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# 03 L'art de la discipline : disciples, disciplinarité, transdisciplinarité

Les réformateurs anglais et l’Irlande dans la seconde moitié du XVIIème siècle

Les traités économiques de William Petty, Richard Lawrence et William Temple

Abstract

Cet article porte sur les perceptions anglaises de l’Irlande et de sa relation à l’Angleterre à l’époque de la Restauration. À travers les écrits de trois réformateurs anglais, nous examinons les ressorts et les ambiguïtés du discours économique sur l’ « improvement », visant à promouvoir la paix et la prospérité en Irlande. Alors qu’émerge, dans le sillage de la révolution scientifique, une approche quantitative des faits économiques, ce discours demeure tributaire des représentations et des préjugés propres à la communauté anglo-irlandaise, et constitue l’un des modes de légitimation de sa présence et de son action sur le territoire irlandais.

Résumé

This article is about English perceptions of Ireland in the Restoration period. Through the writings of three English reformers, we examine the underlying assumptions and ambiguities of the economic discourse on “improvement”, aimed at promoting peace and prosperity in Ireland. While a new emphasis was placed on the quantitative approach to economic questions, in the wake of the scientific revolution, the reformist discourse remained anchored in the long-established representations and prejudices of the Anglo-Irish community, and appears as a means to legitimize its presence and action on the island.

Texte intégral

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La seconde moitié du XVIIème siècle vit naître dans les îles Britanniques les prémices d’une nouvelle science que l’on n’appelait pas encore « économie politique ». Dans le sillage de la Révolution scientifique émergeait une nouvelle approche des faits économiques et sociaux, sous-tendue par l’essor de la statistique. Celle-ci s’inscrivait dans le droit fil de l’entreprise de refondation du savoir lancée par Francis Bacon quelques décennies plus tôt. Dans le Novum Organum (1620), il soutenait en effet que le champ d’application de sa méthode empirique d’investigation scientifique, fondée sur l’observation des phénomènes, ne se limitait pas aux sciences de la nature, mais embrassait tous les domaines de la connaissance, dont celui du politique 1 . Le rôle de Samuel Hartlib (1600-1662) et de son cercle dans la diffusion des principes baconiens en Angleterre et en Irlande au cours de l’Interrègne a été mis en évidence 2 . Grande figure du courant réformateur 3 dans les années 1650, il exerça une influence majeure sur William Petty (1623-1687), fondateur de l’« arithmétique politique », ancêtre de la science économique et de la démographie, que son disciple Charles Davenant définissait en 1698 comme « l’art de raisonner avec des chiffres sur les objets relatifs au gouvernement » 4 . A l’instar des sciences physiques et naturelles, le discours économique adoptait désormais le langage mathématique. La description quantitative des phénomènes économiques et la compréhension de leurs mécanismes offraient de nouveaux outils aux tenants des réformes sociales. L’Irlande de la seconde moitié du XVIIème siècle allait devenir, dans la pensée économique anglaise, un véritable laboratoire d’expérimentation sociale 5 . On vit alors fleurir traités et pamphlets économiques proposant des remèdes aux maux endémiques de l’Irlande : retard économique, sous-emploi et pauvreté de la population. Le développement du pays n’était toutefois que l’un des volets d’une entreprise plus vaste visant à transformer l’Irlande en une nation « civilisée » sur le modèle de l’Angleterre – entreprise d’acculturation, voire d’assimilation du peuple irlandais tout entier 6 .

L’objet de cet article est d’examiner les ressorts du discours économique et social sur l’Irlande et d’en éclairer les ambiguïtés, à travers les écrits de William Petty, Richard Lawrence et William Temple. Anglais établis en Irlande, où ils ont occupé des fonctions officielles, ils ont acquis une bonne connaissance du terrain. Pour l’historien, leurs ouvrages constituent des sources précieuses sur les structures économiques et sociales du pays. Ils reflètent aussi une certaine vision de l’Irlande, territoire conquis qu’il s’agit avant tout, pour ces Anglais, de faire fructifier au profit de la Couronne. Ils s’interrogent sur les causes du retard économique irlandais et tentent de promouvoir une série de réformes destinées à transformer le territoire et sa population 7 . On verra comment, en dépit de ses prétentions à une certaine neutralité idéologique, le discours sur l’« improvement », notion-clé de la pensée réformatrice du XVIIème siècle, exprime les aspirations et les préjugés de la classe dominante anglo-irlandaise, et participe de la construction identitaire d’une communauté protestante encore incertaine de son statut, voire de sa sécurité, sur le territoire irlandais.

 

Reconquête cromwellienne et expropriations

 

L’Irlande occupe une place centrale dans l’émergence de la statistique et de la démographie. Plusieurs des tenants de la science nouvelle, proches du Commonwealth, mirent leur talent et leur énergie au service de la reconquête cromwellienne de l’Irlande, menée par la New Model Army entre 1649 et 1653, et du vaste projet de recensement et de redistribution des terres qui en était le corollaire. Outre les massacres perpétrés par les soldats du Commonwealth, notamment lors des sacs de Drogheda et de Wexford en 1649, cette reconquête s’accompagna d’expropriations à grande échelle de catholiques irlandais 8 . La proportion de terres détenues par les catholiques passa de 59% en 1641 à 22% en 1660 9 . Plus d’un million d’hectares furent ainsi redistribués aux protestants anglais qui avaient mené ou aidé à financer la campagne militaire. Pour Cromwell et ses partisans, il s’agissait d’éliminer à jamais tout risque de voir se répéter le soulèvement catholique de 1641.

