopf, 1920, p. 24.
  44. George Egerton, Keynotes., cit. p. 66.
  45. Ibid., p. 182.
  46. Ibid., p. 57.
  47. Nathalie Saudo-Welby, op. cit. p. 309.
  48. Terence De Vere White, op. cit., p. 25.
  49. Briens, Sylvain, « Boréalisme. Pour un atlas sensible du Nord », Études Germaniques, vol. 290, no. 2, 2018 p. 171.
  50. Martha Vicinus, «’Rediscovering the “New Woman” of the 1890s: The Stories of “George Egerton”‘», Feminist Re-Visions: What has been and might be, dir. Vivian Patraka, Louise A; Tilly, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1983, p. 16.
  51. « Woman was the ever-untamed, unchanging… », George Egerton, « A Keynote to Keynotes », dans John Gawsworth, Ten Contemporaries : notes towards their definitive bibliography, Joiner and Steele, 1932, p. 58.
  52. George Egerton, Keynotes., cit. p. 149.
  53. « I’d lick you like a dog ». Ibid., p. 152.
  54. Ibid., p. 149.
  55. Ibid., p. 150.
  56. Ibid., p. 152.
  57. Ibid., p. 155.
  58. wild, untamed, natural ». Ibid.
  59. Ibid., p. 148.
  60. « many shades in the whiteness of the world ». George Egerton, Discords, cit., p. 217.
  61. « Her white woollen [gown] shows her strong white throat ». Ibid., p. 251.
  62. « waifs and strays » / « the cause of all women, without reference to character or exhortations to repentance ». Ibid., p. 205.
  63. Ibid., p. 233.
  64. Ibid. p. 239.
  65. « bells jingle merrily »/ « a crimson shadow through the gloom ». Ibid., p. 236.
  66. Ibid., p. 251.
  67. Hans Christian Andersen (tr. Ernest Grégoire et Louis Moland), La Reine des Neiges, Paris, Garnier, 1873, p. 226.
  68. « untamed spirit ». George Egerton, Discords, cit., p. 251.
  69. « a feminine Umwerthung aller Werthe, a new standard of woman’s worth ». Ibid., p. 255.
  70. Iveta Jusova, The New Woman and Empire, Columbus, The Ohio State University Press, 2005, p. 55.
  71. Ibid., p. 53.
  72. George Egerton, Discords, cit., p. 220.
  73. Voir également le travail de Kathryn Walchester à ce sujet. Walchester, ibid. p. 163-169.
  74. Ronald Hutton, « Witches and Cunning Folk in British Literature 1800–1940 », Preternature: Critical and Historical Studies on the Preternatural 7/1 (2018), p. 27-49.
  75. « Men der var en Kvinde, som længe inden Ordet ‘Kvindeemancipation’ blev brugt, eksisterede uafhængigt af Manden og havde sit Tyngdepunkt i sig selv. Det var Heksen. » Karen Blixen, Daguerreotypier, Copenhague, Gyldendal, 1951, p. 31.
  76. Briens, op. cit., p. 158.

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Auteur

Claire McKeown est maître de conférences en anglais à l’Université de Lorraine (Nancy) et membre du laboratoire IDEA (Interdisciplinarité dans les études anglophones). Ses recherches portent sur la littérature de la fin du XIXe siècle, et notamment sur l’intermédialité et les transferts culturels anglo-scandinaves.

Claire McKeown is a lecturer in English at the University of Lorraine (Nancy) and a member of the research group IDEA (Interdisciplinary in English Studies). Her research is in late nineteenth-century literature with a focus on intermediality and Anglo-Scandinavian cultural transfers.

Pour citer cet article

Claire McKeown, « A wild dream through an enchanted world » : magie et médiation du Nord dans les nouvelles de George Egerton, ©2023 Quaderna, mis en ligne le 31 octobre 2023, url permanente : https://quaderna.org/6/a-wild-dream-through-an-enchanted-world-magie-et-mediation-du-nord-dans-les-nouvelles-de-george-egerton/

« A wild dream through an enchanted world » : magie et médiation du Nord dans les nouvelles de George Egerton
Claire McKeown

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