L’itinéraire de Richard Lawrence et de William Petty est à cet égard emblématique de celui de beaucoup de protestants anglais de l’époque. Nés en Angleterre, tous deux sont arrivés en Irlande à l’époque du Commonwealth, s’y sont enrichis et y ont passé une grande partie de leur vie. Lawrence, officier de l’armée de Cromwell, débarque sur l’île en 1649. Petty y est affecté comme médecin militaire, avant de se voir confier en 1654 le recensement de l’ensemble des terres du pays, le Down Survey, auquel Lawrence participe aussi. Les deux hommes se côtoient à nouveau comme membres du Council of Trade de l’Irlande sous la Restauration. En échange des services rendus, ils acquièrent de vastes domaines en Irlande, qu’ils tentent de faire fructifier selon les principes exposés dans leurs écrits.

William Temple (1628-1699) est, quant à lui, issu d’une famille anglaise déjà établie à Dublin. C’est également durant l’Interrègne qu’il s’installe en Irlande, après avoir voyagé en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. Il y passe sept années de 1656 à 1663, résidant tantôt chez son père à Dublin, tantôt sur ses propres terres dans le comté de Carlow. Il est élu deux fois député au Parlement irlandais, en 1660 et 1661, avant de se lancer, en Angleterre, dans une carrière diplomatique 10 . Sa vision de l’Irlande est donc plus fragmentaire que celle de Lawrence ou de Petty. Ce dernier demeure, par sa connaissance remarquable de la topographie du pays, et par la richesse des observations et des données statistiques qu’il recueillit pendant près d’un demi-siècle, l’une des meilleures sources d’information sur l’économie et la société irlandaises de l’époque 11 .

Dans l’Irlande des années 1650, la maîtrise du territoire passe par la connaissance scientifique du terrain et des ressources du pays. D’où un intérêt accru pour l’inventaire des richesses et pour l’économie du pays, stimulé par la parution en 1652 de la Natural History of Ireland des frères Boate, restée inachevée. The Political Anatomy of Ireland (1672) de William Petty, où l’auteur dresse un état des lieux de la situation économique, démographique et politique de l’île, en est le prolongement. Les transferts fonciers supposaient une connaissance précise de la géographie de l’île, de la nature des terres et de leur répartition : ils suscitèrent la première entreprise d’arpentage systématique et de cartographie de l’Irlande, sous l’égide de Petty.

Lawrence et Petty s’affrontent à cette époque sur le bien-fondé du grand projet cromwellien de « transplantation » des catholiques irlandais dans le Connaught. Lawrence y est favorable, Petty farouchement hostile, tout comme son ami Vincent Gookin, surveyor-general de l’Irlande, qui publie en 1655 un pamphlet intitulé The Great Case of Transplantation Discussed. Il ne fait aucun doute que l’ouvrage, fruit d’une collaboration entre les deux hommes, reflète en partie les vues de Petty. Le déplacement massif de population y est présenté comme un désastre, tant pour l’économie du pays dans son ensemble, dont il désorganiserait les structures, que pour la sécurité des protestants ; surtout, il entraînerait une ségrégation sociale et culturelle durable, rendant impossible toute acculturation des Irlandais par les Anglais 12 .

L’Irlande apparaît alors aux réformateurs anglais, notamment ceux qui gravitent autour du petit groupe de Samuel Hartlib, comme un « clean paper », pour reprendre l’expression de Cromwell 13 . Une autre métaphore récurrente, celle du laboratoire, propice à toutes les expériences, perdura sous la Restauration. En 1672, Petty écrit dans la préface de la Political Anatomy : « As Students in Medicine, practice their inquiries upon cheap and common Animals, and such whose actions they are best acquainted with, and where there is the least confusion and perplexure of Parts ; I have chosen Ireland as such a Political Animal, who is scarce Twenty years old » 14 .

 

Les incertitudes de la Restauration

 

La Restauration peut être vue comme une période d’accalmie relative entre deux grands bouleversements révolutionnaires, accompagnés de guerres, de massacres et d’expropriations, qui posèrent les bases d’une longue domination protestante de l’Irlande à laquelle les historiens ont donné le nom de « Protestant Ascendancy » 15 .

Pour les protestants d’Irlande, les années 1660-1688 sont une période d’incertitude, voire d’inquiétude quant à leur position et à la permanence des acquis de la période cromwellienne ; incertitude d’abord liée à la question de la terre (tant la maîtrise du territoire est la pierre angulaire de la domination anglaise sur l’île), et à la crainte, nullement infondée, que le roi Charles II ne restitue à certaines familles catholiques leurs anciennes terres. Ce sentiment de menace conduisit les protestants à affirmer l’identité de leur communauté, leur volonté de renforcer leur ancrage dans le pays et d’y laisser leur marque : une empreinte matérielle, visible sur le territoire, mais aussi culturelle.

C’est à la lumière de ce contexte particulier qu’il faut lire les traités de William Petty, Richard Lawrence ou William Temple. Leur vision de l’économie et de la société irlandaises est, inévitablement, colorée par leur expérience, leurs craintes et leurs désillusions. Face au danger toujours présent d’une nouvelle révolte, ils restent convaincus que la paix et la prospérité ne s’établiront durablement en Irlande que lorsque ses habitants auront adopté les comportements économiques, mais aussi les mœurs, la langue et la religion des Anglais.

 

Retard économique et pauvreté

 

Nombre d’observateurs européens de l’époque s’accordent à souligner le retard économique de l’Irlande par rapport au reste de l’Europe 16 . Celui-ci s’inscrit d’emblée dans le paysage, dans une nature sauvage, livrée à elle-même. Les immenses zones de marécages, inaccessibles au voyageur, frappent de nombreux visiteurs, ainsi que l’étendue des forêts. La présence de loups, encore attestée en Irlande jusqu’en 1700 17 , vient alimenter la vision d’un pays livré à la sauvagerie, où la civilisation semble reculer à mesure que l’on s’enfonce dans les régions de l’ouest aux terres infertiles, aux confins des îles Britanniques.

On note aussi la faible part de surfaces cultivées et l’absence d’enclosures dans certaines régions où prévalent encore l’open field et les exploitations de petite taille, souvent inférieures à 10 acres (4 hectares). Les techniques agricoles sont décrites comme archaïques. L’économie est essentiellement pastorale. Petty estime que sur 15 acres de terre exploitable, 14 sont encore dévolues au pâturage au début des années 1680 18 .

Pourtant, les observateurs soulignent aussi la grande fertilité du sol irlandais, qui produit naturellement, en abondance, toutes sortes de vivres. Mais la facilité de se procurer de la nourriture sur un territoire fertile et peu peuplé détourne les Irlandais du travail et les porte à négliger les cultures. William Temple explique ainsi la dextérité des fileuses irlandaises : « No women are apter to spin linen well than the Irish, who, labouring little in any kind with their hands, have their fingers more supple and soft than other Women of poorer condition among us » 19 .

L’idée selon laquelle les Irlandais répugneraient au travail est déjà à l’époque un lieu commun du discours économique anglais. Cette vision est fortement imprégnée d’une idéologie protestante qui fait de l’exploitation des ressources naturelles une obligation sacrée. L’improvement n’est pas seulement un moyen d’enrichir le pays, mais une prescription divine. Comme l’écrit John Locke dans le Second Treatise of Government : « God, who hath given the world to men in common, hath also given them reason to make use of it to the best advantage of life, and convenience » 20 . Les Irlandais se voient ainsi rejetés du côté de la barbarie et du péché. Le stéréotype des Wild Irish, déjà bien ancré dans la mentalité protestante anglaise, perdure. Il faut attendre le tournant du siècle pour voir l’Irlandais devenir un objet de dérision plutôt que de crainte ou d’horreur, par un glissement « du barbare au burlesque » qu’a bien mis en évidence David Hayton 21 .

Contrôlé pour l’essentiel par les protestants, le commerce présente lui aussi, aux yeux des observateurs anglais, les caractéristiques du sous-développement. De fait, sa structure est de type colonial : l’Irlande exporte principalement du bétail et un éventail réduit de denrées alimentaires, et importe des produits manufacturés. Le faible développement industriel du pays, où seule l’industrie lainière est réellement implantée, est également souligné. Si une embellie se dessine dans les années 1670, caractérisées par un certain essor des secteurs de la laine et de la soie, son impact ne doit pas être exagéré. Elle concerne surtout la capitale, qui connaît à cette époque un développement rapide. La demande croissante de vêtements et de tissus d’ameublement de luxe suggère une certaine augmentation du pouvoir d’achat des classes aisées 22 . Mais cette prospérité demeure limitée à la région de Dublin et ne se répercute guère sur le niveau de vie de la majorité des Irlandais 23 .

Les observateurs sont frappés par la grande pauvreté dans laquelle vit la majorité des habitants. En témoignent les conditions de logement. Selon Petty, sur les quelque 200 000 maisons que compte l’Irlande en 1672, « 160,000 are wretched nasty Cabbins, without Chimney, Window or Door shut, and worse than those of the Savage Americans, and wholly unfit for the making Merchantable Butter, Cheese, or the Manufactures of Woollen, Linnen or Leather » 24 . Le mode de vie des classes populaires est plus que frugal et leur consommation, en-dehors du tabac, se limite à un nombre restreint de produits locaux : blé, pommes de terre (dont la consommation semble avoir fortement augmenté à partir de la seconde moitié du XVIIème siècle), produits laitiers, poisson, laine. Les crises de subsistance, rappelons-le, demeurent fréquentes sous la Restauration. L’archevêque catholique d’Armagh, Oliver Plunkett, estimait que celle de 1674 avait fait plus de 500 victimes dans son diocèse 25 .

 

Causes du sous-développement

 

Le discours économique sur les causes du sous-développement irlandais révèle bien la tension entre l’analyse quantitative exprimée en « nombre, poids et mesure » (trilogie biblique chère à Petty), présentée comme idéologiquement neutre, et l’emprise de certaines idées reçues ou stéréotypes qui continuent de nourrir le discours scientifique.

Petty et Lawrence identifient un certain nombre de causes structurelles de sous-développement. Pour Petty, la principale explication est le sous-peuplement de l’île, consécutif à la rébellion de 1641 et aux destructions causées par la guerre. En 1672, se fondant sur les statistiques de l’impôt sur les feux, il estime la population irlandaise à 1 100 000 habitants 26 . C’est selon lui la trop grande dispersion des Irlandais sur le territoire qui décourage l’ardeur au travail :

 

Their Lazing seems to me to proceed rather from want of Imployment and Encouragement to Work, than from the natural abundance of Flegm in their Bowels and Blood ; for what need they to Work, who can content themselves with Potato’s, whereof the Labour of one Man can feed forty ; and with Milk, whereof one Cow will, in Summer time, give meat and drink enough for three Men ? 27

 

Petty s’inscrit ici en faux contre une idée déjà bien ancrée dans la mentalité anglaise que l’on rencontre dans de nombreux récits de voyages des XVIème et XVIIème siècles, celle d’une paresse congénitale des Irlandais 28 . Son analyse est reprise par William Temple : « the want of trade in Ireland proceeds from the want of people » 29 . Elle pousse les auteurs économiques à s’interroger sur les moyens de peupler l’Irlande en y attirant des protestants par le biais de la naturalisation ou d’avantages fiscaux.

Parallèlement, le sous-développement du pays est aussi souvent imputé à certaines attitudes irlandaises, et notamment à l’emprise du catholicisme sur les esprits. Le rôle néfaste des prêtres, qui endoctrinent leurs ouailles contre les Anglais et leurs entreprises, est l’un des leitmotivs du discours protestant. Petty note :

 

The Common Priests have few of them been out of Ireland ; and those who have, were bred in Covents, or made Friars for the most part, and have humble Opinions of the English and Protestants, and of the mischiefs of setting up Manufactures, and introducing of Trade. They also comfort their Flocks, partly by Prophecies of their Restoration to their Ancient Estates and Liberties 30 .

 

Les nombreuses fêtes religieuses catholiques sont autant de jours chômés qui nuisent à l’économie. De plus, en affaires ou dans les transactions foncières, les catholiques ne sont pas fiables, car « ils tiennent en piètre estime un serment sur une Bible protestante » 31 . On retrouve ces critiques, considérablement amplifiées, chez Lawrence, dont l’anti-catholicisme est beaucoup plus virulent. De confession baptiste, il vitupère longuement contre les « principes tridentins », qu’il qualifie de « barbares », l’ignorance et la débauche du clergé catholique, même s’il admet l’existence d’un petit nombre de « papistes plus sérieux et plus honnêtes » 32 .

 

Improvement et réforme sociale

 

Un terme revient sans cesse sous la plume des auteurs économiques de l’époque : celui d’improvement – terme aux acceptions et aux domaines d’application multiples, qui peut renvoyer au développement du commerce et de l’industrie, à la modernisation des techniques agricoles, à la mise en culture ou en valeur des terres, à l’embellissement des demeures et des jardins, aussi bien qu’à l’amélioration des mœurs. Plusieurs études importantes lui ont récemment été consacrées 33 . Paul Slack a bien retracé l’émergence de cette notion dans la pensée réformatrice anglaise au XVIIème siècle 34  : le terme est sans équivalent à l’époque dans les autres pays d’Europe et demeure difficile à rendre en français.

Appliqué à l’Irlande, l’improvement apparaît comme un moyen de maîtriser un territoire perçu comme sauvage, de transformer les coutumes et modes de vie de ses habitants selon les normes de civilité de l’Angleterre. Ainsi, Petty définit le but ultime de l’entreprise britannique en Irlande comme étant « la transmutation d’un peuple en un autre » 35 . Ce discours sur l’improvement est l’un des modes de légitimation de la mainmise anglaise sur l’île. Comme l’exprime John Locke dans son Second Treatise of Government, l’exploitation des ressources naturelles fonde le droit à la propriété du sol : « subduing or cultivating the Earth, and having Dominion, we see are joined together. The one gave Title to the other. So that God, by commanding to subdue, gave Authority so far to appropriate » 36 . De ce principe, qui constitue l’une des clés de voûte de la pensée coloniale anglaise en Irlande comme partout ailleurs dans le monde, découle l’opposition récurrente qu’établissent les réformateurs entre les improving landlords et les autres – ceux qui négligent de faire fructifier leurs terres ou pire, les propriétaires absentéistes qui passent en Angleterre l’essentiel de leur temps – qui sont tenus pour responsables d’une partie des maux de l’Irlande. Dans ces écrits, l’improving landlord est invariablement protestant, même s’il ne fait aucun doute que l’idéologie de l’improvement avait aussi ses adeptes parmi les propriétaires catholiques 37 . Les pasteurs anglicans ont d’ailleurs joué un rôle actif dans la diffusion du nouveau credo parmi les classes possédantes 38 .

Développer le pays, c’est donc d’abord transformer l’environnement naturel : assécher les marécages, exploiter les forêts pour fournir du bois à l’industrie, développer de nouvelles cultures, planter des vergers. L’une des déclinaisons de l’idéologie de l’improvement, riche d’associations symboliques, est l’art des jardins, qui relève de la même volonté de dompter une nature envahissante, voire menaçante, en prenant pour modèle le jardin anglais 39 .

Petty, Lawrence ou Temple s’interrogent aussi sur les moyens de stimuler l’industrie et le commerce. Ils critiquent au passage le gouvernement anglais, dont l’absence de soutien aux individus entreprenants et les lois protectionnistes – comme les Cattle Acts de 1663 et 1671 qui fermaient le marché anglais aux exportations de bétail irlandaises – entravent, selon eux, les manufactures naissantes et le négoce du pays. Convaincus des mérites de l’entreprise individuelle, ils s’emploient à donner l’exemple. En témoignent leurs propres initiatives sur le sol irlandais. Lawrence dirige une fabrique de lin à Chapelizod, près de Dublin, où travaillent quelque trois cents ouvriers. Petty installe sur ses terres du Kerry, à Kenmare, une forge et une pêcherie. Il s’agit aussi d’employer les pauvres, afin de porter remède au sous-emploi chronique maintes fois relevé. La perception des pauvres, elle aussi, se modifie au XVIIème siècle, qui voit progressivement s’imposer l’idée que la véritable richesse d’un pays réside dans une population nombreuse et bien employée. Ils apparaissent dans les écrits des réformateurs comme une richesse inexploitée, plutôt que comme un fardeau à la charge des paroisses ou une entrave au développement. Le profit et l’assistance aux pauvres constituent ainsi les deux volets indissociables d’une même entreprise 40 .

Les bénéfices escomptés, toutefois, ne seront pas au rendez-vous, les audacieux improvers se heurtant aux problèmes structurels de l’économie irlandaise. Petty découvre la mauvaise qualité du minerai de fer local et il tente sans succès d’attirer des travailleurs protestants qualifiés dans le Kerry, comté difficilement accessible 41 . Après l’expiration d’un contrat temporaire avec l’armée, Lawrence ne parvient pas à trouver d’autres débouchés pour les textiles fabriqués à Chapelizod. Tous deux doivent renoncer à leurs ambitions. Ils en gardent un vif ressentiment envers le gouvernement anglais, s’estimant insuffisamment aidés, ce qui est un autre trait récurrent de la mentalité anglo-irlandaise de l’époque. Las de voir ses projets de réforme rester lettre morte, Petty s’enfonce dans les dernières années de sa vie dans un désenchantement qui imprègne l’ensemble de ses écrits tardifs sur l’Irlande.

 

L’anglicisation de l’Irlande

 

Pour les réformateurs de la Restauration, la pacification et la prospérité de l’Irlande sont indissociables d’une anglicisation de ses habitants. Loin d’être nouvelle, l’idée remonte aux origines de la plantation de l’Irlande, plus précisément à Edmund Spenser (c.1552-1599), dont le traité A View of the Present State of Ireland (1595) se présente comme la réflexion théorique la plus élaborée sur la plantation anglaise de l’Irlande. Ce fut aussi la plus influente. Dans son ouvrage Making Ireland British 1580-1650, Nicholas Canny a montré à quel point le programme de Spenser est demeuré le texte de référence sur la question pendant plusieurs générations, influençant successivement Sir John Davies 42 , Francis Bacon et Oliver Cromwell, lequel lui vouait une grande admiration. Il s’agissait pour Spenser, une fois la conquête militaire du territoire effectuée, non seulement d’imposer un nouvel ordre social, en modifiant en profondeur les structures politiques et juridiques irlandaises sur le modèle anglais, mais aussi d’angliciser les habitants eux-mêmes, leurs noms, leurs coutumes et leurs modes de pensée. Spenser exprimait ainsi l’espoir que chaque Irlandais « apprenne en peu de temps à oublier tout à fait sa nation irlandaise » 43 . Il comptait pour cela sur les bienfaits de l’éducation, conformément à la tradition humaniste, et sur la promotion du protestantisme, qualifié de « vraie religion ».

C’est aussi une assimilation accélérée que Lawrence appelle de ses vœux lorsqu’il observe, au début des années 1680, que l’essor économique de Dublin et l’enrichissement de la communauté protestante s’accompagnent d’une acculturation des Irlandais, plus enclins à adopter les coutumes et la langue des Anglais. L’Irlande est en passe de devenir « West England », note-t-il avec satisfaction, tout en regrettant la lenteur du processus 44 .

Cette obsession de l’acculturation n’est en fait que le pendant de la vieille peur de l’irlandisation de la minorité anglaise au contact des autochtones. Spenser expliquait déjà à propos des premiers colons anglais : « some of them are degenerated, and grown mere Irish ; yea, and more malicious to the English, than the Irish themselves » 45 . Cette même crainte avait conduit le Parlement d’Irlande, dès 1366, à voter les statuts de Kilkenny afin d’empêcher l’assimilation des colons anglais. Aussi Lawrence, dans les années 1650, plaide-t-il en faveur d’une ségrégation des deux communautés. On la retrouve chez Richard Cox, auteur en 1689-1690 d’une Histoire de l’Irlande :

 

It is certain that there were great antipathies between the conquerors and the conquered ; but by degrees the English […] insensibly degenerated not only into Irish customes, habits and manners, but also assumed Irish names […] so that this difference of nation was on the old English side designed to be buried in oblivion 46 .

 

Comparée à celle de ses contemporains, la vision de William Petty apparaît singulièrement optimiste lorsqu’il suggère, dans The Political Anatomy of Ireland, qu’un échange de 200 000 femmes célibataires entre l’Angleterre et l’Irlande permettrait de réduire les différences « de mœurs, de langue et de religion » entre les deux communautés. Les Irlandaises pourraient apprendre les bonnes manières anglaises au sein d’un foyer protestant, tandis que les Anglaises, mariées à des Irlandais, mèneraient naturellement à bien l’entreprise d’anglicisation des mœurs en une ou deux générations :

 

When the Priests, who govern the Conscience, and the Women, who influence other powerful Appetites, shall be English, both of whom being in the Bosom of the Men, it must be, that no massacring of English, as heretofore, can happen again. Moreover, when the Language of the Children shall be English, and the whole Oeconomy of the Family English, viz. Diet, Apparel, etc. the Transmutation will be very easy and quick 47 .

 

L’échange de populations est la première solution démographique aux problèmes de l’Irlande envisagée par Petty. S’il ne résout pas le sous-peuplement du pays, il permet de modifier le poids respectif des deux confessions à l’avantage des protestants, rendant plus facile l’anglicisation des catholiques.

Petty s’est tourné, dans d’autres écrits vers une solution plus radicale encore : la « transplantation des Irlandais ». Il ne s’agissait plus, comme sous le Commonwealth, de déplacer les paysans vers l’ouest du pays, mais d’expatrier vers l’Angleterre la quasi-totalité de la population irlandaise. Une première esquisse du projet apparaît en 1676 dans Political Arithmetick où Petty démontre que l’afflux d’1,8 million d’Irlandais et d’Écossais sur le sol anglais enrichirait l’Angleterre de quelque 69 millions de livres, toute augmentation de la densité démographique se traduisant, selon lui, par une hausse exponentielle de la valeur de la terre. Quant à l’Irlande, Petty envisage purement et simplement de la revendre à une autre puissance.

Petty revient à cet extravagant projet dans une série d’écrits rédigés dans les derniers mois de sa vie, dans un contexte de crise économique et politique qui provoque un nouvel exode de protestants, effrayés par la politique pro-catholique du comte de Tyrconnel 48 . Désespérant de voir l’Irlande se repeupler et s’enrichir, il imagine, dans son Treatise of Ireland de 1687, la transplantation massive vers l’Angleterre d’un million d’Irlandais – expression ultime de ses désillusions 49 . Ce transfert forcé de population lui apparaît comme le seul moyen de réaliser, fût-ce sur le sol anglais, l’acculturation des Irlandais, transformés en minorité au sein de la population britannique. L’île deviendrait une sorte d’immense ranch, où pourraient demeurer 300 000 Irlandais qui se consacreraient à l’élevage.

Ce projet, par sa démesure et son irréalisme autant que par la précision des calculs qui le sous-tendent, met en lumière toutes les ambiguïtés de la pensée réformatrice anglaise. Il peut être lu comme l’expression d’une désillusion envers l’arithmétique politique comme outil de réforme économique, mais aussi comme la reconnaissance implicite, de la part de son auteur, de l’échec d’une entreprise séculaire visant à faire de l’Irlande une seconde Angleterre 50 .

 

Le discours des réformateurs anglais sur l’Irlande dans les années 1660-1680 est donc à bien des égards hybride. Marqué par la Révolution scientifique qui vit émerger la statistique, la science des populations et l’économie quantitative, il reste aussi tributaire de représentations et de préjugés issus d’une longue tradition de pensée sur la notion de plantation. C’est peut-être chez William Petty, qui possède une meilleure connaissance de la population, des terres et des structures économiques de l’Irlande qu’aucun Anglais avant lui, que cette ambivalence est la plus frappante. Son style dépouillé, émaillé de statistiques, devint la marque de fabrique de l’arithmétique politique avant d’être brillamment pastiché par Jonathan Swift dans son Modest Proposal (1729). Le discours économique annonce aussi, par certains de ses thèmes, comme la critique de l’absentéisme ou des restrictions commerciales imposées par l’Angleterre, le discours « patriote » protestant du siècle suivant. Il renvoie aussi au sentiment d’insécurité des protestants d’Irlande sous la Restauration. Même s’il faut se garder de toute généralisation quant aux attitudes d’une communauté très divisée, les années 1640-1650 représentent une période-clé dans l’émergence d’une « identité protestante » qui ne trouvera sa pleine expression qu’au XVIIIème siècle 51 . Le souvenir des massacres de 1641, amplifiés par la mémoire collective, reste vivace chez les protestants d’Irlande et continue d’alimenter leurs peurs : beaucoup se considèrent sous la Restauration comme une minorité vivant sous la menace constante d’une majorité catholique potentiellement rebelle 52 . Cette crainte omniprésente d’une résurgence catholique sous-tend nombre d’écrits visant à légitimer la mainmise des protestants sur l’île. L’influence des récits historiques, en particulier The Irish Rebellion de John Temple, publié en 1646 et réédité neuf fois avant 1812, est bien connue. On peut faire l’hypothèse que le discours économique sur l’improvement remplit une fonction similaire de réaffirmation de la place et de l’action de la communauté protestante en Irlande et représente, à ce titre, un des modes d’expression d’une identité anglo-irlandaise en voie de construction.

Notes    (↵ returns to text)

  1. Francis Bacon, Novum Organum, Londres, 1620, Livre I, Aphorisme 127.
  2. Voir Charles Webster, The Great Instauration : Science, Medicine, and Reform 1620-1660, New York, Holmes & Meier Publishers, 1976.
  3. Le terme est à entendre ici au sens économique et social, non religieux.
  4. Charles Davenant, Discourse on the Publick Revenues, and on the Trade of England, Londres, J. Knapton, 1698, p. 2.
  5. David Attis, « Sir William Petty and the Mathematical Conquest of Ireland », Science and Irish Culture : Why the History of Science Matters in Ireland, tome I, dir. David Attis et Charles Mollan, Dublin, Royal Dublin Society, 2004, p. 51-76.
  6. Celle-ci avait commencé sous les premiers Tudor, dès les années 1530. Voir Steven Ellis, Ireland in the Age of the Tudors, 1447-1603 : English Expansion and the End of Gaelic Rule, Londres, Longman, 1998 ; Nicholas Canny, Making Ireland British, 1580-1650, Oxford, Oxford UP, 2001.
  7. William Petty, A Treatise of Taxes and Contributions, Londres, 1662, in C.H. Hull (éd.), The Economic Writings of Sir William Petty, Cambridge, Cambridge UP, 1899, p. 1-97 ; William Temple, Essay upon the Advancement of Trade in Ireland, Dublin, 1673 ; Richard Lawrence, The Interest of Ireland in Its Trade and Wealth Stated, Dublin, J. Ray, 1682 ; William Petty, The Political Anatomy of Ireland [1672], Londres, 1691, in C.H. Hull (éd.), The Economic Writings of Sir William Petty, p. 121-231.
  8. En 1652, Cromwell avait fait voter un Act of Settlement, qui prévoyait de déposséder de leurs terres, au profit des soldats de l’armée du Commonwealth, tous les propriétaires irlandais ayant pris part à la rébellion de 1641.
  9. J. G. Simms, The Williamite Confiscation in Ireland, 1690-1703, Londres, Faber & Faber, 1956. Selon les estimations de Petty, l’Irlande comptait en 1660 environ 3 protestants pour 11 catholiques.
  10. « Sir William Temple », Oxford Dictionary of National Biography.
  11. Michel Peron, « Sir William Petty. Sa pensée économique et sociale », thèse de Doctorat d’État, Université Lyon 2, 1982 ; Sabine Reungoat, William Petty, observateur des îles Britanniques, Paris, INED, 2004 ; Ted McCormick, William Petty and the Ambitions of Political Arithmetic, Oxford, Oxford UP, 2009.
  12. Richard Lawrence, The Interest of England in the Irish Transplantation, Londres, 1655 ; Vincent Gookin, The Great Case of Transplantation Discussed, Londres, 1655. Voir Toby C. Barnard, « Crises of Identity among Irish Protestants, 1641–1685 », Past and Present 127 (1990), p. 39-83 ; Patricia Coughlan, « Counter-currents in Colonial Discourse : the Political Thought of Vincent and Daniel Gookin », Political Thought in Seventeenth-Century Ireland : Kingdom or Colony, dir. Jane Ohlmeyer, Cambridge, Cambridge UP, 2000, p. 56-82.
  13. Barry Coward, Oliver Cromwell, Londres, Pearson Education, 1991, p. 76. Dans la préface du Treatise of Taxes (1662), Petty parle de « white paper ». 
  14. C.H. Hull (éd.), The Economic Writings of Sir William Petty, p. 129.
  15. Longtemps négligée au profit des deux périodes révolutionnaires qui l’encadrent, l’Irlande de la Restauration a récemment fait l’objet de plusieurs travaux importants. En l’absence de monographie consacrée à cette période, on peut citer les ouvrages de T.W. Moody, F.X. Martin, F.J. Byrne (dir.), A New History of Ireland, tome III, Oxford, Oxford UP, 1991, ; S.J. Connolly, Religion, Law and Power : The Making of Protestant Ireland 1660-1760, Oxford, Oxford UP, 1995 ; David Dickson, New Foundations : Ireland 1660-1800, Dublin, Irish Academic Press, 1999 ; Toby C. Barnard, A New Anatomy of Ireland : The Irish Protestants 1649-1770, New Haven, Yale UP, 2003 ; Raymond Gillespie, Seventeenth-Century Ireland : Making Ireland Modern, Londres, Gill & MacMillan, 2006 ; Coleman Dennehy (dir.), Restoration Ireland : Always Settling and Never Settled, Aldershot, Ashgate, 2008.
  16. Outre les traités économiques mentionnés ici, on peut citer les récits de voyage de Thomas Dineley : Observations in a Voyage through the Kingdom of Ireland (1681) et de John Dunton : The Dublin Scuffle (1699).
  17. S.J. Connolly, Religion, Law and Power :, p. 42.
  18. Ibidem, p. 41-50 ; J.H. Andrews, « Land and people, c. 1685 », A New History of Ireland, tome III, dir. T.W. Moody, F.X. Martin, F.J. Byrne, p. 454-477. En Angleterre, on peut estimer que les prairies et les pâturages occupaient, en 1700, 15 millions d’acres sur 24, soit environ 62 % des terres : Bruce M. S. Campbell, Mark Overton, Jean Heffer et Gérard Béaur, « Production et productivité dans l’agriculture anglaise, 1086-1871 », Histoire & Mesure 11 (1996), p. 255-297. NB : les mesures en acres sont des valeurs arrondies données par Petty qui se prêtent donc mal à la conversion en hectares.
  19. W. Temple, Essay upon Trade, p. 11.
  20. John Locke, Second Treatise of Government, Londres, 1690, ch. V (« Of Property »), § 26.
  21. David Hayton, « From Barbarian to Burlesque : English Images of the Irish c. 1660-1750 », Irish Economic and Social History 15 (1988), p. 7-31.
  22. Voir Louis Cullen, « Economic trends, 1660-91 », A New History of Ireland, tome III, dir. T.W. Moody, F.X. Martin, F.J. Byrne, p. 387-407 ; R. Gillespie, Seventeenth-Century Ireland, p. 244-250.
  23. Le caractère fragmentaire des données disponibles rend difficile toute comparaison entre l’Irlande et l’Angleterre. En 1672, Petty évaluait à 2,60 £ le revenu moyen par tête de 86 % des Irlandais, et à 10 £ celui des 14 % les plus riches. Gregory King, en 1688, l’estimait à 3,12 £ pour les travailleurs et domestiques anglais, représentant 47 % de la population, et à 12,65 £ pour les 53 % les plus riches (D. Dickson, New Foundations, p. 111).
  24. C.H. Hull, Economic Writings, p. 191.
  25. S.J. Connolly, Religion, Law and Power, p. 48.
  26. Ce chiffre est très sous-évalué. Selon les travaux récents, la population irlandaise avoisinait plutôt les 2 millions d’habitants à cette époque : L. Cullen, « Economic trends, 1660-91 ».
  27. C.H. Hull, Economic Writings, p. 201.
  28. On la trouve notamment chez Fynes Moryson (1566-1630) ou Thomas Dineley (m. 1695). Sur ces stéréotypes, voir Joseph Theodoor Leerssen, Mere Irish & Fíor-Ghael : Studies in the Idea of Irish Nationality, its Literary Expression and Development prior to the Nineteenth Century, Amsterdam, John Benjamins, 1986, p. 53-67.
  29. W. Temple, Essay upon Trade, p. 3.
  30. C.H. Hull, Economic Writings, p. 199.
  31. Ibidem, p. 182.
  32. R. Lawrence, The Interest of Ireland. Sur Lawrence, voir Toby C. Barnard, « Interests in Ireland : The “Fanatic Zeal and Irregular Ambition” of Richard Lawrence », British Interventions in Early Modern Ireland, dir. Ciara Brady et Jane Ohlmeyer, Cambridge, Cambridge UP, 2005, p. 299-314.
  33. C. Brady et J. Ohlmeyer (dir.), British Interventions in Early Modern Ireland ; Toby C. Barnard, Improving Ireland ? Projectors, Prophets and Profiteers, 1641–1786, Dublin, Four Courts Press, 2008 ; Paul Slack, The Invention of Improvement : Information and Material Progress in Seventeenth-Century England, Oxford, Oxford UP, 2014.
  34. Paul Slack, From Reformation to Improvement : Public Welfare in Early Modern England, Oxford, Clarendon Press, 1998.
  35. C.H. Hull, Economic Writings, p. 157.
  36. John Locke, Second Treatise of Government, 1690, ch. V (« Of Property »), § 35.
  37. T.C. Barnard, Improving Ireland ?, p. 17.
  38. Ibidem, p. 37.
  39. Voir l’article de Toby C. Barnard, « Gardening, Diet and “Improvement” in Later Seventeenth-century Ireland », The Journal of Garden History 10 / 1 (1990), p. 71-85.
  40. R. Gillespie, Seventeenth-Century Ireland, p. 254-258.
  41. Voir Toby C. Barnard, « Sir William Petty, his Kerry Estates and Irish Population », Irish Economic and Social History 6 (1979), p. 64-9 ; « Sir William Petty, Irish Landowner », History and Imagination : Essays in Honour of H. R. Trevor-Roper, dir. H. Lloyd-Jones, V. Pearl et B. Worden, Londres, Duckworth, 1981, p. 201-217.
  42. Sir John Davies (1569-1626), poète et juriste anglais, occupa plusieurs postes officiels en Irlande, où il participa à la plantation de l’Ulster sous Jacques Ier. Il publia en 1612 A Discoverie of the True Causes why Ireland was never entirely subdued.
  43. Cité par N. Canny, Making Ireland British, 1580-1650, p. 577 (notre traduction).
  44. R. Lawrence, The Interest of Ireland, tome II, p. 51.
  45. Cité par N. Canny, Making Ireland British, p. 48.
  46. Richard Cox, Hibernia Anglicana, or, The History of Ireland from the Conquest Thereof by the English to this Present Time, Londres, H. Clark and J. Watts, 1689, tome I, « Address to the Reader ».
  47. C.H. Hull, Economic Writings, p. 158-159.
  48. Richard Talbot (1630-1691), premier comte de Tyrconnel, Lord Lieutenant d’Irlande de 1687 à 1688, avait entrepris de rendre aux catholiques irlandais les charges militaires et administratives dont ils étaient exclus.
  49. Resté inachevé, ce traité fut publié pour la première fois en 1899 : C.H. Hull, (éd.), Economic Writings, p. 545-621.
  50. N. Canny, Making Ireland British, p. 578.
  51. Voir Toby C. Barnard, « Crises of Identity among Irish Protestants, 1641–1685 », Past and Present 127 (1990), p. 47-49.
  52. S.J. Connolly, Religion, Law and Power, p. 30.

Bibliographie

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Auteur

Sabine Reungoat est Maître de conférences en civilisation britannique et membre du groupe de recherche Constructions Identitaires et Mobilisations dans le Monde Anglophone (CIMMA/IMAGER) à l’Université Paris-Est Créteil. Ses recherches portent principalement sur la naissance de l’économie politique et de la démographie en Angleterre et en Irlande dans la seconde moitié du XVIIème siècle. Elle s’intéresse notamment à l’œuvre de William Petty et à l’école anglaise d’« arithmétique politique », ainsi qu’aux représentations de l’Irlande dans la pensée économique et sociale à l’époque de la Restauration.

Pour citer cet article

Sabine Reungoat, Les réformateurs anglais et l’Irlande dans la seconde moitié du XVIIème siècle, ©2016 Quaderna, mis en ligne le 8 avril 2016, url permanente : https://quaderna.org/3/les-reformateurs-anglais-et-lirlande-dans-la-seconde-moitie-du-xviieme-siecle/

Les réformateurs anglais et l’Irlande dans la seconde moitié du XVIIème siècle
Sabine Reungoat

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